La soirée russe du Philhar' sous la baguette de Saraste à la Philharmonie
Une fois n'est pas coutume, l'Orchestre Philharmonique de Radio France proposait un programme 100% russe le vendredi 26 janvier dernier à la Philharmonie de Paris. Sous la baguette du chef finlandais Jukka-Pekka Saraste, le Philhar' revisitait deux oeuvres de Rachmaninov, déjà entendues à Radio France, avec tout d'abord l'Île des mort, dont on se souvient d'un concert mémorable de 2018 dirigé par Vasily Petraeko. Puis revisitée par Mikko Franck sans public en 2021. Quant aux Danses Symphoniques ensuite, c'était du côté du National qu'elles avaient été jouées en 2017 sous la direction de Kirill Karabits. Et entre les deux, Offertorium de Sofia Goubaïdoulina, programmée dans le cadre de la saison Unanimes, qui mise à une meilleure représentation des compositrices dans les concerts. Et pour cette partition, nous retrouvions avec joie le violoniste solo Renaud Capuçon.
L'Île des morts est un poème symphonique de Rachmaninov inspiré d'un tableau de Böcklin, dont on peut voir une version à Berlin. Sur un rythme monotone, la musique de Rachmaninov décrit l'approche de cette île imposante qui semble peut accueillante, pour ne pas dire effrayante. L'interprétation de Jukka-Pekka Saraste à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France est d'emblée méticuleuse et précise. Le début, dans le grave des cordes, aidées par la harpe et les vents, évoque un mouvement répétitif de rames. On apprécie particulièrement la recherche sur les timbres graves (cuivres, bassons, cordes basses) qui sonnent particulièrement bien dans la Grande Salle Pierre boulez de la Philharmonie. Au fur et à mesure de l'avancée, la phalange parisienne augmente en cohésion. On sent notamment un vrai travail sur les coups d'archets des cordes qui sont toujours précis, avec des gestes prononcés, tels ceux d'un artisan produisant son art avec patience. Le chef ne doit pas être étranger à cela, tant l'articulation du phrasé est perceptible. Mais cette méticulosité se fait au détriment de l'émotion. La qualité technique prend le pas sur le reste. On déplore le peu de vibrato, et un grand crescendo qui tombe un peu à plat, malgré les nombreux chromatismes de la partition. On entend ainsi une musique marmoréenne qui figure une mer calme à l'approche de l'Île des morts, là où on aurait aimé le tumulte.
Sofia Goubaïdoulina compose son Offertorium, concerto pour violon et orchestre, en 1980. La partition sera créée par le violoniste letton qu'on ne présente plus, Gidon Kremer. Mais il ne s'agit pas vraiment d'un concerto dans la forme traditionnelle. Dans la messe, l'Offerotium, c'est l'offrande. Et cette offrande musicale est un thème dédié à Bach, dont chaque note est jouée au début par un instrument différent des vents. Tout au long de cette oeuvre, les instruments jouent dans des registres insolites (glissando de cor par exemple). Les pupitres du Philhar' sont très concernés et défendent cette oeuvre très bien. Tout comme Renaud Capuçon, en soliste, qui joue avec ferveur, et virtuosité. Virtuosité renouvelée en bis dans l'Étude Daphné de Richard Strauss.
Enfin, pour conclure, les Danses symphoniques de Rachmaninov, ultime oeuvre composée par son auteur. Dans cette partition, où le modernisme côtoie le lyrisme caractéristique du compositeur, Jukka-Pekka Saraste est davantage dans son élément. Son phrasé méticuleux, sa précision sur la mise en place, l'acidité des timbres, et la régularité de la battue, font merveille dans la première danse, nommé malicieusement Non allegro. Le deuxième motif, faisant intervenir le saxophone est un moment un peu pastoral qui permet d'alléger un peu ce qui pourrait apparaitre comme un lecture maniaque de cette musique. Et la légèreté, on la trouve surtout dans la deuxième danse, où sur le tempo de valse, la petite harmonie chante, notamment le Cor anglais, qui a un rôle central dans cette partie. L'intensité est toutefois toujours présente et les cordes s'autorisent enfin du vibrato, qui est du plus bel effet dans la musique de l'éternel romantique qu'est Rachmaninov. La conclusion, très nerveuse, est un moment de virtuosité orchestrale, où chaque attaque claque. Le chef n'a pas peur de tester l'acoustique de la philharmonie avec des nuances forte probantes, et de lâcher la bride aux percussions. Enfin, l'apparition du thème du Dies Irae, notamment aux cuivres, ramène une obession du compositeur, pour nous hanter à l'issue de ce concert, dans ce final haletant. Une plongée passionnante dans la musique russe !
Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de Radio France
SERGUEÏ RACHMANINOV L’Île des morts SOFIA GOUBAÏDOULINA Offertorium SERGUEÏ RACHMANINOV Danses symphoniques RENAUD CAPUÇON violon ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE JUKKA-PEKKA SARASTE direction |
Des Danses symphoniques des Rachmaninov ciselées et rythmées sous la baguette de @jpsaraste à la tête du @PhilharRF ce soir à la @philharmonie
— Andika (@Nyantho) January 26, 2024
Avec un final démoniaque plein d’énergie et de force !
Ça fait plaisir de retrouver le Philhar’ le vendredi soir en 2024 ! pic.twitter.com/CTzMW8dvbZ
Magnifique @PhilharRF dans ce passionnant prog Rachma /Goubaïdoulina dirigé par @jpsaraste !
— Guillaume Giraudon (@Guiguiii94) January 26, 2024
L’île des morts solennelle & dramatique, le rare Offertorium long mais intéressant (@RCapucon au violon) et une matière orchestrale d’une fabuleuse richesse & densité dans Danses sympho. pic.twitter.com/JXR9WPUGoK
Concert inégal avec une « Île des morts »limite ennuyeuse puis un superbe #Offertorium porté par un @RCapucon concentré au jeu raffiné et enfin des Danses symphoniques racoleuses sous la baguette rigide @jpsaraste 🥱Rachmaninov mérite mieux 🤨 Excellent @PhilharRF comme dab 🤩 pic.twitter.com/wXyU6XAVzH
— Gilles Lesur 🇺🇦 (@GLesur) January 26, 2024
Ce soir, @RCapucon a défendu Offertorium de Sofia Goubaïdoulina avec beaucoup de conviction et de talent ! Les registres employés dans cette œuvre sont assez insolites parfois. Le @PhilharRF et @jpsaraste étaient aussi point. pic.twitter.com/y5YJ9F0dm3
— Andika (@Nyantho) January 26, 2024
Le @PhilharRF livre une version d'anthologie des Danses symphoniques de Rachmaninov dirigées par @jpsaraste qu'il sera bon d'écouter ou réécouter sur @francemusique. @philharmonie comble et en 1ère partie L'île des Morts et du grand @RCapucon dans l'Offertorium de Goubaïdoulila. pic.twitter.com/JnOSCb37Y4
— Mathilde Liffraud (@M_Liffraud) January 26, 2024
Une Île des mort entourée par une mer calme ce soir dans la lecture de @jpsaraste à la tête du @PhilharRF tantôt marmoréenne, tantôt mystérieuse, l’interprétation du chef se distingue par sa précision, son élégance. Mais pêche par manque d’intensité et d’émotions parfois. pic.twitter.com/gPGu6i3kOJ
— Andika (@Nyantho) January 26, 2024
Rachmaninov Renaud Capuçon - J.-P. Saraste - Vendredi 26 janvier 2024 - 20h00 Philharmonie de Paris
" Pour parler par métaphores, avança un amoureux de sa musique, Rachmaninov s'est enfermé tout seul dans sa chambre noire, s'est fait des frayeurs mortelles, puis a traduit ses états d'âme sur...