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Publié par andika

En cette période de grèves, dans les entreprises publiques de transports, à Radio France, à l'Opéra de Paris, une institution résiste encore et toujours à ce climat ambiant de contestation. Il s'agit de la Philharmonie de Paris, et de son Orchestre de Paris, récemment intégré. Le site internet de la philharmonie précisant même que les concerts sont maintenus tellement cela ne va plus de soi en cette période ! Mais en ce début d'année 2020, ce contexte ne peut pas se soustraire au mélomane venu s'abreuver de Mozart et de Bruckner. Le concert du 9 janvier 2020 s'effectuant un jour de manifestations. C'est ainsi que l'Orchestre de Paris se présente sur scène dans un accoutrement particulier. En effet, les musiciens étaient habillés comme à la ville pour ce concert, sans leur tenue. Les conditions de production étaient également altérées, tant au niveau de l'éclairage que de la scène, forçant l'orchestre à jouer à plat, sans estrade à cause d'effectifs en moins grévistes. Vicens Prats, flûte solo et représentant de l'orchestre, s'en est expliqué avant que la première note de retentisse.

« Par solidarité envers des actions menées par nos collègues de la Philharmonie et plus largement celles menées par les institutions musicales nationales et pour manifester notre vigilance sur les conditions qui permettent aux musiciens français de continuer à proposer l'excellence, nous avons choisi de ne pas jouer en tenue de concert. »

Orchestre de Paris

Une partie du public applaudissant alors dans un premier temps la prise de parole, avant qu'une bonne moitié de la foule ne se mette à huer ! Rien de tel pour lancer une soirée qui s'annonçait d'ores et déjà inoubliable ! Le programme suffisait amplement pour satisfaire l'amateur de bonne musique, avec tout d'abord le Concerto pour piano n°23 de Mozart, interprété par le pianiste français, Bertrand Chamayou, puis la Symphonie n°4 "Romantique" de Bruckner. Le tout, dirigé par le fringuant chef d'orchestre suédois nonagénaire, Herbert Blomstedt.

Twitter: @vtguillemin

Twitter: @vtguillemin

Le Concerto pour piano n°23 en la majeur, K.488 de Mozart est une des œuvres les plus célèbres du répertoire. Tant et si bien que nous l'évoquions déjà ici et ici. Mozart, en parlant de ses concertos pour piano en général, disait qu'ils constituaient un un compromis heureux entre ce qui est trop facile et ce qui est trop difficile. Ils sont agréables à l'oreille, naturels, sans être insipides. Ce qui explique sans doute leur succès jamais démenti.

L'impression visuelle donnée par l'Orchestre, le chef, et le soliste, habillés comme s'il s'agissait d'une répétition, donne à entendre une idée brouillonne dans l'oreille. Cela vient-il des interprètes ? Du contexte ? Du spectateur sorti de sa zone de confort ? Un peu des trois sans doute. Mais plus l'ouvrage avance, plus la clarté de Mozart s'impose. Une véritable osmose existe entre le soliste le chef et l'orchestre. Les fantastiques dialogues entre instruments écrits par Mozart trouvent en cette soirée des interprètes inspirés. Notamment dans l'Allegro assai final. Le superbe Adagio en II quant à lui est pris avec un tempo assez vif, sur ce rythme de sicilienne entrainant. Mais pourtant, la musique respire, notamment grâce à la main gauche de Chamayou qui utilise bien la résonance des graves et la réverbération. On sent un trouble indicible, les prémices du romantismes instillés par Mozart dans ces pages. Ce trouble, cette émotion, sont repris par l'orchestre avec un chef qui s'adapte à merveille à son soliste. Dans ce dialogue avisé, l'émotion est à son paroxysme, et même si cette musique nous accompagne depuis l'éternité, on en redemande. Le pianiste est ensuite revenu pour jouer un Adagio de Haydn pour notre plus grand bonheur.

En évoquant la Symphonie n°4 en mi bémol majeur "Romantique" de Bruckner, comme son nom l'indique, on entre vraiment de pleins pieds dans le romantisme. Le romantisme, opposant l'émotion à la raison, traduisant les expériences humaines et les ressentis dans l'art. Ce romantisme qui se décline en littérature, en peinture et évidemment en musique. Avec notamment Schubert, Schumann, Mahler. Et Bruckner, avec sa 4ème symphonie, se fond totalement dans ce mouvement. Avec ses appels de l'aube au cor au début de l’œuvre, ou ses danses de repas de chasse dans le scherzo. Herbet Blomstedt est un spécialiste de ce répertoire. Il a développé ses idées au sujet de cette musique lors de la rencontre organisée avant le concert. Interviewé par Marina Chiche, il a notamment révélé que l'on se mettait à aimer la musique de Bruckner lorsque l'on n'avait plus d'autre solution. A savoir, dans un moment de grande tension, Bruckner pourra nous apaiser. Comme il a dissuadé du suicide ce banquier japonais qui avait assisté à un des concerts du chef au pays du soleil levant. Il se disait qui si une personne était capable de créer une musique aussi parfaite, lui aussi pouvait aspirer à réaliser quelque chose de significatif dans sa vie. Mais revenons-en à nos moutons. D'emblée, affirmons que nous avons trouvé tout ce que nous étions venus chercher dans cette interprétation de la 4ème de Bruckner. Blomstedt, réfute le qualificatif de cathédrale pour décrire la musique de Bruckner. Et à raison, la symphonie est pour la salle de concert, et le sens du spectacle n'est jamais loin, même si ça et là, quelques données spirituelles peuvent faire sens. Le chef tout au long de l'immense ouvrage, donne une lecture claire, précise et avisée de cette symphonie. Dans un ordonnancement parfait des choses, un sentiment d'évidence s'impose. On ne questionne jamais le tempo, on ne questionne jamais les nuances. Tout ce qu'on entend semble être comme cela devait être, dans un miracle perpétuel. Observer ce chef, bouger avec un enthousiasme juvénile, accompagner ses musiciens avec bienveillance, anticiper constamment, donner chaque départ, et surtout, le sentir réellement omniscient au sujet des sons qui l'entourent, a été une expérience incroyable. La richesse du son, l'équilibre entre les pupitres, la gestion des nuances, impressionnent dans le premier mouvement, avec un pupitre de cuivres merveilleux et très performant malgré son exposition constante.  L'Andante, est un modèle d'unité et de cohérence, aux violoncelles qui chantent le thème, à ces cordes en pizzicati. Le Scherzo exhale une folle énergie, teintée de clarté et de précision avec des cuivres encore impressionnants, toutefois, le paisible contraste offert par le trio est un moment doux et apaisant. Le Finale enfin, permet de mettre en valeur différents matériaux thématiques rencontrés auparavant. On apprécie également dans ce mouvement la science du chef pour gérer les transitions, grâce à la réverbération offerte par la salle. On oublie alors toute idée de juxtaposition de thèmes et au contraire, on y trouve une cohérence renouvelée. Et enfin, on apprécie ces tutti monstrueux qui à eux seuls, valent le déplacement.

Déplacement qui on le rappelle, n'est pas aisé en cette période de grève. Mais un tel concert et un tel chef, valent bien que l'on surmonte toutes les difficultés du monde !

Programme du concert du 9 janvier 2020 à la philharmonie

Wolfgang Amadeus Mozart

Concerto pour piano n° 23

Anton Bruckner

Symphonie n° 4 "Romantique"

Orchestre de Paris

Herbert Blomstedt, direction

Bertrand Chamayou, piano

 

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