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Publié par andika

La période de la rentrée est synonyme de retrouvailles. Et quel plaisir de retrouver le Secession Orchestra et son directeur musical, Clément Mao-Takacs après un sublime concert sur le modèle noir au musée d’Orsay en avril dernier.

 

Le Secession Orchestra, Fiona McGown, Yu Shao, Romain Dayez, Clément Mao – Takacs

 

Mais pour son concert de rentrée de la saison 2019/2020 le 25 septembre 2019, le musée n’était plus le même ! A la place d’Orsay, rien de moins que le Louvre, dans son magnifique auditorium. Le programme promettait un concert italien. Thème très excitant, surtout compte tenu du lieu qui est un des endroits au monde où l’on peut admirer la peinture venue de l’autre côté des alpes. Mais de manière étonnante, aucun compositeur italien ne sera entendu ! En effet, pour ce concert italien, Clément Mao-Takacs a prévu de jouer Stravinsky et Mendelssohn ! Un russe et un allemand ! Mais comme de nos jours, le Courrier international permet de lire ce qui se dit à l’étranger au sujet de la France, les compositeurs étrangers peuvent apporter un regard intéressant sur une patrie autre que la leur. Ainsi, tout sonne comme l’Italie dans le ballet intégral Pulcinella de Stravinsky. Tandis qu’il n’y a pas plus italien que le Saltarello qui ponctue la Symphonie n°4 de Mendelssohn.

Aller écouter le Secession orchestra, c’est la garantie de sortir des sentiers battus. L’assurance de découvrir du répertoire. Mais plus profondément, c’est aussi une manière assez sûre d’apprendre énormément de choses. L’impression de retrouver un vieux complice, lorsqu’on a le temps d’assister à la conférence habituelle de Clément Mao-Takacs qui précède le concert. Et si l’on n’a pas le temps d’arriver une heure plus tôt, il faut lire attentivement la note de programme qu’il rédige avec érudition et amour. C’est aussi avoir l’opportunité d’échanger, de vivre une expérience collective à part et de sortir de la salle de concert dans un meilleur état que l’on y est entré. Avec en prime, la possibilité de saluer le chef avec bienveillance avant de partir. Un vrai moment de partage où le chef donne tout ce qu'il a et même encore davantage.

Pour ce qui est de la musique, tout d’abord, quel plaisir d’entendre l’intégral du ballet de Stravinsky et non pas une suite qui taille dans le gras et raccorde tant bien que mal les épisodes les plus marquants. Il n’y a rien à enlever dans cette Pulcinella (1919-1920) où Stravinsky, animé par plusieurs influences, et plusieurs thèmes pittoresques, crée quelque chose de fondamentalement nouveau et original, tout en respectant les canons du classicisme après avoir fait la révolution avec le Sacre. Pour cette œuvre, trois chanteurs, la mezzo-soprano Fiona McGown, le ténor Yu Shao et enfin, le baryton Romain Dayez.
Pour cette ouvre, l’orchestre arrive sur scène pieds nus, et joue debout ! Chose assez étonnante et inhabituelle pour qui est assidu des concerts classiques mais rapidement, ce détail est occulté par la fabuleuse musique de Stravinsky. Dès les premières mesures, on sent un orchestre alerte et pétillant. Et tout au long des longues transitions sans chant, le chef ne cessera jamais de conserver l’intérêt de l’auditeur en tirant le meilleur de ses musiciens. On retiendra particulièrement la qualité des cuivres, et leur mordant, notamment dans la Gavotta con due variazioni, ou encore un vibrato du meilleur goût aux cordes lors de l’Allegro-alla breve (13). L’orchestre devenant ainsi un véritable personnage, tout aussi passionnant à suivre que le texte.
Ce texte en italien, si bien défendu par la mezzo soprano Fiona McGown, qui chante en rythme tout en colorant les paroles dans le Contento force vivere (je pourrais peut-être vivre heureuse). On est frappé aussi par la beauté de son chant, et surtout par la grande sensibilité qu’elle apporte dans le délicat Se tu m’ami (Si tu m’aimes, si tu soupires…). Le ténor Yu Shao quant à lui avec son timbre assez profond sous des apparences d’éphèbe  se fait le narrateur de la Pulcinella, en allant parfois chercher des aigus avec aisance pour décrire avec précision le cœur des femmes. Enfin, le baryton Romain Dayez est doté d’un timbre grave et viril, plein d’autorité lorsqu’il ordonne Bella, resta qua! (Ma belle, restez ici). Et ces trois voix se marient parfaitement bien lors du trio Sento dire no’ncè pace (j’entends dire qu’il n’y a pas de paix). Une bien belle œuvre qui fourmille d’idées.

Toujours l'Italie après l'entracte, mais avec Mendelssohn. Lors de la conférence précédant le concert, le chef a livré au public plusieurs clefs d'écoutes précieuses sur cette œuvre, notamment l'apport de la version révisée, notamment dans le second mouvement avec un thème utilisé, connu de tous, mais écrit dans un autre tonalité mineure sur la partition. Pour cette symphonie, l'orchestre fait son retour avec des chaussures, et les musiciens portent même la cravate. Dès les premières notes, la phalange pétille et l'on se dit que ce répertoire est parfait pour cet ensemble. L'équilibre des plans sonores trouvé est saisissant, on goûte avec délectation tous les contrechants, les couleurs, les textures et on entend en effet la main de Bach dans le contrepoint, comme évoqué lors de la conférence, dans cet Allegro vivace (I). L'Andante con moto qui suit est beau à en faire pleurer, et on discerne clairement le thème de Frère Jacques en mineur, avec une petite harmonie prodigieuse, des cordes intenses et tranchantes. Le son devient une caresse dans le III, noté Con moto moderato, avec quelques ingrédients (le vibrato des cordes, les trilles), un geste sur, un charisme indéniable, le chef fait naître une émotion à nulle autre pareille. A peine le temps de se remettre qu'il faut déjà conclure, avec un Salterello noté presto, martelé, fiévreux, furieux, agile et marqué par l’urgence.  Les bois sautillent, l'ambiance s'agite pour terminer en apothéose.

Quel concert, quel orchestre, quel chef ! Une belle saison s'annonce autour des pérégrinations du Secession Orchestra. A suivre sans aucun doute !

 

Programme du concert du mercredi 25 septembre 2019 à l'auditorium du Louvre

Fiona McGown, mezzo-soprano
Yu Shao, ténor
Romain Dayez, baryton
Secession Orchestra
Clément Mao – Takacs, direction
 

Igor Stravinsky
Pulcinella, ballet intégral

Felix Mendelssohn-Bartholdy
Symphonie n° 4 en la majeur opus 90 « Italienne » version révisée de 1834

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