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Publié par andika

Quoi de mieux qu'un dimanche après-midi qu'un petit concert à la maison de la radio ? L'Orchestre national de France a pris l'habitude de proposer des programmes plus courts que le concert du jeudi, le dimanche, à des tarifs avantageux et la formule ne manque pas de charme. On se souvient par exemple d'un dimanche en compagnie de Chostakovitch et Bach sous la baguette de Vengerov.

Ce dimanche 27 janvier 2019, Neeme Järvi faisait déjà son retour à la tête de l'ONF pour remplacer au pied lever le directeur musical souffrant, Emmanuel Krivine. Heureux hasard et bonheur pour le mélomane. Mais contrairement au concert du jeudi 24 janvier qui proposait Les Hébrides ou la Grotte de Fingal, Op. 26 de Mendelssohn, et le Concerto pour violon no. 3 en si mineur, Op. 61 de Saint-Saëns, ce dimanche, on n'avait plus "que" la Symphonie no. 1 en ré majeur « Titan » de Mahler.

Neeme Järvi et l'ONF à l'issue du concert du 27 janvier 2019 à l'auditorium de la maison de la radio

Neeme Järvi et l'ONF à l'issue du concert du 27 janvier 2019 à l'auditorium de la maison de la radio

Déjà la troisième symphonie Titan relatée ici en près d'un an après Les Siècles et l'Orchestre de Paris. Rappelons toutefois que cette symphonie a été composée en 1888, puis révisée en 1896 pour trouver sa forme définitive amputée d'un mouvement des cinq prévus initialement. Partition plus ou moins inspirée du roman Titan de Jean-Paul (Richter), elle relate l'itinéraire du héros mahlérien, sans toutefois faire allusion à la mythologie.

Disons le tout net, la lecture donnée par Neeme Järvi à la tête de l'ONF était en tout point très satisfaisante. Mais il faut dire que l'ONF était bien rôdé, en effet, c'était la troisième fois de la semaine qu'il donnait cette symphonie, et cela s'entendait. Avec le temps, tout s'arrange, avec le temps, un chef et un orchestre entrent en osmose, et la phalange peut alors suivre le chef comme une seul homme. Et ce dès l'entame du premier mouvement, noté Langsam. Schleppend. Wie ein Naturlaut (Lent. Traînant. Comme un bruit de nature). En effet, l'accord initial qui se prolonge pianissimo sur de longues rondes captive d'entrée et rappelle effectivement une nature qui s'éveille. Les cordes du national sont en très grande forme et délivrent la nuance voulue avec réussite. Les bois amènent de la couleur. L'ensemble est paisible, très lent, chantant et doux. Lorsque le thème se déploie, toutes les lignes musicales sont lisibles et le chef veille à ce que les différents éléments du contrepoint soient entendus. La musique respire, le son est aéré. Le deuxième mouvement, un Ländler typiquement viennois continue dans la même veine. Il est noté sur la partition Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell (Avec force et animation, mais pas trop vite), avec la blanche pointée à 66. Et il faut dire que ce programme est respecté et même un peu dépassé par le tempo large imprimé par Neeme Järvi. Et pourtant, les attaques des contrebasses et des violoncelles sont musclées mais sans être brutales. Les cordes basses mordent dans ces noires qui constituent la base du premier thème, le tempo restant d'une stabilité à toute épreuve, les trois temps de la valse s'égrenant paisiblement. La lenteur est encore accentuée dans le trio, noté Recht Gemächlich etwas langsammer als im Anfang (assez tranquille, un peu plus lent qu'au début, la blanche pointée à 54). Il est bien pratique que Mahler note autant de choses et il est très agréable que Järvi les lise aussi bien. En père tranquille, il ralentit abondamment lors de ce trio, faisant entendre des silences de toute beauté qu'on n'a pas forcément l'habitude de gouter dans d'autres interprétations. Ce la permet de suspendre le temps et d'amener beaucoup de douceur et d'élégance. Les bois quant à eux étants toujours aussi colorés. Mais cette quiétude contraste avec l'accélération finale de ce deuxième mouvement qui est du plus bel effet. Contraste encore avec ce troisième mouvement qui est une marche funèbre reprenant le célèbre thème de Frère Jacques. Noté  Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen (Solennel et mesuré, sans traîner) sur la partition. Les timbales donnent le ton et en effet, ça avance, le fameux solo de contrebasse est exécuté à la perfection par Maria Chirokoliyska, peu de vibrato et un ton enfantin. Une construction parfaite de l'ouvrage, Neeme Järvi, contrairement à ce que son style économe en geste suggère, donne tous les départs. On est alors dans un tourbillon de couleurs, notamment grâce au fantastique hautbois solo de Mathilde Lebert. On est également dans une frénésie de danse dans le deuxième thème qui rappelle une danse juive. Järvi obtenant une sonorité assez typique et festive.  Le finale, noté Stürmisch bewegt (Orageusement animé) laisse la part belle aux cuivres qui sont tout aussi brillants au niveau du son qu'au niveau de l'apparence. Le volume sonore augmente considérablement tout en étant maîtrisé. Le côté théâtral de l'oeuvre est ici à son paroxysme, avec notamment un déluge de percussions. Les cordes conservent une belle tenue et on sent que l'ONF est dans un très grand jour. Neeme Järvi se levant même de sa chaise pour les dernières mesures.

Voici un grand chef doté d'une expérience infaillible qui retourne aux sources de Mahler et fait sonner l'ONF comme rarement. Ceux qui ont eu la chance de découvrir cette oeuvre lors de ce concert auront gagné un souvenir inoubliable. L'ONF est capable du meilleur, il l'a prouvé ce jour.

Représentation de la symphonie n°1 de Mahler du 24 janvier 2019 par l'ONF dirigé par Neeme Järvi à l'auditorium de Radio France

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