Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pages

Publié par andika

Le chef Suédois Herbert Blomstedt, doyen des chefs d'orchestre en activité, a pris l'habitude depuis 1988, de venir diriger l'Orchestre de Paris. Après un premier concert dédié à Mendelssohn, Herbert Blomstedt a fait son retour à l’Orchestre de Paris en 2010, Salle Pleyel, avec la Cinquième Symphonie de Bruckner. Et depuis lors, il continue de programmer du Bruckner en dirigeant la phalange parisienne. Avec déjà, la Symphonie n°8, en 2012, toujours à la salle Pleyel, la Symphonie n°3 à la Philharmonie en 2018, et la Symphonie n°4, Romantique, dans la même salle, en janvier 2020, juste avant le Covid. Et donc, pour ce concert du jeudi 25 avril 2024, à bientôt 97 ans, il était de retour avec la Symphonie n°8 pour diriger de nouveau l'Orchestre de Paris à la Philharmonie. La plus longue, la plus monumentale, l'Art de la symphonie au sens de l'Art de la fugue de Bach selon Armand Machabey. Et après le grand souvenir de la Romantique, l'affiche avait de quoi exciter, même si le maestro semblait être moins en forme qu'il y a quatre ans.

Herbert Blomstedt dirigeant l'Orchestre de Paris (© C.d’Hérouville / Philharmonie de Paris)

Herbert Blomstedt dirigeant l'Orchestre de Paris (© C.d’Hérouville / Philharmonie de Paris)

La Symphonie n°8 de Bruckner est ce genre d'oeuvre qui suffit à un programme de concert à elle toute seule, par sa durée de près de une heure et vingt minutes. Elle requiert ainsi une grande concentration des musiciens mais aussi des auditeurs, tout le long de ce cheminement musical intense. Composée entre 1884 et 1887. Conforté par le succès triomphale de sa Symphonie n°7, Bruckner se laisse aller à tous ses élans et approfondit son discours et ses logorrhées musicales. Mais les problèmes surviennent lorsque le chef qui créa la septième, Hermann Levi, réagi avec scepticisme face à la partition de la nouvelle symphonie. Et c'est ainsi que après trois symphonies sans retouche, Bruckner remis de nouveau une de ses partitions sur le métier, et aboutit à une version définitive en 1890.

Lorsque Herbert Blomstedt fait son apparition sur la scène de la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de paris, en ce jeudi 25 avril 2024, on se dit qu'il semble plus fatigué que quatre ans auparavant. Il est aidé d'Igor Yuzefovich, premier violon solo invité de l'Orchestre de Paris, qui le soutient par le bras, et l'amène à son pupitre où un siège l'attend. Pourtant, déjà nonagénaire début 2020, ce dernier dirigeait encore debout, et en tenue dans ville au cours d'une soirée particulière sur fond de grève contre la réforme des retraites. En ce printemps 2024. Il porte un ruban aux couleurs de l'Ukraine à son revers, dans un habit traditionnel de concert et on devine un léger sourire sur son visage.

Mais point de sourire lors de l'introduction de cette huitième symphonie dans la tonalité grave de l'ut mineur. Bien qu'on voie un homme diminué au pupitre du chef, au niveau du son, point de fatigue, point de sénescence, bien au contraire. Ce qui frappe instantanément, après le trémolo des cors, c'est le son des cordes qui entament le premier thème de cet Allegro Moderato. Un gros son, profond, sombre, avec un vibrato puissant aux altos, violoncelles et contrebasses. Le tempo, qui ne traine pas, permet d'avancer dans un phrasé qui conserve constamment une cohérence, avec des carrures nettes, un grand équilibre des plans sonores, et une clarté jamais démentie des cuivres. Mais dans cette ambiance pesante et lourde, on apprécie particulièrement la couleur des bois, dans le deuxième thème, notamment la flûte et le hautbois.  Cette gravité est captivante, tout le long, et ne laisse jamais un instant d'ennui. Ainsi, la tension demeure dans le Scherzo, bien que le tempo y soit modéré. L'ostinato de croches aux cordes basses, rappelle le pédalier de l'orgue, et donne une continuité, et une grande clarté à l'ensemble, même si Blomstedt n'insiste pas outre mesure sur cette cellule. Le trio change radicalement d'ambiance, avec des cordes légères et des harpes bien mises en valeur. Le fameux Adagio, long de deux cent quatre-vingt dix mesures ne déçoit pas. Pas d'emphase de la part de Blomstedt, pas de lenteurs exacerbées. Au contraire, un phrasé vigoureux, les trémolos des violons font merveille, et le chant des tuben est majestueux. Les cuivres demeurent infaillibles tout le long de ce flot de musique ininterrompu. La construction des différents épisodes est toujours méticuleuse,les climax font leur effet (coup de cymbale, timbales déchainées). Le Finale enfin impressionne avec son début tonitruant en mi bémol majeur, avec ses fanfares héroïques des cuivres où l'Orchestre de Paris excelle. Blomstedt joue admirablement bien ce rythme de chevauchée, vigoureux, puis, patiemment, expose tous les thèmes qui viennent et reviennent au cours de ce mouvement et récapitulent l'oeuvre entière. Pas un seul instant on ne s'ennuie. Pas un seul instant, on ne s'assoupit. L'écoute de l'ensemble de la salle est attentive, quasi religieuse, et quand la coda suivent enfin, on n'a absolument pas vu le temps passer.

Après une ovation de près de vingt cinq minutes, Herbert Blomstedt a quitté la scène de son pas lent, toujours aidé du premier violon. Nous ne savons pas si nous le reverrons un jours, mais nous n'oublierons pas cette soirée de printemps, du côté de la Porte de Pantin.

Concert diffusé le 6 mai 2024 à 20h sur France Musique

Programme du concert du 25/04/2024 à la Philharmonie

Anton Bruckner

Symphonie n° 8 en ut mineur (A 117)

Orchestre de Paris

Herbert Blomstedt , direction

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article