Daniel Harding et l'Orchestre de Munich, entre ordre et fantaisie dans la Symphonie n°4 de Bruckner
Vendredi 19 avril 2024, une vieille connaissance du public parisien faisait une petite visite à la Philharmonie. A savoir l'ancien directeur musical de l'Orchestre de Paris (2016-2019), le chef d'orchestre et pilote de ligne britannique, Daniel Harding. Mais il ne venait pas diriger son ancien orchestre. Il accompagnait un orchestre allemand renommé, qui visite souvent la Philharmonie, les Muünchner Philharmoniker. Et ce pour un programme des plus intéressants, avec tout d'abord, la création française de Au-delà du rêve, Concerto pour violon n°2 du compositeur français Thierry Escaich, avec en soliste, l'inévitable Renaud Capuçon. En deuxième partie, la Symphonie n°4 en mi bémol majeur, "Romantique" d'Anton Bruckner, compositeur dont on fête cette année, le bicentenaire de sa naissance.
Au-delà du rêve est une commande des Muünchner Philharmoniker, de la Philharmonie de Paris ainsi que de l'Elbphilharmonie de Hambourg. Composé entre 2022 et 2023, et créé le 10 avril 2024 à Munich, par le même effectif que pour la soirée parisienne. Ce concerto est divisé de façon traditionnelle en trois mouvements, mais ceux-ci s'enchainent. L'orchestration est riche, luxuriante, subtile. C'est une musique sensorielle qui crée une ambiance et un climat, et permet un cheminement à travers les couleurs des harmoniques. Renaud Capuçon, dans un registre tantôt sobre, tantôt virtuose, illumine la soirée par son son toujours brillant et éloquent, tandis que Daniel Harding fait bon usage des Münchner Philharmoniker, prenant grand soin de proposer les nuances les plus justes, et de marquer les divers rythmes avec précision. Ce concerto pour violon s'écoute d'une traite et suscite une réaction immédiate à l'auditeur, tant il fait bon usage de l'orchestre et du soliste.
Nous savons dores et déjà que Daniel Harding s'épanouit dans le répertoire romantique germanique de la fin du 19ème siècle. Notamment dans Mahler ou encore dans Brahms. Il n'est donc pas étonnant de le retrouver dans Bruckner, lui qui avait ouvert la saison 2018/2019 de l'Orchestre de Paris à la Philharmonie avec la Symphonie n°5 du compositeur, surnommé par ce dernier sa fantastique. Mais en ce printemps 2024, c'est la Symphonie n°4 qui nous intétresse, la Romantique, qui est de saison. Composée en 1874, révisée en 1878-1880, puis en 1887-1888. Mais comme bien souvent, c'est la version 1878-1880 qui était proposée. Les caractéristiques que l'on connait et qu'on apprécie chez Daniel Harding sont avant tout sa rigueur, sa précision, sa méticulosité et l'ordre qu'il imprime à la musique. Et ces qualités sont essentielles devant les monuments Bruckneriens. Surtout cette quatrième romantique qui convoque les émotions à travers un programme à résonance médiévale, notamment son scherzo de chasse. Dès les premières notes du premier mouvement (noté animé mais pas trop rapide), on constate deux choses essentielles. Premièrement, le pupitre de cuivres des Münchner Philharmoniker est en grande forme. Deuxièmement, la mise en place de Daniel Harding est d'une précision extrême. Le premier thème se déploie, sur un trémolo des cordes, où les cors se détachent, avant que dans sa deuxième partie, un tutti brillant ne vienne immédiatement illuminer la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie. L'homogénéité des cordes, la fluidité du phrasé, permettent de donner un fil conducteur clair, malgré la juxtaposition des blocs thématiques de Bruckner. Rarement on aura entendu de façon aussi évidente la forme sonate de ce mouvement, et rarement on aura autant eu plaisir lors de la réexposition, où les modulations harmoniques étaient très intelligibles. L'Andante en revanche pêche par un léger manque d'émotion. La rigueur de Daniel Harding lui fait contrôler à l'extrême le phrasé et les articulations. L'absence d'emphase excessive est une qualité, mais il ne faut parfois pas hésiter à se laisser aller dans ce genre de musique. Cependant, quel bel usage de l'alto dans l'exposition du second motif du mouvement, les notes en pizzicato toujours marquantes, le détail du phrasé des contrebasses et enfin, une science du rythme jamais démenti. Le Scherzo, épisode épique laisse une fois de plus à entendre la munificence des cuivres, l'excellente gestion des nuances et dynamiques de la part de Daniel Harding. Le Finale enfin est un moment de surprise, non pas dans la qualité des tuttis qui une fois de plus ne déçoivent pas, ou encore dans le fracas et la justesse des nuances proposés par le chef. Mais au contraire, surprise dans la direction de Daniel Harding, qui tantôt va décortiquer son phrasé, à la limite du staccato, mais à un autre moment, va brutalement accélérer le tempo et céder enfin à un peu de fantaisie dans le développement, qui ne cessera jamais de stimuler l'auditeur. Il en ressort une interprétation fabuleuse de la Symphonie n°4 de Bruckner. Qui ravira les puristes mais qui les étonnera aussi un peu. Et le long silence après la coda, n'était que le début de la digestion de ce concert mémorable.
Thierry Escaich Au-delà du rêve, concerto pour violon n°2 (Commande du Münchner Philharmoniker, de la Philharmonie de Paris et de la Elbphilharmonie Hambourg) création française Anton Bruckner Symphonie n° 4 en mi bémol majeur, "Romantique" (A95) Münchner Philharmoniker Daniel Harding , direction Renaud Capuçon , violon |
Superbe création française du Concerto pour violon n°2 « Au-delà du rêve » de Thierry Escaich avec un @RCapucon touché par la grâce, en défenseur infatigable du répertoire contemporain. Impressionnant @Munich_Phil dirigé par un toujours excellent @djharding à la @philharmonie pic.twitter.com/nnLPl5E4cY
— Andika (@Nyantho) April 19, 2024
Superbe Symphonie n°4 de Bruckner par un @djharding méticuleux, précis et ordonné à la tête d’un @Munich_Phil des grands soirs. Souvent convenu mais parfois étonnant quand le chef s’émancipe et tente des choses, en modulants les tempi et les phrasés ! Très belle soirée ! pic.twitter.com/nEskBk1w6x
— Andika (@Nyantho) April 19, 2024
Après un 2nd cto violon d’Escaich trop pulsé & bien longuet (irréprochable R. Capuçon), le formidable @Munich_Phil est libre de briller dans une Bruckner 4 construite de manière très impressionnante par Harding, ample, tension continue, superbes crescendo, mais pas «romantique ». pic.twitter.com/zcVXOTTC82
— Guillaume Giraudon (@Guiguiii94) April 19, 2024
#photoflouedessaluts du chef qui vient de diriger la coda de la 4e de Bruckner : la plus belle fin de tout le répertoire symphonique ! pic.twitter.com/PSEZIoI0Ie
— Elemer (@guillaume_mbr) April 19, 2024
Münchner Philharmoniker / Daniel Harding
Après leurs concerts conjoints fin 2021 à la Philharmonie, où on les avait entendus dans un répertoire de la première moitié du XXe siècle, Daniel Harding et Renaud Capuçon reviennent pour ...