Le jeu d’échecs et moi
Je me livre une fois de plus à un récit autobiographique mais que voulez-vous, il faut bien que vous me découvriez. Même si vous croyez bien me connaitre, ce n’est pas forcément le cas, on ne cesse jamais véritablement de d’apprendre des choses sur les gens.
Qui me connait un peu sait que je suis un gros fana d’échecs, qui me connait bien a même déjà certainement joué une partie contre moi, qui me connait très bien a certainement perdu contre moi aux échecs, et qui me connait encore mieux m’a battu régulièrement.
Je me souviens bien à quelle occasion j’ai découvert ce jeu fantastique, j’étais en maternelle, tôt le matin avant les cours, au centre de loisir. Un des animateurs dont j’ai oublié le nom(ça doit bien faire 20 ans quand même) nous initiait aux échecs et j’ai tout de suite apprécié ce jeu. Plus sophistiqué que les dames, un peu moins accessible mais tellement intéressant. Les règles sont finalement assez simples, les mouvements des différentes pièces assez aisés à comprendre mais les décrire par écrit est un peu plus difficile. Le pion, c’est une sorte de fantassin, quand on apprend à jouer on nous dit qu’il vaut 1 point. Il ne peut bouger que d’une case vers l’avant en revanche, il mange les pièces adverses en diagonale. Ensuite il y a le fou, qui ne se déplace que en diagonale, il a la particularité de ne pouvoir se mouvoir que sur les cases d’une même couleur, il vaut communément 3 points. Après c’est le fameux cavalier qui fait tant de misères, il se déplace en faisant des L, je ne peux pas décrire son déplacement avec des phrases, impossible de l’expliquer sans le montrer, il vaut également 3 points. Après c’est la tour, elle se déplace verticalement et horizontalement sur les cases, pièce très puissante mais qui intervient en général après les autres pièces dans la partie, elle vaut 5 points. Ensuite, la fameuse reine, elle se déplace dans tous les sens, une sorte de fusion entre un fou et une tour, elle va par conséquent en diagonale, à l’horizontale et à la verticale, c’est de loin la pièce la plus puissante, gril power ! Elle vaut 10 points. Le but du jeu d’échecs est d’enfermer le roi adverse et ainsi l’empêcher de bouger, l’adversaire sera alors échecs et mat. Les pièces noires affrontent les pièces blanches sur 64 cases et c’est parfois jouissif.
Mon expérience des échecs ne s’est pas limitée à mon initiation à la maternelle. En effet, j’ai très rapidement adhéré à un club d’échecs une fois arrivé au primaire. Je me suis rendu compte des années après que ce club était affilié à la FSGT (l’influence de la CGT et du PC dans mon enfance ne sera jamais démentie). Une fois inscrit au club, mes mercredis après midi se résumaient à jouer aux échecs, genre de 14h à 19h, tous les mercredis, jusqu’au collège. Mon prof s’appelait Michel et il était toujours dans son survêtement bleu marine, ça m’amusait beaucoup. Sa passion était communicative, j’ai tellement appris de lui, toutes ces ouvertures, l’espagnole, l’italienne, la sicilienne, le dragon, tous ces noms de variantes nous faisaient voyager et stimulaient notre imagination. Et lorsqu’on avait bien joué, on avait droit à des bonbons qui étaient soigneusement rangé dans un placard, quel plaisir après d’innombrables parties d’échecs que de déguster ces bonbons.
Les mercredis après-midi avaient toujours le même schéma, on commençait avec l’étude de parties anciennes, de problèmes d’échecs ou encore l’apprentissage d’ouvertures au tableau et ensuite on jouait jusqu’à n’en plus finir. Aujourd’hui encore, je me demande comment j’aurais pu mieux passez mes mercredis après midi qu’à jouer aux échecs, je pense que c’était impossible.
Ce qui est bien lorsqu’on est enfant, c’est qu’on apprend vite, très vite. Ainsi, je n’ai pas tardé à vaincre des adultes. Ils arrivaient en fin d’après midi et on était tous très avides de se frotter à eux. C’est très grisant lorsqu’on est haut comme trois pommes que de battre un adulte, surtout à un jeu socialement reconnu et ancien comme les échecs. Une sensation inestimable et que j’aurais du mal à retrouver vu que je suis moi-même un adulte aujourd’hui. Ce qui s’en rapproche un peu aujourd’hui pour moi, c’est peut-être le fait de ne pas laisser indifférentes des femmes plus âgées que moi mais je m’égare.
Mais arrivé au milieu du collège, après avoir déménagé, j’ai arrêté d’aller au club, lentement mais surement. Mais j’ai continué à jouer aux échecs, notamment avec mes amis qui savaient également y jouer, j’ai également tenté d’apprendre le jeu à mon père et à mes petits frères mais sois j’étais un mauvais enseignant, soit ils étaient de mauvais élèves.
Une fois de plus, ce n’était pas de battre mes amis qui m’amusait, c’était de battre les parents de mes amis ! Et j’y parvenais souvent !
Ensuite je suis allé au lycée, à l’internat et j’ai rencontré de nombreuses personnes qui jouaient aux échecs, l’année de la terminale, il y avait même un club d’échecs qui s’était monté au lycée et qui nous permettait de gruger tout le monde à la cantine afin d’avoir la possibilité d’aller jouer par la suite. Arrivé à l’adolescence et au lycée, je n’étais plus dans une optique de jeu, j’étais plutôt dans un objectif d’humiliation de mon adversaire. A ce moment de mon existence, battre quelqu’un aux échecs était un peu pour moi une opportunité de lui affirmer ma supériorité intellectuelle, c’est idiot mais c’était amusant de raisonner comme ça. J’avais même repris une licence dans un club, cette fois-ci affilié à la FFE. C’était très pratique, on jouait les samedis après midi et la salle de jeu était au bout de ma rue. Par contre cette fois-ci, il n’y avait pas de leçon, juste du jeu. (Edit: Et des matchs par équipe face à d'autres clubs !)
Aujourd’hui, ma frénésie d’échecs s’est un peu estompée, je n’y joue plus tellement. Il m’arrive parfois d’affronter ma tablette mais lorsque je constate que la partie ne tourne pas bien, j’éteins rapidement. Je commets de grosses bêtises aujourd’hui, je n’ai plus la vision que j’avais auparavant. Plus jeune, je n’étais pas forcément un joueur qui prévoyait ses coups longtemps à l’avance, mais j’avais une science du jeu, un nombre de parties à mon actif qui faisait qu’assez spontanément, j’arrivais à trouver un coup juste. Je connaissais parfaitement de nombreuses ouvertures et par conséquent, je n’avais pas forcément à trop réfléchir dès le début de la partie. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même chose. Sois je ne raisonne pas et je commets d’horribles erreurs, soit au contraire j’essaye de réfléchir à tout et je n’ose plus bouger une pièce. J’aimerais tellement retrouver mon insouciance par rapport à ce jeu.
En écrivant ces lignes, je repense à toutes les personnes que j’ai affrontées à ce jeu et je me rends compte qu’à chaque fois, c’est un moment assez particulier, que ce soit avec un inconnu ou un ami. Il y a peu d’activités qui permettent à la fois une telle proximité et une telle distance.
Je me souviens d’une anecdote au jardin du Luxembourg, au lieu des échecs parisien s’il en est. Il y avait ce jour là un joueur extrêmement fort, il venait d’Iran, il ne parlait pas français, la barrière de la langue freinait un peu les échanges mais en revanche, nous nous comprenions tous une fois sur l’échiquier. J’aime la manière dont ce jeu rapproche les gens, de diverses origines, de diverses générations.
Une dernière anecdote, un jour d’été, j’entre dans un club d’échecs, et je trouve un vieil homme qui avait l’air vraiment très usé, nous entamons une partie. J’ai eu la présomption de croire que je le vaincrais aisément mais au contraire, il m’a écrasé ! J’ai vraiment pris une bonne leçon ce jour là !
Ainsi, voici ce que j’avais à dire sur ce jeu, qui fait partie de moi depuis si longtemps et qui a certainement influé sur ma personnalité, sur mes capacités d’analyse et de réflexion. J’espère vous avoir donné envie d’y jouer, et qui sait, un jour, on se retrouvera éventuellement face à face pour une partie. Si j’ai les blancs, je vous annonce d’ores et déjà mon premier coup, ce sera E4 !
Texte écrit le 30 janvier 2015, remis au goût du jour grâce à la série Netflix "The Queen's Gambit"