Ce que la vie attend de toi (2019): Romance contrariée
Ce que la vie attend de toi est un roman étonnant de Milène Coitoux, une romance, certes, mais pas que. Ce livre m'a beaucoup touché, pour diverses raisons.
En règle générale, je suis sensible à la romance dans littérature même si j’en lis peu, ou que je ne choisis pas spécialement ce thème quand je prends un livre. Mais parfois, elle survient dans l’intrigue. Ainsi, comment ne pas penser Au Rouge et Le noir quand on parle d’un amour clandestin entre un jeune éphèbe et une femme mariée plus âgée. Mais ici, Raphael n’a pas d’orgueil, pas d’ambition démesurée. Il n’a que l’amour, le désir, et le besoin d’exister pour sa belle. Et autant, dans leurs étreintes, qui sont décrites avec beaucoup de détails, on sent que la relation est concrète, viscérale et pleine de volupté. En revanche, quand Raphael est seul en voyage, et qu’il songe à Alice, on ressent surtout l’absence, le doute, et une pointe de désarroi. J’ai aimé ce contraste où le fait de posséder le corps de l’autre devient quelque chose d’assez secondaire car l’essentiel n’est pas forcément là.
J’ai également apprécié le style de ce roman, très concret, direct, sans emphase. On va à l’essentiel, parfois de façon très vigoureuse. Je ne m’attendais pas tellement à cela en lisant commençant cet ouvrage mais je m’y suis habitué. Les scènes d’amour ont beau être explicites, il n’y a pas de voyeurisme ou d’effet racoleur. Au contraire, on voit un homme se débattre avec son souvenir, ses sensations, afin d’essayer de donner de la substance à cette Alice qui évolue dans le roman uniquement comme une évocation. Ce style un peu naturaliste, m’a assez touché, car le protagoniste traverse des choses qui me sont assez assez familières.
Enfin, la partie de Raphael dans sa famille en Israël, avec son frère et sa mère, m’a beaucoup touché. Les débats philosophiques sur la religion, ce que l’on doit faire du temps qui nous reste. Des injonctions familiales. De la société qui ne tourne pas rond. Sur le fait de savoir si on connait vraiment les personnes que l’on fréquente dans sa vie. Tout cela amène une profondeur qui remet bien en cause la relation finalement assez fragile de Raphael et Alice.
On s'identifie facilement au personnage de Raphael, jeune musicien, trentenaire et sensible. Enfin, pour terminer, j’aimerais rebondir sur une citation d’Alice: « Tu t’en défends, mais tu es bien mon Valmont. Tu es bien trop réservé et timide, mais c’est toi, par écrit, qui t’es autorisé à coucher explicitement certains de tes fantasmes peu décibels à la femme respectable que j’essaye d’être »
Alors oui, je suis d’accord, Raphael est peut-être Valmont, mais Merteuil a bien décrit qui était Valmont dans la lettre CXLI des Liaisons dangereuses: « Jamais vous n’êtes ni l’amant ni l’ami d’une femme ; mais toujours son tyran ou son esclave. » Et pour moi, Raphael est un esclavage qui aimerait devenir un tyran inconsciemment.
Le protagoniste de ce roman est écrit de manière juste et touchante. Et c'est étonnant que ce soit une femme qui le décrive avec autant de précision et de pertinence.
Auteur: Milène Coitoux Editeur: CHUM éditions Nombre De Pages: 207 Genre: Roman Epoque: XXe siècle Date De Parution: octobre 2019 Isbn: 9791092613766 |