Voyage en Italie avec Gardiner, Tamestit et le Philhar
Il est possible de construire un programme de concert sur le thème de l'Italie sans prévoir un seul compositeur italien. Clément Mao-Takacs et son Secession Orchestra l'avaient déjà prouvé en 2019 à l'auditorium du Louvre. Mais là où le programme du concert du vendredi 4 février 2022 de l'Orchestre Philharmonique de Radio France innove, c'est que même si les titres des œuvres jouées évoquent l'Italie, il s'agit avant tout d'une affaire britannique. Tout d'abord, avec un illustre sujet de sa majesté à la direction, rien de moins que l'immense Sir John Eliot Gardiner. Ensuite, Hardold en Italie d'Hector Berlioz, compositeur vénéré dans les Îles britanniques. Et enfin, deux compositions d'Edward Elgar, compositeur anglais dont les œuvres irriguent chaque année les BBC Proms, j'ai nommé Alassio - In the South et Sospiri opus 70. Enfin, nous étions heureux de retrouver l'altiste Antoine Tamestit en soliste, quatre années après la création du Concerto pour alto de Widmann à la Philharmonie.
Harold en Italie n'est autre que la deuxième symphonie de Berlioz. Composée en 1834 suite à une commande du célèbre altiste Paganini, le projet de concerto pour alto initial va rapidement muer en en symphonie concertante. Mais l'orchestre n'y est jamais un accompagnateur comme dans un concerto. De sorte que Paganini trouvera qu'il n'en a pas assez à faire, et refusera donc de jouer l’œuvre. Mais le regrettera par la suite ! Divisé en quatre mouvements, Harold en Italie est une musique à programme, "une suite de scènes où l'alto solo se retrouve mêlé comme un personnage mélancolique, dans le genre de Charlie Harold de Byron." selon Berlioz.
Dans le premier mouvement, Harold aux montagnes, l'orchestre (violoncelles et contrebasses) instaure d'emblée un climat sombre et mystérieux. Le chef Gardiner installe beaucoup de tension et d’intensité dramatique pendant que sur notre siège, nous nous posons une question. Mais où est donc le soliste ? En effet, tout l'Orchestre Philharmonique de Radio France s'est présenté sur la scène, puis le premier violon Ji-Yoon Park a fait irruption afin d'accorder les instruments comme de tradition et enfin, le chef est arrivé, seul. Sans le soliste. Antoine Tamestit apparait discrètement, côté jardin alors que la musique a déjà démarré depuis un certain temps. Les mesures s'égrènent jusqu'à ce qu'il prenne la parole, à proximité des harpes. Et il y démontre un art du chant absolument délicieux, une attention portée aux nuances et enfin, une ligne musicale cohérente tout le long, malgré le caractère itinérant de sa performance. Une vraie promenade ! Après avoir rejoint le chef sur le devant de la scène, Antoine Tamestit se dirige vers la petite harmonie pour le deuxième mouvement, la Marche des pèlerins chantant la prière du soir. Sur un rythme binaire et monotone, la musique se déploie tranquillement, narrant une paisible procession de pèlerins, tandis que le promenade du soliste continue. L'ambiance change dans le troisième mouvement, Sérénade d'un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse. Le chef, dans des élans élégiaques insiste sur le vibrato. Ici, c'est l'évocation du souvenir de Berlioz de ses propres voyages dans la région. Tamestit énonce le thème d'Harold qui se combine avec élégance à celui de la sérénade. Et de nouveau une surprise avec l'ensemble de l'orchestre qui se lève pour le dernier mouvement, l'Orgie de brigands et souvenirs des scènes précédentes. Mouvement bouillonnant d'une grande virtuosité orchestrale, que John Eliot Gardiner maîtrise à la perfection. La posture debout de l'orchestre, outre l'effet visuel saisissant, permet un engagement encore plus important, et saisit immédiatement l'audience. Berlioz désire que cette partie soit furibonde: "où l'on boit, frappe, brise, tue et viole !" Rien de moins. Il convient alors de se mettre effectivement debout. D'aucuns estiment cette musique d'une vulgarité insoutenable. Elle n'est pourtant pas dénuée de charme ! Notamment par le rappel des thèmes des mouvements précédents par l'alto solo, même si lors de ses tentatives, il se fait rabrouer par l’orchestre. Mais plus que par sa forme, cette musique touche par son effet, un Harold terrifié qui part se cacher à l'arrière scène, une tension tellurique étouffante jusqu’à une conclusion fracassante à même d'en dérider plus d'un ! Une interprétation originale, intense, pleine d'idées, de saveurs et de surprises. Cela vaut définitivement le déplacement.
Comme Berlioz, Elgar ne compose pas à l'italienne, mais retranscrit au contraire de façon britannique, ce que lui a évoqué son séjour en Italie, plus précisément à Alassio dans la Ligurie. Et c'est l’inspiration de In the South, (Alassio) où Elgar avait passé la majeure partie de l'hiver 1903-1904. Le premier thème, exubérant, lumineux et brillant est inspiré du bouledogue de l'organiste George Robertson Sinclair ! Le pupitre de cordes du Philhar se distingue par sa cohésion et son intensité, et le chef parvient à dompter la masse orchestrale avec doigté. Même si les décibels montent dangereusement haut, jamais cela ne sature, même si les percussions se font remarquer. Au contraire, les tuttis sont tous plus beaux les uns que les autres. Antoine Tamestit, toujours présent, intervient le temps d'un solo d'alto mémorable par sa douceur.
Douceur que l'on retrouve dans la dernière œuvre au programme. Après les envolées d'Alassio et de Harold, l'accalmie offerte par Saspiri du même Elgar est plaisante. Elle permet de redescendre lentement avant de quitter ce merveilleux concert. Ici, l'orchestre n'est composé que des cordes, à l'exception de l'orgue qui soutient l'ensemble avec un accord, amenant une couleur plus subtile que ce que pourrait proposer les instruments à vent de l’orchestre. Un apaisement pas volé avant la dernière note.
Une soirée enthousiasmante offerte par l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par John Eliot Gardiner. Inspirée par l'Italie certes, mais résolument britannique !
Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur France Musique
HECTOR BERLIOZ Harold en Italie EDWARD ELGAR Alassio - In the South Sospiri opus 70 ANTOINE TAMESTIT alto ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE JOHN ELIOT GARDINER direction |
Sublime et inoubliable moment. L’alto a donc toute sa place au répertoire !
— Rachel KHAN®️ (@KhanNRachel) February 5, 2022
Merci @radiofrance 🎼 pic.twitter.com/e3rqoSm3oB
Très belle interprétation d’@AntoineTamestit pleine de candeur et un @PhilharRF tout en puissance et musicalité
— cbrunsteinlaplace (@cyril_bl) February 5, 2022
Pure moment de bonheur avec @AntoineTamestit et John Eliot Gardiner avec le @PhilharRF dans Harold en Italie puis Elgar ! Interprétation généreuse sublimée par la spacialisation du soliste, comme dans une ballade virtuelle en Italie ⛰ pic.twitter.com/PfLA5Sf0ty
— BitchesBrew🖖🏼🔱 (@TheKhloris) February 5, 2022
Fantastique Elgar avec Gardiner à la tête du @PhilharRF ! Un compositeur qui gagne à être connu ! Superbe programme ce soir sur le thème de l’Italie mais aussi, inspirée bien entendu des îles britanniques tant Berlioz est aimé outre Manche ! pic.twitter.com/zvZUTqSUOX
— Andika (@Nyantho) February 4, 2022
Admirable voyage vers le Sud #JohnEliotGardiner @AntoineTamestit @PhilharRF @BrunoCompo @francemusique @jmbador https://t.co/jgZjMjb6of pic.twitter.com/byiw6XICc5
— Jean-Pierre Rousseau (@JPierreRousseau) February 6, 2022
Un programme original, raffiné & passionnant où Berlioz (Harold) & Elgar (In the South et Sospiri) rêvent d’Italie, avec leur propre langage & couleurs !
— Guillaume Giraudon (@Guiguiii94) February 4, 2022
La baguette très souple de Sir #Gardiner transporte le @PhilharRF vers noblesse & clarté, #Tamestit se promène sur la scène… pic.twitter.com/UwrnhxFxBV
Devine qui vient dîner ce soir à la maison… Gardiner ! @francemusique (on monte le son!) https://t.co/zdaCSFHgqr pic.twitter.com/62aTXxU0Nw
— marc voinchet (@mvoinchet) February 4, 2022
Quelle superbe occasion de découvrir ( il était temps !) l'auditorium de Radio France avec Harold, Hector merveilleusement servis par @AntoineTamestit sir @johnEliotGardiner et @PhilharRF @francemusique pic.twitter.com/cO5zLy2SKd
— REYRE MENARD Fanny (@fanny_reyre) February 4, 2022
#Berlioz et #Elgar par @PhilharRF, @AntoineTamestit & #SirJohnEliotGardiner 🎶🎻🎥💻🇨🇵🇬🇧🇮🇹 @radiofrance @francemusique @artetvfr_live @ARTEconcertFR #HaroldenItalie #Alto #Viola pic.twitter.com/G5vokLKBas
— Jens Klier (@jekltwin) February 4, 2022
Coulisses du concert du soir, Antoine Tamestit joue Berlioz avec le @PhilharRF & John Eliot Gardiner en direct sur #FranceMusique & @ARTEconcertFR 💫@francemusique https://t.co/H6iDnXghFI @AntoineTamestit #alto pic.twitter.com/oCpUH1EJPo
— Stéphane Grant (@stephanegrant) February 4, 2022
On avait jamais vu, ni entendu ça !
— Camera lucida (@_Cameralucida) February 4, 2022
Le @PhilharRF debout, dirigé par Sir John Eliot Gardiner, enveloppe Antoine Tamestit pour le dernier mouvement d'Harold en Italie de Berlioz !
Un concert déjà légendaire à voir sur @ARTEconcertFR-@francemusique ➡️ https://t.co/O7YXMMMA90 pic.twitter.com/eBTblAOsv2