Des Vêpres de Rachmaninov incandescentes à Saint-Eustache avec le Chœur de Radio France dirigé par Martina Batič
L'Eglise Saint-Eustache, nichée au milieu du quartier des Halles à Paris, est un lieu devant lequel on passe souvent, sans forcément y pénétrer avec la même fréquence. Pourtant, cette vaste église ne manque pas de beauté et d'intérêt historique. Molière y fut baptisé, Rameau y repose et enfin, on y entend de nombreux concerts. Et c'est à cet endroit qu'a élu domicile le Chœur de Radio France accompagné de sa cheffe invitée principale, la slovène Martina Batič , afin de proposer un monument du répertoire vocal: Les Vêpres de Rachmaninov. Pour ce concert du mardi 9 novembre 2021 s'inscrivant dans la série Chorus Line, le chœur était au grand complet et a cappella, sans doute dans le répertoire le plus marquant pour ce genre de formation, la musique sacrée russe.
Rien de mieux que ce répertoire de musique sacrée russe pour faire briller des voix. Le rite orthodoxe recèle de véritables pépites et les Vêpres en font partie. Composées en 1915, deux années avant la Révolution russe d'Octobre 1917, elles ont par la suite longtemps été interdites en URSS. La religion n'y étant pas en odeur de sainteté. Cela a conduit à un oubli prolongé de l’œuvre au cœur du 20ème siècle alors même qu'elle avait été ovationnée lors de sa création à Moscou, le 10 mars 1915. Mais cette fêlure de l'histoire est maintenant réparée, tant cette musique est belle et profonde, notamment de par l'usage des basses. Le compositeur demandera d'ailleurs l'exécution du Nunc dimittis issu de ses Vêpres, lors de ses obsèques.
Les vêpres, c'est le service du soir dans un monastère. Un moment de tranquillité, de recueillement et de méditation profonde. Un moment dans la nuit réparatrice qui permet de retrouver le calme après une journée de dur labeur. Bien que la vie monacale soit assez sobre en générale, cette idée nocturne n'est pas sans incidence sur cette musique. Que ce soit l'emploi de certains modes, ou l'usage de tempi modérés. Mais cela n'empêche pas non plus la ferveur et la jubilation dans certains passages, avec des contrastes de nuances intéressants.
Martina Batič fait son affaire de toutes ces spécificités. Même si au début, le bruit de la foule à l'extérieur , située à proximité de la canopée, se fait entendre à l'intérieur de l'église, elle laisse bien rapidement place à la musique. Le chœur frappe par sa cohésion, son fondu, la ligne mélodique toujours tenue et les nuances imprimées. Hormis une fois, lors du 2. Bénis le Seigneur, ô mon âme, les interventions des solistes se font au sein du chœur et non à l'avant scène, ce qui crée un effet stéréophonique très intéressant dans l'acoustique assez chaude de Saint-Eustache. Les passages les plus attendus ne déçoivent pas, notamment le Nunc dimittis de toute beauté, avec des sopranos en ostinato, un ténor solo captivant, un crescendo prenant et enfin, une nuance fortissimo à faire trembler. Fortissimo tout aussi plaisant dans l'Ave Maria. La proposition rythmique est également saisissante, notamment dans le Bienheureux l'homme. On apprécie alors les ralentis et les accélérations sur les divers alléluias chantés, imprimant chacun une intention différente. Le rythme fait de succession de croches dans le Bénis sois-tu, Seigneur produit également un superbe effet. Mais les moments de solennité ne manquent pas non plus, Mon âme glorifie le Seigneur, ou encore le douloureux En ce jour, le salut. Sans oublier le superbe pianissimo de Lumière joyeuse. Vierge souveraine en final, est un passage glorieux où le chœur se déploie dans un équilibre parfait, pour un effet jubilatoire. La direction de Martina Batič est quant à elle à chaque instant précise et habitée et propose toujours quelque chose avec cette musique, sans jamais s'appesantir. Enfin, que serait cette oeuvre sans de belles basses ? C'est pour cela qu'il faut saluer ce pupitre qui a su se faire entendre tout le long, et soutenir cet édifice merveilleux, pour notre plus grand plaisir. Un très beau concert du Choeur de Radio France, qui s'accommode très bien de chanter hors les murs de la Maison de la Radio et de la musique.
SERGUEÏ RACHMANINOV Les Vêpres CHŒUR DE RADIO FRANCE MARTINA BATIČ direction |
Des Vêpres de Rachmaninov habitées, intenses, solennelles, poignantes, dirigées superbement par Martina Batic à la tête du @ChoeurRF où chaque voix apporte quelque chose d’appréciable. Superbe acoustique à l’église Saint-Eustache ! pic.twitter.com/UbtR4oSD1P
— Andika 💉💉 (@Nyantho) November 9, 2021
CHORUS LINE #3 - Mardi 09 novembre 2021 - 20h00 Eglise Saint-Eustache, Paris
Avec les Vêpres de Rachmaninov, composées en 1915 et créées la même année par le Chœur de l'Institut synodal de Moscou, on tient l'une des pages les plus belles de la musique religieuse russ...