Les offrandes du répertoire français à la Philharmonie avec Mikko Franck et l'Orchestre Philharmonique de Radio France
Le concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France du vendredi 7 octobre 2022, sous la direction de Mikko Franck, était résolument placé sous le signe du répertoire français. Avec tout d'abord Les Offrandes oubliées du jeune Olivier Messiaen, qui compose sa partition à l'âge de 22 ans. Puis avec l'indémodable Mer de Debussy, œuvre sans doute la plus donnée à Paris. Mais en première partie, rien de moins que Mozart et son remarquable Concerto pour piano n°23 en la majeur, K 488, interprété par le pianiste russe, Evgeny Kissin.
Pour la première partie de ce concert était prévu initialement le Concerto pour piano n°3 en ré mineur de Serge Rachmaninov, mais Evgeny Kissin, convalescent, n'était pas en condition physique de jouer une œuvre aussi exigeante. Qu'à cela ne tienne, place au fameux Concerto n°23 de Mozart. Composé en 1786 à Vienne, dans une période concomitante à la création de l'opéra Les Noces de Figaro, ce concerto, comme d'autres du compositeur autrichien, lorgne justement sur l'opéra. Le premier mouvement noté Allegro, est construit sur deux thèmes tout d'abord présentés à l'orchestre. L'effectif du Philhar' semble ici conséquent pour du Mozart, mais ça ne l'empêche pas de sonner de façon douce et sereine, sans trop encombrer l'espace vaste de la Philharmonie. Evgeny Kissin entre de façon simple en reprenant le premier thème, dans un tempo modéré. Sa main gauche est discrète tandis que sa main droite chante et apporte délicatement de belles ornementations au thème. Le discours, toujours clair, ne se perd jamais dans l'exubérance. Au contraire, on observe toujours un pianiste concentré sur son instrument, avec une expression faciale des plus sérieuses. Sa gestuelle devient encore plus affectée dans le deuxième mouvement, le fameux Adagio connu de tous. Mais le son du piano ne tremble pas dans ce thème divin en fa dièse mineur. Sur cette musique, dans un rythme de sicilienne, la majesté de l'orchestre s'impose. Mikko Franck n'a pas peur de faire vibrer le son, et de ne pas se faire petit, malgré le tempo lent. Les instruments à vent des solistes du Philhar' colorent le mouvement tout le long en répondant aux questions du piano. Un grand moment de recueillement avant le dernier mouvement, noté Allegro assai. Rapide, dynamique avec une pulsation à 2/2 qui donne envie de foncer ! Dans ce rondo, le soliste se montre très virtuose et le Philhar' reprend constamment la balle au bond. Evgeny Kissin expose ici la partie soliste avec un délicieux staccato qui titille les oreilles. Une bien belle interprétation d'une œuvre dont on ne se lasse pas. Evgeny Kissin a par la suite offert non pas un mais deux bis. Avec tout d'abord le rondo de la fameuse Sonate pour piano no 11 en la majeur, K. 331/300 de Mozart, plus communément appelée marche turque. En deuxième bis, la Valse n° 14 en mi mineur op. posth. de Chopin, où Kissin était vraiment dans son élément et a démontré toute sa virtuosité, suscitant une réaction vive du public qui lui était déjà acquis depuis longtemps.
Après l'entracte, place au répertoire français. Avec en premier lieu Les Offrandes oubliées d'Olivier Messiaen, auquel l'Orchestre Philharmonique de Radio France consacrera un cycle cette saison. Compositeur très croyant, il élabore sa première œuvre symphonique en un mouvement et trois parties distinctes. La Croix, Le Péché et l'Eucharistie. Dans La Croix, les cordes du Philhar' sont à l'unisson, et pour reprendre le termes du compositeur, c'est "très lent, douloureux, profondément triste" cependant, Mikko Franck en fait un morceau aussi apaisant qui prépare Le Péché. L'oubli de Dieu selon le compositeur, mais la naissance du plaisir pour l'auditeur. D'une grande violence rythmique et sonore, avec un appel de cuivres affolant, une intensité de tous les instants. Mais malgré la densité du tutti, l'équilibre des plans sonores est toujours préservé dans cette véritable course à l'abîme. Enfin, l'Eucharistie qui justifie le titre de l'œuvre. C'est l'offrande du Christ oubliée par les hommes. Une mélodie délicate aux cordes sur une nuance pianissimo. Une véritable offrande, qui mérite d'être écoutée et jouée. A ne surtout pas oublier !
Enfin, La Mer, trois esquisses symphoniques de Debussy. Composée entre 1903 et 1905 après l'opéra Pelléas & Mélisandre. Œuvre d'une grande complexité, notamment au niveau du rythme, elle ne cesse pourtant de fasciner. Même si le titre La Mer ne l'indique pas, l'ambition ici est réellement symphonique et on peut reconstituer la forme d'une symphonie traditionnelle. Le premier mouvement, De l'aube à midi sur la mer est dense, expressif, riche. De ce début mystérieux à la pleine lumière du midi, la musique de Debussy est très figurative, palpable. Et Mikko Franck la laisse s'écouler paisiblement, un grand sentiment de liberté jailli des tuttis de l'orchestre. Le deuxième mouvement, Jeu de vagues, "propose une pulvérisation sonore telle que le temps musical en devient presque insaisissable" selon le compositeur Jean Barraqué. Les changements de tempos et les superpositions de rythmes différents créent un balancement qui rappelle un peu la houle. Le chef maintient ici constamment l'intensité malgré la décomposition du son. On n'en perd pas une miette, tant le son est clair et brillant. Et le pupitre de cordes, dont les premiers violons menés par Ji-Yoon Park, s'illustre. Enfin, le dernier mouvement, Dialogue du vent et de la mer se distingue par les cordes graves qui semblent décrire un orage. Mais on apprécie surtout ici le thème cyclique qui s'épanouit enfin et qui imprime de façon remarquable dans cette interprétation. Mikko Franck et l'Orchestre Philharmonique de Radio France ont su faire de La Mer autre chose qu'une routine, tant le sentiment de liberté et d'imprévisibilité prédominait.
Concert diffusé le 27 octobre 2022 à 20h sur France Musique
WOLFGANG AMADEUS MOZART Concerto pour piano et orchestre n°23 OLIVIER MESSIAEN Les Offrandes oubliées CLAUDE DEBUSSY La Mer EVGENY KISSIN piano ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE MIKKO FRANCK direction |
Sans doute un peu trop charnu pour accompagner #Kissin dans #Mozart, le @PhilharRF sous @mikkofranck offre une très belle 2nde partie à la @philharmonie avec d’extatiques Offrandes de #Messiaen et une volumineuse et vogueuse Mer de #Debussy 🌊🌪
— Vincent Guillemin (@vtguillemin) October 7, 2022
Article pour @ResMusica 📑 pic.twitter.com/2H9f2yg6vI
🎶Bravo @PhilharRF conducted by @mikkofranck with #pianist #EvgenyKissin tonight at the @philharmonie de #Paris for this wonderful #concert tonight !#Mozart #PianoConcerto #PianoConcerto23 #Messaien #Debussy #ClassicalMusic
— Helene M.A. (@helene_mahln) October 7, 2022
📷 @helene_mahln - 2022 oct.07 pic.twitter.com/ITB5z5eIrb
Un merveilleux @PhilharRF dans le répertoire français ! Les Offrandes oubliées de Messiaen est une partition fascinante à ne pas négliger ! L’indémodable Mer de Debussy a été donnée avec un merveilleux parfum d’imprévisibilité par @mikkofranck qui malgré sa béquille, excelle ! pic.twitter.com/FsutWvVHi6
— Andika (@Nyantho) October 7, 2022
Ce soir encore, dans #Mozart car il n’est pas tout à fait assez remis pour Rachmaninov, #Kissin : la grande classe!
— Vincent Guillemin (@vtguillemin) October 7, 2022
Deux bis : Rondo alla Turca de Mozart & Valse de Chopin 🎹 🎶 pic.twitter.com/uDY1FdU2y2