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Publié par andika

Non, la rentrée n'est pas toujours un moment pénible. Elle ne fait pas que marquer la fin des vacances. Elle annonce également de belles choses pour la nouvelle saison. Et de belles choses, nous en avons entendues lors du concert de rentrée de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Mikko Franck, à la maison de la radio le vendredi 20 septembre 2019. Au cours d'un programme entre originalité et tube, entre France et Russie, le chef et son Orchestre. Avec également la fantastique Maitrise de Radio France (préparée par Sofi Jeannin), aidée par deux superbes chanteuses, Melody Louledjian et Emanuela Pascu. Sans oublier la complicité du grand pianiste russe, Nikolaï Lugansky. Que du beau monde pour une abondance de belle musique. La France était représentée par Ravel et Debussy tandis que la Russie l'était par Stravinsky et Prokofiev.

Pour ouvrir ce concert, Quatre chants paysans russes de Stravinsky, interprétés par les enfants de la maitrise, accompagnés de quatre cors. Étrange formation, et pourtant, dès les premières notes, c'est l'évidence. Dans cette œuvre inspirée du folklore russe cher à Stravinsky qui n'a cessé d'aller y puiser de l'inspiration, la maîtrise dirigée par Mikko Franck irradie de justesse et de clarté dans un russe impeccable. L'accompagnement discret des cors laisse place à l'instrument magistral qu'est la voix de ces enfants, qui impulse le rythme, et narre avec vigueur les aventures contenues dans ces chants paysans russes.

Toujours du côté de la Russie, voici le Concerto pour piano n°2 de Serge Prokofiev. Composé en 1913, la même année que le scandale du Sacre du printemps que Stravinsky provoqua à Paris. Ce concerto jouit d'une réputation tout aussi sulfureuse à l'époque de sa création avec son futurisme. Toutefois, par certains aspects, cette œuvre demeure tout à fait traditionnelle. Nikolaï Lugansky entame le premier mouvement noté Andantino – Allegro avec un discours captivant et enivrant derrière son piano. Dans ce mouvement emprunt de romantisme mais aussi de modernité avec ses harmonies complexes, le pianiste se montre très mordant. Notamment au cours d'une cadence de feu qui ne pourra laisser personne indifférent. De par sa manière de phraser , la clarté de ses aigus à la main droite. Le tempo pris par le chef dans le II  noté Scherzo (Vivace) est on ne peut plus adéquat tant la musique vit et s'épanouit par le rythme dans ces pages. Un élan qui emporte tout sur son passage emplit la salle malgré la concision de ce passage. L'Intermezzo qui suit quant à lui est plein d'ironie avec l'emploi des timbres graves. Beaucoup de fracas, avec des pupitres de cuivres très en forme, ainsi que des bassons et clarinettes de toute beauté. Le pianiste impressionne dans ces passages virtuoses où ses mains se croisent et se recroisent. Enfin, le Finale est une pluie de note qui tombe assez assez drue ! Puis il se perpétue dans la poésie et la douceur, notamment lors d'un dialogue entre le piano et le basson solo. La cadence de Lugansky étant dans cette tendance, avec de formidables nuances. Après une ovation bien méritée, le pianiste revient pour un superbe bis avec un prélude de Rachmaninov.

Après l'entracte, place à la musique française avec la (trop) rare Damoiselle élue de Debussy. Il s'agit d'une de ses productions romaines pour l'institut après l'obtention du prix de Rome. Il s'était intéressé au poème The Blessed Damozel de Dante-Gabriel Rossett qu'il choisit de mettre en musique dans une traduction française. Et la langue française ne pose aucun problème à la Maîtrise de Radio France qui chante avec une clarté et une prosodie stupéfiantes. Sans oublier la musicalité. On apprécie également le timbre mat de la mezzo d'origine roumaine Emanuela Pascu dans son rôle de récitante (chanté !). On admire surtout ses aigus étonnants. Mais que dire alors de la fameuse Damoiselle élue chantée par la soprano française Melody Louledjian. Sa diction irréprochable, sa clarté, la chaleur de son timbre et les couleurs qu'elle apporte à ce texte. On déplorera quelques fois certains passages où l'orchestre recouvrait sa voix. Mais même lorsqu'on l'entend moins, on peut voir qu'elle vit le texte.

Enfin, comme si la soirée n'était pas déjà suffisamment belle, le Boléro de Ravel est venu la ponctuer. Qu'ajouter de plus au sujet de cette œuvre qui compte parmi les plus célèbres ? Simplement dire que même si son auteur le déplore, sa célébrité n'est pas galvaudée. Et les orchestres français peuvent être fiers de défendre cette musique. Le finlandais Mikko Franck semble pour sa part très heureux de la diriger, debout, près de ses musiciens, faisant face quelques fois au public, il construit patiemment son Boléro. D'une part en créant le contexte idéal pour chacun des solistes amené à intervenir en conservant une rigueur rythmique constante, et d'autre part, en mettant en lumière toute la leçon d'orchestration qu'est cette partition. Chaque détail compte et chaque détail est entendu. Là une flûte qui double la caisse claire pour donner le rythme, puis d'autres instruments qui se mettent à marteler ce fameux rythme pendant que d'autres se partagent les thèmes. On sent que tout le monde jubile dans l'orchestre, mais aussi dans le public. Le crescendo irrésistible emporte tout et met tout le monde d'accord. Les dernières mesures données en bis terminent de rendre tout le monde heureux !

Quelle rentrée, quelle concert ! A peine le trimestre commencé, tout le monde obtient dores et déjà les félicitions du conseil de classe. Pour sa sixième année à la tête de la phalange parisienne, Mikko Franck annonce saison faste ! A suivre !

Programme du concert du 20 septembre 2019
Igor Stravinsky Quatre chants paysans russes
Serge Prokofiev  Concerto pour piano et orchestre n°2
Claude Debussy La Damoiselle élue
Maurice Ravel Boléro
Melody Louledjian Soprano
Emanuela Pascu Mezzo-soprano
Nikolaï Lugansky piano
Maîtrise de Radio France
Sofi Jeannin Chef de chœur
Orchestre Philharmonique de Radio France
Mikko Franck Direction

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur France Musique

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