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Publié par andika

On connait Leonidas Kavakos, le violoniste. Soliste international renommé, lauréat de concours internationaux et célébré partout dans le monde. Et récemment dans le même auditorium de Radio France dans le Concerto pour violon de Tchaïkovski. On connaît moins le Leonidas Kavakos chef d'orchestre, et pourtant, il mérite qu'on se penche un peu sur cette activité tant il l'exerce avec honnêteté, engagement et humilité. Ainsi, dans un programme des plus classiques avec tout d'abord le Concerto pour Piano n°4 de Beethoven, où l'Orchestre Philharmonique accompagnait le pianiste polonais Emanuel Ax. Et ensuite, pour conclure, la merveilleuse Symphonie n°4 de Brahms.

 

Affiche officielle du concert

Le vendredi 25 février était une soirée particulière non seulement pour ce concert mais surtout parce qu'il s'agissait du jour d'après. Le jour d'après le lancement de l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie, ordonnée par Vladimir Poutine. Et bien entendu, il était difficile de ne pas penser à cette situation dans la salle de concert. C'est pour cela que le chef Leonidas Kavakos a brièvement pris la parole avant le concert, afin de dédier cette soirée aux victimes de la guerre en Ukraine. L'art a cette faculté d'adoucir les peines et de nous faire voyager. Et c'est dans ce genre de situation que nous en avons le plus besoin.

Et dans ces moments, le répertoire familier rassure, ainsi que la valeur sûre au piano, Emanuel Ax, souvent croisé à Paris. Notamment à Pleyel en 2014, et à Radio France en 2018. Le Concerto pour piano n°4 est esquissé par Beethoven en même temps que l'Eroica en 1802-1803, mais il ne sera créé à Vienne qu'en août 1808, en compagnie des cinquième et sixième symphonies lors d'un concert au programme légendaire. Dans le sillage du Concerto n°3, la partition continue de questionner la forme de l'oeuvre concertante pour tracer un autre sillon, plein de fantaisie et de rêverie. Et c'est exactement l'ambiance du début du Concerto, très interrogateur où le piano entre tout en délicatesse. Emanuel Ax trouve immédiatement le ton adéquat, emprunt de légèreté, de couleurs et de clarté. Son jeu dénote une facilité déconcertante, une simplicité désarmante tant elle traduit une éloquence assurée. Sans trop en faire, de façon modeste, son discours est captivant, notamment lors de la cadence de cet Allegro moderato. Leonidas Kavakos, à la tête du Philhar, veille à toujours conserver l'équilibre dans les réponses de l'orchestre. Le mouvement lent qui suit, le plus connu où le thème est scandé par accords à l'orchestre avec poids et densité. Le chef imprime ici énormément de caractère, ce qui contraste avec la lecture paisible du premier mouvement. Emanuel Ax au piano, au contraire expose, une mélodie plaintive, douce et interrogative. Une fois de plus, on pensera à Orphée apprivoisant les animaux sauvages. Enfin, le Rondo conclusif est une fête. Ici, tout est lumineux, virtuose, les ornementations au piano sont du plus bel effet, les attaques à l'orchestre sont enthousiastes et gourmandes. Le rythme syncopé, les dynamiques, les percutions qui chahutent, tout est fait avec une précision remarquable. Le bis d'Emanuel Ax avec un nocturne de Chopin n'est qu'un prolongement de qualité et de beauté pour un début de concert remarquable.

La Symphonie n°4 est considérée comme la plus classique de Brahms. Et c'est pourtant la dernière, datant de 1885, contemporaine déjà de quelques expérimentations de Bruckner, et déjà bien postérieure aux symphonies de Berlioz. Et pourtant, en écoutant les premier et deuxième mouvements, on sent déjà poindre les entreprises ultérieures de Dvorak dans la Symphonie du Nouveau monde et le Concerto pour violoncelle. Le premier mouvement est pris à bras le corps par le chef qui obtient de l'orchestre un très gros son, très germanique, avec des cordes incandescentes. Cela contraste avec le deuxième mouvement noté Andante moderato pris avec un tempo très large où l'ambiance est à la contemplation. Le troisième mouvement, Allegro giocoso, est la page qui se rapproche le plus d'un scherzo dans l'oeuvre symphonique de Brahms, par son allure et non par sa forme. Ici, ce qui prime, c'est le dynamisme et l'intensité. On apprécie la sécheresse des attaques, le rythme endiablé, l'enthousiasme et enfin, les moments paroxystiques soulignés par l'usage du triangle. Dans un ut majeur joyeux, on retrouve ici des ambiances de danse populaire, chères à Brahms. Le Finale enfin, construit sur le modèle de la chaconne, est une étourdissante suite de variations. L'intensité ne retombe jamais, la petite harmonie brille, le chef étant toujours fidèle au texte et à la musique. Même en dirigeant par cœur, sans la partition et sans baguette. Mais avec tout son cœur et son talent. Un concert donné le cœur lourd, reçu avec appréhension dans le contexte que l'on sait mais définitivement oeuvre utile. Le répertoire classique rassure dans les moments où le monde vacille. Il représente un ancrage, une constance, qu'on ne peut que apprécier. Il amène la paix dans les âmes à défaut de la préserver dans le monde.

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de France Musique

Programme du concert du 25 février 2022 à Radio France
LUDWIG VAN BEETHOVEN
Concerto pour piano et orchestre n° 4

JOHANNES BRAHMS
Symphonie n° 4

EMANUEL AX piano
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
LEONIDAS KAVAKOS
 direction 

 

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