Nana (1880): Spectaculaire Second Empire
Nana est un roman d'Emile Zola, publié tout d'abord en feuilleton dans le journal le Voltaire, puis édité en roman en 1880. Neuvième volume de la fameuse série des Rougon-Macquart, fresque familiale française durant le Second Empire.
Contrairement à Germinal, qui s'intéressait au travail de la mine, dans un style naturaliste et rugueux, qui m'avait donné énormément de difficultés à l'adolescence, Nana est léger, drôle, décadent. Tout d'abord, on s'intéresse ici à la bourgeoisie, riche, bien établie dans ce régime conservateur et quelque peu oligarchique du Second Empire.
Mais cette bourgeoisie, qui devrait représenter les valeurs chrétiennes et la tradition de noblesse française, on la voit à travers les yeux de Nana. Une jeune actrice (mais surtout prostituée) que tout le monde s'arrache.
Et c'est un plaisir à lire. Le ton ici est léger, aussi léger que les mœurs de Nana et celles des (nombreux) hommes qui lui courent après.
Nana n'a aucune limite, aucune barrière morale, aucun scrupule. Il y a une sorte de nihilisme chez ce personnage qui dès qu'elle a une proie, s'emploie à la vider complètement de sa substance, et à aspirer son âme entière, tout en la malmenant continuellement, de ses infidélités, de ses foucades, de son insolence. Mais cette dernière a également un don pour manipuler les hommes. Plus ils l'aiment, plus ils la désirent et plus elle les méprise. Nana, c'est le portrait d'une femme forte, libre, ravageuse et même parfois scandaleuse.
C'est pour cela qu'il est intéressant de lire dans le huitième chapitre sa relation avec le comédien Fontan. Collègue du théâtre et un de ses nombreux amants. Ici, on a une inversion radicale des rôles. Fontan la maltraite et la trompe. Et plus Nana est malmenée, plus elle s'accroche à cet homme, qui finira même par la répudier afin de garder son argent. Une relation en miroir, très saisissante, qui montre qu'une femme, bien que libre, peut parfois se trouver dans des situations d'emprise. Attendu dans un roman du 19ème siècle mais encore d'actualité aujourd'hui.
Il est toutefois dommage que Nana connaisse le sort de nombreux personnages féminins libres dans leurs amours. A savoir une mort malheureuse et presque solitaire, où la laideur de la maladie a remplacé l'éclat de la beauté de la jeunesse, dans un élan moralisateur un peu forcé.
Mais dans Nana, ce destin tragique est justifié. Non pas pour des raisons purement morales, mais parce que Zola décrit ici une décadence. Décadence de la société du Second Empire. La fin du roman coïncidant ainsi avec le début de la guerre contre le Prusse en 1870, qui précipitera la fin de l'empereur Napoléon III.
Et c'est ainsi qu'on en revient à l'exposition du Musée d'Orsay de 2016, qui avait pour thème Spectaculaire Second empire, qui évoquait ceci:" Régime décrié en son temps et honni après sa chute, le Second Empire fut longtemps marqué du sceau décadent et superficiel de la « fête impériale »".
Nana est en réalité la meilleure illustration possible de ce qu'a été le Second Empire en France.