En route vers l’extase avec Vasily Petrenko et l’Orchestre philharmonique de Radio France
Il y a plusieurs raisons pour se rendre à un concert. Pour l’auteur de ces lignes, il s’agit avant tout d’aller écouter les œuvres des compositeurs appréciés. Mais parfois, ce qui attire le mélomane jusqu’à la salle de concert, est un interprète. Une fois n’est pas coutume, c’est arrivé ce Vendredi 30 novembre 2018 à l’auditorium de la maison de la radio pour un concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France dirigé par le jeune chef russe, Vasily Petrenko. Que n’ai-je entendu de dithyrambes à son sujet, il était enfin venu le temps de confronter cela en vrai, sans se limiter au disque où aux captations de concerts.
Le programme quant à lui était intriguant et ne comprenait que des nouveautés pour moi. Avec tout d’abord la Symphonie no 2 « The Age of Anxiety » (version révisée de 1965) de Leonard Bernstein (ce n’est pas tous les ans le centenaire). Pour cette œuvre, l’orchestre était accompagné du pianiste Kirill Gerstein. Ensuite, était proposé L’Île des morts, op. 29 de Serge Rachmaninov et enfin, le Poème de l’extase, op. 54 d’Alexandre Scriabine. Un compositeur américain et deux russes non décadents pour une lente progression de l’anxiété vers l’extase, en passant par l’île des morts. Programme ambitieux et scrupuleusement respecté.
Qu’il était plaisant de retrouver le pianiste quatre ans après un premier concert où il m’avait tenu éveillé dans le concerto pour piano n°3 de Rachmaninov à Londres. The Age of Anxiety est une symphonie mais qui comporte un piano solo omniprésent. Mais jamais on ne verse dans la musique concertante malgré cela. Gerstein n’est pas là pour briller mais pour participer à un édifice assez impressionnant. Symphonie qui n’a de symphonie que le nom, elle a le mérite de capter l’attention pendant toute sa durée, contrairement à la troisième de Bernstein intitulée Kaddish. Ici, la source d’inspiration est le poème de W. H Auden titré The Age of Anxiety. Mais si l’attention ne se perd pas, le mérite en revient aussi nécessairement au chef qui parvient à faire de chaque minute de musique un moment intéressant. Une grande maîtrise dans les différentes nuances, de vrais contrastes, un son creusé qui confronte les timbres utilement, et même de l’effroi à certains moments de cette musique anxiogène, comme par exemple le mouvement intitulé The Dirge.
Rien de plus réjouissant avec le poème symphonique l’Île des morts de Rachmaninov. Ici, la source d’inspiration est une peinture d’Arnold Böcklin.
Rachmaninov avait vu cette peinture en noir et blanc à Paris en 1907, et il a composé son poème symphonique en 1909. Musique préfigurant les drames du 20ème siècle naissant, d’une tonalité sombre. La mesure à 5 temps qui jalonne l’œuvre, au début représente peut-être la barque qui vogue sur les flots en se rapprochant de l’Île. Avant même le 20ème siècle, cette image et cette musique peuvent donner une illustration du système concentrationnaire russe déjà bien établi et décrit par Dostoïevski dans Souvenirs de la maison des morts en 1862. On a ici des prémices de musique répétitive, Petrenko préserve les forces de l’orchestre en créant un véritable tapi de cordes répétant inlassablement le même motif. Mais l’irruption des bois traduit une intensité qui monte dans un crescendo d’une grande maîtrise. Puis plus on progresse, plus la musique nous frappe rudement et offre de véritables montagnes russes. Toujours avec les mêmes notes mais transfigurées au niveau de l’intensité et des nuances. Et pourtant, on en oublie jamais de faire de la musique, on ne bascule pas dans le bruit. Tout est pensé, interprété, mûri. Œuvre trop rarement entendue en occident et pourtant si puissante !
Place maintenant à l’extase, enfin, après deux œuvres aussi sombres que belles. Pour Scriabine, l’extase est la création constante. Et la création artistique s’apparente à de l’érotisme pour lui. Composé de 1905 à 1908, créé en 1910 à New-York, ce poème de l’extase tient ses promesses en faisant lentement monter la sève. L’orchestre est ici au grand complet et offre ses charmes, notamment aux cuivres avec ces trompettes bouchées au son si sucré qui cohabitent en bonne intelligence avec les cordes. Plus la musique progresse plus le son est riche pour aboutir à un tutti convoquant le Glockenspiel, les cloches et l’orgue pour un moment en effet extatique.
Intelligence du programme, qualité du jeu, de l’interprétation. Petrenko a tout bon. Il suscite l’intérêt d’une part par ce qu’il propose en terme de compositeurs et de styles mais surtout de par son interprétation qui ne laisse rien au hasard et qui met à profit chaque seconde du temps d’écoute de l’auditeur. Et ça, c’est quelque chose d’assez inéstimable. Le Philhar’ a de la chance d’avoir un tel chef comme invité récurrent depuis tant d’années. Grâce à lui, l’extase est renouvelée chaque année.
Tandis que tous les faux mélomanes sont à écouter du russe décadent même pas futuriste, de la musique de lupanar conçue comme vague accompagnement d'attouchements, je vais écouter l'œuvre la plus sombre et exigeante du plus grand symphoniste du XIXe siècle.#ConcertSurSol #53 pic.twitter.com/mXg7Gzth96
— Carnets sur sol (@carnetsol) 30 novembre 2018
Ce soir angoisse, morts et extase @Maisondelaradio avec @PhilharRF pic.twitter.com/pve766TEgh
— Elemer (@guillaume_mbr) 30 novembre 2018
Le Poème de l’extase, toujours l’une des œuvres les plus impressionnantes à entendre « en vrai », et que j’entends pour la première fois avec un vrai orgue ! pic.twitter.com/mg8tKsFuWS
— Frédéric Chopine 🍺 (@Furolith) 30 novembre 2018
Toute une gamme d'émotions s'exprime dans ces trois chefs-d’œuvre du XXe siècle, de la lugubre « Île des morts » de Rachmaninov au « Poème de l'extase » de Scriabine. @philharrf @VasilyPetrenko @kirillgerstein https://t.co/YQ12rpQhiy pic.twitter.com/KJbWiACqRl
— France Musique (@francemusique) 30 novembre 2018
Scriabine est au feu ce que Debussy est à l'eau ou Mahler à la terre. Extase à l'auditorium de la @Maisondelaradio avec le @PhilharRF dirigé par @VasilyPetrenko ! Quelle fougue, quel éclat ! Bravo au trompettiste solo 🎺 et aux cuivres qui ont brillé ce soir. pic.twitter.com/w5Im4o81IU
— Bertrand Hainaut (@bertrandhainaut) 30 novembre 2018
Ce chef et cet orchestre se surpassent toujours lorsqu'ils sont réunis. Vérification encore ce soir avec un Rachmaninov et un Scriabine d'une belle matière brute. @PhilharRF @Concerts_RF pic.twitter.com/vmMbIUd81T
— Florian Dintilhac (@flodintilhac) 30 novembre 2018
Concert de grande class russe ce soir à @radiofrance avec Vasily Petrenko et Kirill Gerstein pour une très slave Age of Anxiety de #Bernstein et un cataclysmique Poème de l’Extase de #Scriabine ensuite 🎇💥 pic.twitter.com/3lZEYxMrUw
— Vincent Guillemin (@vtguillemin) 30 novembre 2018
J’étais anxieux avant d’entendre la symphonie n•2 de Bernstein sachent que je prêtais endormis pendant la 3ème en Mars. Mais c’était top en fait ? Géniaux @VasilyPetrenko @kirillgerstein et @PhilharRF ce soir ! J’attends la suite avec impatience maintenant ! pic.twitter.com/lM4BmpQA4n
— Andika 🇫🇷⭐️⭐️ (@Nyantho) 30 novembre 2018
En effet, j’ai joui à la fin du poème de l’extase. Oui @VasilyPetrenko est un incroyable chef. @FredReibell a raison. Et merci de m’avoir conseillé de venir ! Quel @PhilharRF quel concert et quelle découverte pour moi ce soir ! pic.twitter.com/6IZ3sHNC5k
— Andika 🇫🇷⭐️⭐️ (@Nyantho) 30 novembre 2018
Merci. 😊 J'ai hésité. Mais mon blog croule d'articles élogieux sur Vasily Petrenko, donc non. @Nyantho va surement écrire un texte formidable, vu son enthousiasme hier. Par contre il faut que j'écrive un texte pour commencer le calendrier de l'avent demain...
— Frederique Reibell (@FredReibell) 1 décembre 2018
Programme du concert
Bernstein toujours, avec sa Deuxième Symphonie " The Age of Anxiety " et, pour faire le pont entre l'Amérique et les confins de l'Europe, deux grandes œuvres du répertoire russe signées Rachma...
https://www.maisondelaradio.fr/evenement/concert-symphonique/bernstein-story-age-anxiety