Un week-end (pas que) musical à Berlin [Partie 2]
Après la désillusion des Berliner Philharmoniker la veille, la seconde journée berlinoise s'annonçait toutefois sous de bons hospices. En effet, nous avions bien davantage de temps pour programmer des visites de musées !
La Journée
C'est le jour de la finale de la coupe du monde de rugby entre l'Afrique du Sud et l'Angleterre, mais comme aux dernières nouvelles, l'Allemagne n'est pas une terre de rugby, il était compliqué pour moi de regarder le match. Qu'à cela ne tienne, la quête d'un Fruhstück était bien plus passionnante qu'un énième match (dont j'ai quand même suivi le score avec attention sur twitter). Ce sera au Hallesches Haus - General Store. Encore un endroit bobo où l'on peut manger vegan, où les gens portent un bonnet à l'intérieur, mais c'était cool. Et puis le personnel appréciait mes efforts pour parler en allemand.
Et une fois le ventre plein, on peut s'attaquer aux musées ! Après une tentative manquée au musée de la RDA (trop de monde, et temps d'attente disproportionné pour un intérêt relatif), nous sommes allés à l'Alte Nationalgalerie où l'on peut notamment admirer des peintures impressionnistes françaises, mais aussi le courant romantique allemand avec le fameux Friedrich. Celui à qui on doit cette toile qui a un certain succès sur internet...
Je connais ce peintre depuis mes cours de culture générale pour la préparation du concours de l'ENM. Aller dans un musée où beaucoup de ses tableaux étaient exposés m'attirait beaucoup. Et l'opportunité d'en voir en France est moindre qu'à Berlin. Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié l'esthétique d'une toile en particulier, L'Abbaye dans une forêt de chênes.
Ce paysage délabré m'a marqué, notamment par sa lumière si sombre, ce monde assez gothique que ne renierait pas Tim Burton, et pourtant, ce tableau date de 1810. Devant une telle peinture, j'ai pris conscience de la dette du cinéma vis-à-vis de cet art. Un metteur en scène pourrait reprendre de ce plan tel quel pour un film afin de créer une atmosphère mystérieuse et pesante, et je trouve cela fabuleux.
Et quel plaisir également de retrouver des Delacroix si loin de chez moi (Très beau nu que ce Mademoiselle Rose). Alors oui, ce n'est pas forcément le plus dépaysant artistiquement, mais voir ces peintures françaises qui essaiment un peu partout, c'est quand même agréable. Je me suis également longuement arrêté devant ce portrait intitulé In Summer d'Auguste Renoir.
On a l'impression que cette jeune femme est véritablement en face de nous tant le niveau de détails est élevé, tant elle semble vivante. Ses cheveux ondulés, les couleurs vives des feuilles derrière elle, les plis de ses vêtements, vraiment un beau tableau.
Mais ce qui a vraiment valu le déplacement pour moi, c'est bien l'Île des morts de Böcklin dans sa version de Berlin datée de 1883.
Cela me fait plaisir de voir des peintures que je connais déjà, d'être juste en face, et d'en profiter pleinement, seul à seul avec la toile. Je ne parle pas beaucoup de peinture ici car les expositions auxquelles je me rends, sont en général très denses, et je ne saurais même pas par où commencer. Mais ma devise ici est bien "Ma vie culturelle et bien d'autres choses encore" et sachez que cela en fait pleinement partie. Et en plus, lorsque la peinture n'est pas cloisonnée à la peinture et inspire des compositeurs, c'est bingo. Si je connais cette toile, c'est parce que j'ai entendu en concert l'année dernière le poème symphonique de Rachmaninov qui s'en inspire. La boucle est maintenant bouclée !
Après un goûter dans un salon de thé où nous avons eu le plaisir d'échanger avec un anglais francophile et résidant à Berlin, il était déjà temps de visiter un second musée. Cette fois-ci, il s'agissait du Pergamonmuseum, spécialisé dans l'archéologie. Et le clou du spectacle de ce musée est la fameuse Porte d'Ishtar. Il s'agit d'une des huit portes de la cité intérieure de Babylone. Donc en voyant cela, on peut se dire qu'on est entré dans Babylone tel Alexandre le Grand. Pas mal comme sensation !
L'Opéra
Direction l'Opéra comique de Berlin. The Bassarids est un opéra en un acte de Hans Werner Henze sur un livret de W. H. Auden et Chester Kallman d'après la pièce Les Bacchantes d'Euripide (-405). Étrangement, quand on lit l'argument de l'opéra, on comprend à peu près l'histoire, mais devant l'opéra, j'ai eu du mal à suivre. Pendant tout le déroulé, on se demande si l'étranger qui arrive dans la cité est bel et bien Dionysos et si on doit lui vouer un culte. Tiresias penche de ce côté. Mais le roi Penthée ne l'entend pas de cette oreille. D'où un conflit larvé. J'ai eu des difficultés à suivre parce que les sur-titres étaient sur le siège devant moi.
Ce n'est pas le plus commode pour regarder la scène en même temps. Mais lorsque j'ai décidé de totalement m'affranchir du texte et de juste regarder ce qui se passait sur scène, j'ai été frappé par la folie de la mise en scène, avec un Tiresias possédé avec un look inimitable. Ivan Turšić a été grand dans son rôle. Le ténor Sean Panikkar avait un indéniable charisme dans son rôle de Dionysos, et j'ai apprécié son timbre, et sa présence sur scène. J'ai quand même compris qu'on parlait avant tout de pouvoir, et de ses conséquences sur les hommes. Sur qui était légitime pour le posséder et sur sa façon d'influer le cours de l'existence des masses. Ainsi, le chœur omniprésent sur scène représente bien ce peule balloté. De plus, la direction de Vladimir Jurowski était vraiment passionnante, musicalement, c'est un très bel opéra qui peut tout à fait s'écouter tout seul. Enfin, les numéros de danse étaient vraiment géniaux, ainsi que certaines idées de mise en scène, notamment l'avant scène ou l'usage des balcons. J'aurais aimé comprendre davantage sur le coup. Mais au moins, contrairement à bon nombre de personnes, je n'ai nullement eu l’intention de partir avant la fin. Et puis une séance de rattrapage est possible en vidéo !
Berlin. Komische Oper. 2-XI-2019. Hans Werner Henze (1926-2012) : The Bassarids, opéra sur un livret de Wystan Hugh Auden et Chester Kallman d’après Les Bacchantes d’Euripide. Mise en scène : Barrie Kosky ; décors et costumes : Katrin Lea Tag ; chorégraphie : Otto Pichler. Avec : Sean Panikkar (Dionysos), Günter Papendell (Pentheus), Jens Larsen (Cadmus), Ivan Turšić (Tiresias), Tom Erik Lie (Captain of the royal guard), Tanja Ariane Baumgartner (Agave), Vera-Lotte Boecker (Autonoe), Margarita Nekrasova (Beroe). Vokalconsort Berlin ; Orchestre de la Komische Oper ; direction : Vladimir Jurowski |
Et puis, pour encore mieux comprendre, une critique d'un journaliste francophone présent à la représentation: ici
A suivre pour le dernier jour !
Hans Werner Henze, The Bassarids, Musical drama in one act, Cast: Dionysus: Sean Panikkar, Pentheus, König von Theben: Günter Papendell, Cadmos: Jens Larsen, Agave, Tochter des Cadmus und Pentheus'
https://www.komische-oper-berlin.de/en/whats-on/a-z/bassarids-bassariden/