Pyrotechnie sonore à la Philharmonie avec le programme Rachmaninov/Bruckner du Philhar'
Pour ce rendez-vous du vendredi soir, ce 19 novembre, en cet automne bien entamé, l'Orchestre Philharmonique de Radio France était de retour à la Philharmonie de Paris pour un programme riche en émotions, avec tout d'abord le Concerto pour piano n°2 en do mineur de Serge Rachmaninov, interprété par le pianiste Russe Nikolaï Lugansky. Après l'entracte, rien de moins que la sublime et majestueuse Symphonie n°7 en mi majeur d'Anton Bruckner, le tout dirigé par Mikko Franck. Egalement, particularité de la soirée, sept étudiants du CNSMDP voisin, sélectionnés sur audition, se sont joints aux pupitres de l’Orchestre Philharmonique de Radio France pour ce concert. Mais même si l'air juvénile du Konzertmeister de la soirée pouvait faire penser qu'il était l'un d'entre eux, Nathan Miedrl est bien un violoniste titulaire du Philhar' qui a remplacé le premier violon solo Hélène Collerette au pied levé.
La genèse du Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov a été mille fois racontée. C'est la résilience après l'échec de la création de sa première symphonie. Sur les conseils de son psychiatre Nicolaï Dahl, il décida de soigner le mal par le mal en composant une nouvelle oeuvre. Oeuvre dont nous avons d'ailleurs déjà discuté en 2018 avec le même Orchestre Philharmonique de Radio France et la pianiste Khatia Buniatishvili. Plus récemment, avec le National et le pianiste Benjamin Grosvenor. Mais nous n'avions jamais au grand jamais été témoins du formidable Nicolaï Lugansky dans Rachmaninov, bien que la dernière rencontre entre lui et le Philhar' autour du deuxième de concerto pour piano de Prokofiev en 2019 nous ait très positivement impressionnés. Et disons-le d'emblée, sans surprise, Lugansky excelle également dans Rachmaninov. Et ce, dès les premiers accords. Après une petite attente fébrile le temps que les derniers retardataires gagnent enfin leurs places respectives, ces accords mystérieux s'emparent de la Philharmonie avant que le premier thème du premier mouvement, exposé aux cordes, ne commence réellement à l'orchestre et affirme la tonalité ô combien marquante de do mineur. Bien que cette oeuvre ait été créée en 1901, elle s'inscrit encore totalement dans le courant romantique. Ainsi, ici, ce que l'interprétation va chercher, c'est l'émotion bien plus que la brillance et la virtuosité. La bonhomie habituelle de Mikko Franck, le son rond sans aspérité du Philhar' laisse ici sa place à une atmosphère lourde, sombre et ténébreuse, pleine de caractère. Le vibrato imprimé aux cordes, leur densité et cohésion, font trembler l'âme, les attaques franches et déterminées nous mènent dans un tourbillon. Le lyrisme emprunt de profondeur du jeu de Nicolaï Lugansky séduit, de la légèreté irréelle de ses aigus, à la puissance dévastatrice des cascades d'accords, à laisser sans voix. L'accalmie qui survient dans l'Adagio permet d'être percuté de plein fouet par le torrent émotionnel qui précède. Toujours autant de vibrato aux cordes, mais le piano ne traîne pas. Le premier thème est exposé avec clarté et simplicité, avant la merveilleuse clarinette de Nicolas Baldeyrou n'intervienne. Le soliste prospère sereinement dans la masse orchestrale lors de ce mouvement où le dialogue n'est jamais rompu. Mikko Franck et Nicolaï Lugansky parlent la même musique, celle de la résilience. Le final noté Allegro Scherzando, enchaîné sans pause, est un moment libérateur. Nicolaï Lugansky joue des arpèges démentiels avec une apparente facilité, le tempo est vif, l'orchestre tempétueux, le rythme est enivrant et la virtuosité se déploie enfin. La tension ne retombe jamais, notamment aux cordes lors de la coda qui ne perdent jamais en cohésion ni en mordant ! Après la dernière note, le public explose dans une gigantesque ovation, à la hauteur de toutes les émotions accumulées lors de la merveilleuse exécution de ce concerto dont on ne se lasse pas. En guise de bis, toujours Rachmaninov, avec le merveilleux Lilacs Op. 21 No. 5, aux arpèges légers et enchanteurs, où l'on sent bien qu'il s'agit de la transcription d'une oeuvre vocale.
La Symphonie n°7 en mi majeur de Buckner, a plus fait pour le renom du compositeur que toutes ses autres œuvres. Et ce, dès sa création en 1884, même si elle a été popularisée par la suite par le film Senso de Visconti. Ce n'est pas que la cinquième et son fantastique final au fugato dévastateur manque de mérité, ou que la quatrième ne soit pas assez romantique (mais on joue aussi souvent la quatrième). C'est que la septième est excessivement charmante. Elle s'imprime facilement dans la tête, et enfin, elle emploie un instrument qui ne laisse pas indifférent, le Wagner-Tuben. Une première chez Bruckner. Contrairement à l'habitude du compositeur, la septième n'a pas été révisée. Enfin, pas révisée par Bruckner, car le coup de cymbales du point culminant de l'Adagio, n’apparaît pas sur la partition autographe ! De forme classique, en quatre mouvements, elle a tous les atouts pour convaincre le mélomane réfractaire à l'univers du Bruckner. Ici, pas la place de s'ennuyer grâce à la clarté de l'architecture, et l'irradiante plénitude des thèmes. De sa création en 1884, à nos jours, elle suscite l'enthousiasme. Et Mikko Franck n'en manque pas lorsqu'il met la partition sur le métier. Le début l'Allegro moderato avec ce trémolo aux cordes avec un pupitre de violoncelle sublime, met d'emblée l'audience au cœur de la musique. On apprécie l'équilibre des plans sonore préservé, et la quiétude incarnée que représente ce premier thème qui se déploie en majesté. Le deuxième thème du premier mouvement amène un nouveau tempo plus vif, qui permet d'alerter l'auditeur (passage de la mesure 2/2 à la mesure 4/4). Le tempo change encore dans le troisième thème pris de façon vigoureuse avant une accalmie dans le développement, où la grande salle de la Philharmonie encaisse allègrement l'enthousiasme des cuivres dans les tuttis. Mikko Franck ne reculant devant aucune note, aucun fortissimo, et donnant toujours le maximum de puissance au son de l'orchestre mais jamais au détriment de l'équilibre général. Déjà dans ce premier mouvement, la couleur spécifique des Tuben épice l'ensemble. Instrument un peu moins grave que le tuba, et tellement marquant dans la salle. La coda, très wagnérienne, rappelle un peu le Prélude de l'Or du Rhin. L'Adagio qui suit est sans doute le plus célèbre de Bruckner. Hommage à Wagner, mort peu avant, il est construit autour de deux thèmes. Le premier, est grave. Interprété de façon intense, avec encore un sublime vibrato aux cordes menées avec entrain par Nathan Miedrl. L'équilibre est toujours assuré. Le deuxième est thème consolateur et amoureux, avant que les Tuben ne reviennent dans la coda en reprenant glorieusement le premier thème et en faisant trembler la philharmonie par la même occasion. Ce vaste crescendo concocté par Mikko Franck entrera dans les mémoires (comme ce merveilleux coup de cymbales absent de la partition). Le Scherzo principalement rythmique est pris sur un tempo vigoureux. Les cordes à l'unisson sur la nuance pianissimo impressionnent par leur tenue, en prenant même des accents très viennois. La tension est toujours maintenue, mais cela ne se fait pas au détriment de l'équilibre. On apprécie beaucoup les contre chants des cordes, pendant que le thème est aux cuivres . Le trio, sur une ambiance de danse populaire, n'en finit pas de ravir avant que le thème principal de revienne, pour le plus grand plaisir d'un Mikko Franck, au large sourire. Le Finale, joyeux, est noté mouvementé mais pas trop rapide. Dans une forme sonate rigoureuse, on profite ici de la richesse thématique mais surtout, de tuttis à foison, fracassants, où les nuances fortissimos ne sont pas galvaudées. L'apport des Tuben est une fois de plus fondamental et on est heureux que le lieu de ce concert soit la Philharmonie de Paris qui jamais ne sature ! Une interprétation pleine de générosité, pour une oeuvre enthousiasmante, riche, au niveau thématique et harmonique, qui ne laisse jamais en défaut l'attention de l'auditeur. Un feu d'artifice orchestral absolument fascinant. Et ce d'autant plus que c'était la première fois dans sa carrière que Mikko Franck dirigeait une symphonie d'Anton Bruckner en concert. Nous ne pouvons que lui conseiller de poursuivre l'exploration du corpus de ce compositeur !
Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur France Musique
SERGUEÏ RACHMANINOV Concerto pour piano et orchestre n° 2 en ut mineur, op. 18 ANTON BRUCKNER Symphonie n° 7 NIKOLAÏ LUGANSKY piano ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE MIKKO FRANCK direction |
Bonheur suprême que cette interprétation lumineuse de la Symphonie n°7 de Bruckner par le @PhilharRF et @mikkofranck à la @philharmonie !
— Andika 💉💉 (@Nyantho) November 19, 2021
Équilibrée, tendue et si riche. Du contrechant constant malgré des cuivres déchaînés ! Merveilleux Tuben ! pic.twitter.com/xx8AvmOlxf
Pas différente, je voulais écrire « démentielle » mais mon clavier n’en a fait qu’à sa tête. https://t.co/3kkx93uGpe
— Andika 💉💉 (@Nyantho) November 19, 2021
Bravo au @PhilharRF @mikkofranck #NikolaïLugansky pour ce voyage chez un Rachmaninov incandescent et un Bruckner majestueux ce soir @philharmonie pic.twitter.com/mwF5ggjTN5
— mickael godard (@GodardMickael) November 19, 2021
Quelle soirée ! Rach 2 renversant par Lugansky, maîtrise technique époustouflante qui lui permet à la fois simplicité et profondeur de jeu (en bis, Lilas de Rachmaninov transcrits pour piano), et Bruckner 7 par un Philharmonique de Radio France impeccable. pic.twitter.com/qws79A0sgk
— Freak McLyric (@FreakMcLyric) November 19, 2021
L'orchestre @PhilharRF dans une forme éblouissante ce soir, à la @philharmonie, sous la baguette de Mikko Franck avec le concerto n° 2 de Rachmaninov, sublimé par Nicolas Lugansky, stellaire, et la symphonie n° 7 de Bruckner. 👏👏👏 pic.twitter.com/EEZNal1VYs
— Pierre Buhler (@PierreBuhler) November 19, 2021
🎶 Bravo @PhilharRF conducted by @mikkofranck with #pianist #NikolaïLugansky for this wonderful #concert at the @philharmonie de #Paris !#Rachmaninov #Rachmaninoff #Rach2 #Bruckner #Symphony7#classicalmusic
— Helene M.A. (@helene_mahln) November 19, 2021
📷 @helene_mahln - 19 nov.2021 pic.twitter.com/8ocSKuuLVX
Grandiose 7ème symphonie de Bruckner en préparation now avec @PhilharRF et @mikkofranck, en direct à 20h sur @francemusique depuis la @philharmonie de Paris ! 🎻🎶🎈@stephanegrant @mvoinchet pic.twitter.com/OOOXwsYfrI
— Benjamin François (@BenjFrancois) November 19, 2021
Le concert de ce soir diffusé en direct sur @francemusique depuis la @philharmonie est donné dans le cadre du 75e anniversaire @UNICEF_FR et de la Journée internationale des droits de l’enfant.
— Orchestre Philharmonique de Radio France (@PhilharRF) November 19, 2021
Le @PhilharRF et @mikkofranck sont ambassadeurs d'@UNICEF_france. pic.twitter.com/6w79r31gV8
Rachmaninov n° 2, Lugansky / Franck - Vendredi 19 novembre 2021 - 20h30 Philharmonie de Paris
Mikko Franck a choisi là l'une des plus vastes symphonies de Bruckner, dédiée par le compositeur à la mémoire de Wagner. Bruckner utilise de spectaculaires Wagner-tuben dans cette partition et...