Le Joueur (1866): La frénésie
Le Joueur de Dostoïevski est un roman au style étonnant, écrit dans l'urgence dans des circonstances romanesques. L'auteur ayant signé imprudemment un contrat le contraignant à livrer un manuscrit à une date butoir sous peine de sévères pénalités financières, a dicté ce livre en 27 jours à une sténographe. Et de ces conditions de rédaction rocambolesques naquirent un résultat stupéfiant où toute la frénésie de l'auteur se déploie, autour du protagoniste, le jeune Alexeï Ivanovich. Précepteur des enfants d'un général qui attend un gros héritage pour se remarier avec Blanche, une française d'apparence noble mais qui est surtout intéressée par l'argent.
Et d'argent, il est question tout le long. Tour à tour méprisé, comme ce passage où on raconte que pour un bourgeois, il est de bon ton de perdre des fortunes au casino sans s'en offusquer. Mais cet argent est également désiré, ardemment. Et c'est pour cela que les talents d'Alexeï pour le jeu s'avèrent fort utiles, dans cette ville fictive d'Allemagne au nom ô combien évocateur de Roulettenbourg.
Dostoïevski n'a pas son pareil pour décrire la frénésie qui s'empare des personnages autour de la roulette, et de l'argent. Des comportements compulsifs qui en résultent, et des choix malheureux qui ne cessent d'être faits en dépit du bon sens. Dans ce journal d'un jeune homme bercé par ses passions et illusions, on est pris dans un tourbillon qui nous emporte, et on s'étonne à lire les pages de façon compulsive. Mené par une pulsion de vie malsaine, dans l'envie de contempler la chute de ceux qui posent des actes qu'on n'oserait même pas imaginer dans notre vie.
Le panorama des personnages est riche, et les descriptions captivantes. Le style, empressé, agité, et un peu maladroit est tout à fait transmis par la traduction d'André Markowicz.
Cependant, comme pour beaucoup de romans de Dostoïevski, on doit subir de nombreux passages antisémites qui atténuent grandement la lecture de l'ouvrage. Et regretter qu'un si grand auteur s'abaisse à de telles vilénies.
Editeur: Babel Date de parution: Mars, 2000 Traduction André MARKOWICZ ISBN : 978-2-7427-2821-3Prix indicatif : 8.20€ |