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Publié par andika

En cette période de confinement due au virus du Covid 19, les férus de culture doivent assouvir leurs besoins à domicile ! Une valeur sûre reste le disque. Non pas le streaming assujetti bien souvent à un abonnement et une connexion internet, mais le bon vieux compact disc, qui ne déçoit jamais. Qu'il est bon d'ouvrir le coffret, se plonger dans le livret, faire le geste de mettre le disque dans le lecteur puis de le démarrer. Plaisir renouvelé pour Un moment musical chez les Schumann, paru chez Klarthe et qui nous permet de nous évader dans le romantisme allemand. Avec Cyrielle Golin au violoncelle et Antoine Mourlas au piano, on revisite ce répertoire de musique de chambre, qui regorge de trésors plus ou moins connus. Si le nom de Robert Schumann n'est plus à présenter, ceux de ses deux homonymes, en revanche, sont plus rares. Et pourtant, la Sonate pour violoncelle et piano n°1 de Camillo Schumann, et la Sonate de Georg Schumann, ne sont pas dénuées d'intérêt.

Camillo Schumann, organiste, chef d'orchestre et compositeur, se revendique du courant romantique, bien qu'ayant vécu longtemps au 20ème siècle. Ses influences sont Brahms, Liszt et Mendelssohn. Musicien reconnu par ses contemporains comme par exemple Anton Rubistein, beaucoup de ses œuvres demeurent néanmoins encore inédites aujourd'hui. Ce disque est donc le premier enregistrement de sa Sonate pour piano et violoncelle n°1 ! Le début de l’œuvre est tumultueux. La prise de son est assez rapprochée et nette, l'enregistrement étant effectué dans le Temple Saint Marcel à Paris, dont l'acoustique est généreuse, notamment au concert. Mais le son semble aussi être dans un cocon protecteur, siège d'un combat intense entre les graves profonds du violoncelle de Cyrielle Golin et de l'infinie délicatesse du toucher d'Antoine Mourlas au piano, dans cet Allegro Moderato. Le II, noté Andante cantabile ed espressivo est mouvement lent, contemplatif, où on apprécie le vibrato et les pizzicatos du violoncelle, et la retenue du piano qui garde pourtant une immense éloquence. La montée en puissance en intensité aboutissant naturellement à ce Finale agité, au piano virtuose et précis. Le violoncelle quant à lui est colérique, les coups d’archet sont francs. On entend même des bribes de tango dans ces rythmes endiablés du premier thème de ce fabuleux Allegro Molto. Cette sonate est dans la tradition du romantisme mais on y entend pourtant des traces de modernisme. Elle est défendue avec brio par les deux interprètes.

Les Fünf Stücke im Volkston sont la première composition de Robert Schumann dédiée au violoncelle. Sa femme et pianiste Clara qualifiant ces pièces de "fraîches" et "originales" ! La première pièce, intitulée Vanitas Vanitatum". Mit humor a un thème obsédant scandé au violoncelle. Le piano quant à lui se borne à l’accompagnement et à la ponctuation des phrases.
Le Mit Humour dans le titre est à prendre dans le sens de l’humour noir, on ne s’amuse pas, on dialogue intensément. Le développement laisse un peu plus de place à la malice. Lorsque le thème revient dans une autre tonalité, les interprètes jouent un peu plus pour notre plus grand plaisir. La deuxième pièce, s'appelle simplement Langsam (Lent). On y apprécie  legato merveilleux du violoncelle de Cyrielle Golin. L'aspect lent et romantique demeure dans la troisième pièce, Nicht Schnell, mit viel Ton zu Spielen qui est très romantique. Le violoncelle chante avec grâce, le piano accompagne avec des petites croches. Une vraie cantilène à faire fondre. Le quatrième morceau, noté Nicht zu rasch, est pour sa part énergique. On est dans le summum du romantisme, du chant et de l’expression des sentiments dans le développement. Le piano, bien qu’en retrait, excelle tant Antoine Mourlas joue sa partie avec brio et subtilité. Enfin, le cinquième et dernier Stark und markiert. Même si on ne comprend pas l'allemand, le simple fait de prononcer ces mots annonce la couleur. Dès le début, c'est méchant, des attaques franches, déterminées au violoncelle où les marcatos ne sont pas pris à la légère. Puis de la subtilité, du jeu, de la virtuosité. Un piano exquis. Et un violoncelle infaillible. Cinq parties au style différent, jalonnées d'émotions diverses et variées. Mais une constance dans le besoin d'exprimer ces émotions. Les interprètes, quant à eux, y montrent avec aisance l'étendue de leur potentiel.

Enfin, la Sonate pour piano et violoncelle de Georg Schumann, frère de Camillo. En mi mineur, elle est dans la même tonalité que la Sonate pour piano et violoncelle n°1 de Brahms. Et l'hommage ne se limite pas à ce choix de tonalité. On a aussi une mouvance similaire au niveau du rythme et du contrepoint. Le premier mouvement est fait de syncopes et de contretemps. L'ambiance y est sombre et tragique. Le deuxième mouvement est lent et triste, le chant dans le registre aigu du violoncelle est déchirant. Le piano est davantage mis en valeur ici et on en profite un maximum. Dans le troisième mouvement, on entend les parentés avec la sonate de Brahms dans la même tonalité. Un piano au zénith avec toujours autant d’énergie et de musicalité dans ce Finale aussi endiablé que celui de la sonate de l'aîné Brahms.

Un disque vivifiant, parfait pour s'évader dans une période difficile. Avec une démarche à saluer consistant à nous présenter des choses rares et parfois oubliées, mais qui ne sont pourtant pas du tout dénuées d'intérêt. Cyrielle Golin et Antoine Mourlas nous offrent un disque utile, tant sur un aspect musicologique que sur une aspect purement ludique.

Camillo SCHUMANN (1872-1946) Sonate n°1 Op.59

Robert SCHUMANN (1810-1856)  Fünf Stücke im Volkston Op.102

Georg SCHUMANN (1866-1952)  Sonate Op.19
 

Références
Cyrielle Golin Violoncelle
Antoine Mourlas Piano
Date de sortie 14 février 2020
Label KLARTHE

 

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