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Publié par andika

Vendredi 3 juin dernier a été l'occasion d'un programme 100% russe à l'auditorium de la Maison de la Radio et de la musique. Mais bien que les compositeurs au programme soient tous russes, on ne peut pas les réduire à ce seul pays tant les sources d'inspirations sont diverses et variées. Notamment le néoclassicisme cosmopolite d'Igor Stravinsky dans sa Symphonie en trois mouvements ou encore, le sérialisme employé par Sofia Goubaïdoulina dans son Quasi hoquetus. De plus, le chef invité, Vasily Petrenko, bien que russe de nationalité est un farouche opposant à la guerre. D'ascendance également ukrainienne, il a démissionné de son poste de directeur musical de l'Orchestre national de la Fédération de Russie après le début de l'invasion. Entre ses mains expertes, L'Orchestre philharmonique de Radio France a été à même de rendre hommage à ce siècle de musique russe. Car effectivement, l'écart entrer la composition de Stenka Razine de Glazounov, et celle de l'œuvre de Sofia Goubaïdoulina, est de cent ans piles (1885-1985). Enfin, ce programme s'intègre également dans l'intégrale des concertos de Chostakovitch donnée par le Philhar cette saison. Cette fois-ci, il s'agit du Concerto pour violon n°2, interprété par Vadim Gluzman.

Poster du concert

Stenka Razine de Glazounov est un poème symphonique daté de 1886, composé en 1885, évoquant la vie aventureuse du célèbre brigand cosaque éponyme. Le début est mystérieux et profond, le chef obtient une grand intensité des cordes basses et maintient les équilibres dans l'orchestre. L'inspiration orientale et russe se retrouve dans la partie bondissante de la princesse persane où les rythmes sont appliqués, avec une précision chirurgicale du chef. Enfin, le thème sur une chanson traditionnelle russe permet de faire entendre des sons très slaves justement à l'orchestre, notamment au niveau des couleurs de certains instruments (cuivres, bois, basses). Un ensemble très acide, qui interpelle l'oreille mais jamais au détriment de l'équilibre des plans sonores. Une très belle entrée en matière.

Le Concerto pour violon n°2 pour violon de Chostakovitch est dédié au violoniste David Oïstrakh en l'honneur de son 60ème anniversaire. Mais en 1967, le compositeur s'est trompé d'un an, le violoniste fêtait en réalité ses 59 ans, ce qui ne l'a pas empêché de créer la partition à Moscou le 26 septembre de cette année. Et cette œuvre est en lien avec la précédente du programme dans la mesure où Chostakovitch y cite le thème de l'exécution de Stenka RazineVadim Gluzman joue son violon de façon sobre, mais tout en étant très sonore et chantant. Son phrasé, avec un légato coulant de source, est fluide, son vibrato est doux et semble toujours être à propos, notamment dans une cadence assez solennelle, polyphonie à deux cordes, dans le premier mouvement noté Moderato. L'Adagio est paisible et nostalgique avec cependant des épisodes plus agités, notamment la cadence, où les aigus du violon interpellent. Enfin, le finale Allegro est très intense, avec la cadence la plus impressionnante pour le soliste. La légèreté et les facéties inhérentes à Chostakovitch s'expriment ici pleinement dans ces pages sautillantes et dansantes, que le chef parvient à faire embrasser avec vigueur, l'Orchestre Philharmonique de Radio France. En bis, Vadim Gluzman opte pour le compositeur ukrainien Valentyn Sylvestrov, avec Sérénade, en hommage à ce pays qui souffre.

Quasi hoquetus de Sofia Goubaïdoulina a une dimension spirituelle. La compositrice souhaite ainsi créer une unité entre sa œuvre et Dieu. Elle revisite ici le hoquet médiéval, qui  distribue la mélodie aux différents instruments, qui alternent dans une sorte de hoquet. Et ici, il s'agit d'une formation inhabituelle, composée de l'alto, du basson et du piano. Et de ce dialogue étrange, Célemence Dupuy à l'alto, Stéphane Coutaz au basson et Géraldine Dutroncy au piano créent une ambiance particulière, comme un instant suspendu où les règles usuelles du temps sont abolies. 

D'après Stravinsky, la musique n'exprime rien. Les compositeurs combinent les notes et puis c'est tout. Aux auditeurs de se faire leur propre opinion. Mais on peut déjà dire que sa Symphonie en trois mouvements a été composée pendant la Seconde Guerre mondiale, qu'elle est issue d'un ancien projet de musique concertante pour harpe et piano, et aussi, que son inspiration vient également des films au sujet de la guerre qu'a vus le compositeur. Crée en 1945, cette symphonie est un peu la synthèse du style de Stravinsky. Entre néoclassicisme et rythmes brutaux. Le premier mouvement n'a pas d'indication ! Mais il est intense, les accords dissonants tombent dru. L'ensemble est rythmé et diabolique, et le chef maitrise son sujet. Dans la seconde partie du mouvement, on sent un style plus concertant où le piano dialogue avec le reste de l'orchestre. Les deux derniers mouvements, notés respectivement Andante et Con moto s'enchainent. Le chef obtient un son léger à l'orchestre où la grâce contemplative de Stravinsky se traduit par une orchestration fine, parfaitement mise en valeur par Vasily Petrenko.  Le finale enfin, plein de caractère, achève l'œuvre, et le concert, sur des accords retentissants, somptueusement cuivrés. 

Un voyage d'un siècle dans le répertoire russe, plein de diversité, guidé par un chef qui connait son sujet et dont chaque passage dans la capitale est un événement. D'où la grande déception de voir une salle aussi peu remplie pour sans doute l'un des chefs les plus talentueux en activité. Loin du star system il est vrai, mais tellement intense dans la musique.

Programme du concert du 3 juin 2022 à l'auditorium de Radio France
ALEXANDRE GLAZOUNOV
Stenka Razine

DIMITRI CHOSTAKOVITCH
Concerto pour violon et orchestre n° 2 en ut dièse mineur opus n°129

SOFIA GOUBAÏDOULINA
Quasi hoquetus

IGOR STRAVINSKY
Symphonie en trois mouvements

VADIM GLUZMAN violon
CLÉMENCE DUPUY alto
STÉPHANE COUTAZ basson
GÉRALDINE DUTRONCY piano
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
VASILY PETRENKO
 direction

 

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