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Publié par andika

Cette nouvelle saison qui commence est celle des surprises. Bouleversement des habitudes, des programmes, de la vie sociale et de bien d'autres choses. Ainsi, ce concert de L'Orchestre National de France prévu le jeudi 24 septembre 2020, ne devait pas être un événement particulier à en croire la brochure de la saison 2020/2021 publiée par Radio France au printemps dernier. Mais la démission surprise d'Emmanuel Krivine de son poste de directeur musical du National un an avant la fin de son mandat a tout changé. Cristian Măcelaru, son successeur désigné anticipant son arrivée à Paris (avec l'opéra de Paris, il s'agit d'une tendance). Et c'est ainsi que ce concert est devenu d'une toute autre nature. L'intronisation du nouveau directeur musical de l'Orchestre National de France. Des années après Sergiu Celibidache, la phalange française se donnait un nouveau chef originaire de Roumanie. Il a par conséquent fallu faire quelques ajustements de programme. Exit Kodaly et Tchaikowski ! Bienvenue à Debussy et Saint-Saëns. Voici comment on francise un événement de cette importance. En revanche, le Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov était conservé, avec le pianiste britannique Benjamin Grosvenor en soliste.

Poster du concert de l'ONF

Il entre dans les missions du National de défendre le répertoire français, et son nouveau directeur musical s'y plie de bonne grâce, avec l'enthousiasme et l'énergie que nous lui connaissons depuis que nous en sommes témoins à Paris. Pour commencer ce mandat, quoi de mieux que Debussy ? Le Prélude à l'Après-midi d'un faune est une vielle connaissance de l'ONF, qui ne le jouait pas plus tard qu'en janvier dernier au TCE ! Composé entre 1892 et 1894, il s'inspire d'un poème écrit par Mallarmé. Ce dernier apprécia tellement cette musique qu'il adressa quatre vers de son cru à Debussy en guise de remerciements. « Sylvain d’haleine première / Si la flûte a réussi / Ouïs toute la lumière / Qu’y soufflera Debussy. »  Pour l'occasion, Philippe Pierlot, première flûte solo de l'orchestre est sorti de sa fraîche retraite afin de jouer ce début légendaire, plein de mystère et d'onctuosité. Arrivé sous Celibidache, parti sous Măcelaru, la boucle est bouclée. Le chef roumain trouve ici un bel équilibre, permettant de faire ressortir toutes les couleurs françaises de l'orchestre, ainsi que sa qualité de chant. Un exercice de style élégant et délicat, avec des tuttis merveilleux, mais surtout une petite harmonie qui se régale. Comme par exemple Carlos Brito Ferreira, fraîchement lauréat du concours du poste de première clarinette solo. Une belle entrée en matière !

 Sarah Nemtanu, premier violon solo de l'ONF (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Sarah Nemtanu, premier violon solo de l'ONF (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Le Concerto pour piano n°2 en do mineur de Rachmaninov est une œuvre de la résilience. Dédié à son psychiatre Nicolaï Dahl, cette partition fait office de thérapie pour le compositeur qui se remettait à l'époque d'un échec professionnel, à savoir le fiasco  de la création de sa première symphonie. Même si ce concerto date de 1900, il s'inscrit toujours dans le courant du romantisme, Rachmaninov étant alors une sorte de dinosaure à même pas quarante ans selon certains. Et pourtant, ce concerto ne laisse pas indifférent. Surtout entre les mains expertes du jeune pianiste britannique Benjamin Grosvenor qui, dès les accords initiaux, prend possession de l'attention des auditeurs avec un lent crescendo. Un son puissant, dominant, un peu métallique, qui parvient à se détacher, même lorsque l'orchestre joue à pleine puissance dans les effusions du Maestoso. Le tempo pris, très allant impressionne, tant il n'entrave pas la clarté du phrasé du pianiste, enfin, à l'orchestre, les cordes éblouissent par leur densité et leur cohésion. De quoi rappeler les belles soirées d'avant la pandémie ! L'Adagio qui suit confirme la belle tenue des cordes obtenue par le chef,  Cristian Măcelaru. Le dialogue entre le pianiste et l'orchestre est emprunt de délicatesse, notamment grâce à a précision dans les nuances. La précision et la clarté des phrasés dans les aigus que trouve Benjamin Grosvenor sur son piano est à se pâmer. L'Allegro final quant à lui laisse la part belle à l'orchestre qui se comporte d'une bien élégante manière. Des attaques franches du chef, des réponses bondissantes des musiciens. Énormément d'énergie dans ce mouvement qui figure le retour à la vie du compositeur et la joie après des épisodes difficiles. L'opportunité pour Cristian Măcelaru de faire vrombir le National tel le moteur d'une grosse cylindrée. Le soliste de son côté, poursuivant dans l'excellence de son jeu pour un final triomphal. Le bis, une composition de  Ginastera, n'étant que la confirmation qu'il faudra suivre ce pianiste avec attention à l'avenir. Cela tombe bien, il est en résidence à Radio France pour la saison 2020/2021 !

Orchestre National de France (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Orchestre National de France (© Christophe Abramowitz / Radio France)

La Symphonie n°2 de Camille Saint-Saëns n'est pas la plus connue, on lui préfère souvent la troisième avec orgue. Composée en 1859, elle s'inscrit dans le courant classique de Haydn, Beethoven et Schubert, non sans quelques facéties, comme par exemple cette élégante fugue du premier mouvement. Une œuvre adéquate pour l'intronisation d'un nouveau chef à la tête du National, de quoi faire de ce concert une vraie fête de la musique française. On entend immédiatement une vraie symbiose entre l'orchestre et son nouveau chef, malgré les masques.  Beaucoup d'énergie, de clarté et de polyphonie. A cet égard, la fugue du premier mouvement est exemplaire de précision et de rigueur de la part des interprètes. Là où l'Adagio du deuxième mouvement permet à chaque couleur de l'orchestre de s'illustrer (encore la petite harmonie ici). Le Scherzo est un passage plein de ruptures dynamiques et d'instabilité rythmique, avec des virages négociés à la perfection par la chef. Le trio opère une rupture de ton qui amène une accalmie mais sans offrir de conclusion par la suite ! Enfin, l'indication prestissimo du final est prise au pied de la lettre avec un tempo enfiévré et des cordes incandescentes. Un véritable triomphe pour l'Orchestre National de France et son nouveau chef intronisé, et adopté par le public parisien. Tout cela augure d'une collaboration très prometteuse.

Concert disponible à l'écoute sur France Musique

Programme du concert du 24 septembre à la Maison de la Radio
CLAUDE DEBUSSY
Prélude à l’après-midi d’un faune

SERGUEÏ RACHMANINOV
Concerto pour piano et orchestre n°2

CAMILLE SAINT-SAËNS
Symphonie n°2

BENJAMIN GROSVENOR piano
ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
CRISTIAN MĂCELARU
direction

 

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