Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pages

Publié par andika

Daniele Gatti, ancien directeur musical de l'Orchestre National de France a fait son grand retour le jeudi 3 février 2021, à Paris, Avenue Montaigne, au Théâtre des Champs Elysées, à la tête de la phalange de la maison ronde. Accompagnés du Chœur de Radio France et du Chœur de l'Armée française, complice habituelle des productions de Radio France, ils s'attaquaient à rien de moins que le théâtral Requiem de Verdi. Et même s'il s'agit de musique sacrée, ne nous y trompons pas, comme l'affirmait Hans Von Bülow, nous sommes bien à l'opéra. Et qu'est-ce qu'un opéra sans soliste ? Pour l'occasion, nous retrouvions  avec une immense joie la contralto canadienne Marie-Nicole Lemieux, déjà inoubliable en 2016 à la Philharmonie dans cette même oeuvre. La quatuor vocal étant complété par la soprano Eleonora Buratto, le ténor Michael Spyres et enfin la basse Riccardo Zanellato.

Poster du concert

Verdi compose son Requiem en 1874 afin de rendre hommage au grand écrivain italien, Alessandro Manzoni, disparu l'année précédente. Et pour cette oeuvre, il reprend un projet précédent et fait du Verdi, à savoir du drame, en s'inspirant notamment du ton employé par Hector Berlioz dans sa Grande Messe des morts de 1837. De quoi orchestrer des retrouvailles chaleureuses entre Gatti et le National. Sachant que les concerts juin 2020 et mars 2021 s'étaient déroulés dans le contexte que l'on sait.

Daniele Gatti, en bon italien, connait son Verdi. Nul besoin de partition pour diriger. Tout est dans sa tête, dans son cœur et dans chacun de ses membres. Et ce que l'on peut dire de sa direction, c'est qu'elle est habitée, réfléchie, claire, construite, en un mot, cérébrale. Le soin apporté aux nuances est constant, le phrasé toujours travaillé, la masse orchestrale domptée. Si l'acoustique du Théâtre des Champs-Elysées peut parfois être un peu récalcitrante, elle n'empêche pas d'apprécier les splendeurs de cette oeuvre. Ainsi, la première partie sobre, Requiem & Kyrie, laisse place aux fulgurances fascinantes du Dies Irae. Le tempo, pris de façon raisonnable permet d'apprécier les différents plans sonores, riches, malgré la cohésion et la densité des pupitres. Les cuivres sont saillants, le ton très théâtral. Et surtout, le chœur demeure très clair dans la majeure partie de ses interventions. Notamment dans la périlleuse fugue du Sanctus. Enfin, le Libera Me, loin d'être joué dans des effets racoleurs, fait le pari de l'émotion et du recueillement. Ainsi, les accords ponctuant les interventions du chœur sont davantage des réponses que des admonestations. 

La quatuor vocal mérite que l'on y consacre quelques lignes. Car ne nous y trompons pas, il s'agit ici du gros point fort de cette interprétation. Les solistes sont chacun d'entre eux très sollicités. La prime revenant à la sublime contralto Marie-Nicole Lemieux. Chacune de ses interventions tenants en haleine l'ensemble du Théâtre des Champs-Elysées. Droite, visage grave, chignon strict, on sent qu'elle prend sa tâche très au sérieux. Dès les premières notes du Liber Scriptus elle conquiert la salle, avec un vibrato à faire pleurer, une ligne musicale jamais prise en défaut et une prosodie à tomber. Son timbre clair, chaud, riche et puissant, sert les notes et les mots avec dévotion. Même lorsqu'elle reprend sa respiration, il se passe quelque chose de musical. Elle poursuit son oeuvre dans le Quid sum miser et le Recordade avant de nous achever d'émotions dans le Lacrymosa. La voix de Marie-Nicole Lemieux est un refuge, comme la lumière que l'on cherche quand on est dans l'obscurité. Au sujet de la soprano Eleonora Buratto, on la découvre peu à peu durant la majeure partie de l'oeuvre tout en sachant que son moment n'arrive qu'à la toute fin. Et quel moment. Quel Libera Me venu du fond du cœur. Saluons avant tout la sobriété de son chant, le peu d'effets grandiloquents mais au contraire, la technique assurée, la justesse à toute épreuve, la précision dans la musicalité. Sa puissance dans les aigus, son aisance à dompter l'orchestre, font de ce passage un moment mémorable. Le ténor Michael Spyres, bien que visiblement fatigué, n'a absolument pas démérité. Sa vigueur dans l'Ingemisco fait mouche, ainsi que sa force de conviction dans ce texte si fort. Son timbre, plein de vie et de clarté a illuminé. Enfin, la basse Riccardo Zanellato a impressionné par la profondeur de son timbre, ses attaques toujours bien senties et aussi, dans son travail sur le rythme, surtout dans le Confutatis.

Enfin, les chœurs se sont illustrés de façon remarquables, bien entendu dans l'ensemble de la sequentia mais bien évidemment dans le Libera Me conclusif, où l'alliance des forces du Chœur de Radio France et du Chœur de l'armée française a fonctionné à merveille.

Il en résulte un Requiem de Verdi interprété remarquablement. Peut-être pas aussi puissant émotionnellement que d'autres propositions, mais éminemment cérébral dans son architecture et la gestion de ses séquences. De quoi passer tout de même une grande soirée !

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur France Musique

Programme du concert du 3 février 2022 au TCE
GIUSEPPE VERDI
Messa da Requiem

ELEONORA BURATTO soprano
MARIE-NICOLE LEMIEUX contralto
MICHAEL SPYRES ténor
RICCARDO ZANELLATO basse

CHŒUR DE RADIO FRANCE
ALESSANDRO DI STEFANO
 chef de chœur
CHŒUR DE L'ARMÉE FRANÇAISE
AURORE TILLAC cheffe de chœur
ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
DANIELE GATTI
 direction

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article