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Publié par andika

En cette année Berlioz qui marque les 150 ans de la disparition de l'illustre compositeur français, il n'est pas étonnant que l'Opéra de Paris se soit emparé d'une de ses oeuvres lyriques les plus emblématiques, à savoir Les Troyens. Composé entre 1856 et 1858 après moult hésitations, la balance ayant penché après la menace d'une amie de Berlioz de ne plus jamais le voir s'il n'allait pas au bout de l'ouvrage. Créé en 1863, cet opéra est résolument novateur. Berlioz reprenant l'Enéide pour écrire le livret jalonnés d'alexandrins latinisants très plaisant à entendre. Riche dans son orchestration, moderne dans les textures et le traitement des voix et enfin, assez monumental, sachant qu'il s'agit de 4h de musique. Très peu de récitatifs, un orchestre omniprésent. La direction de Philippe Jordan était un accompagnement sans faille aux chanteurs.

Distribution des troyens à Bastille à l'issue de la générale du 22 janvier 2018.

Distribution des troyens à Bastille à l'issue de la générale du 22 janvier 2018.

En terme d'innovation, cette nouvelle production donnée en ce moment à Bastille est très satisfaisante. En effet, la mise en scène de Dmitri Tcherniakov est pleine d'idées et utilise le plateau de manière très intelligente, en faisant même parfois bouger le décor pendant l'action. 

Pourquoi aller voir les Troyens ?

Mais concrètement, pourquoi aller voir les Troyens ? Premièrement, vous avez 5h de libres ? Alors cet opéra est fait pour vous, car avec les deux entractes, on atteint les 5h. Vous aimez la musique ? Berlioz a tout prévu. Vous trouvez Philippe Jordan mignon, venez donc le voir en vrai même s'il sera surtout de dos. Vous aimez la mythologie ? Alors plongez-vous dans cette relecture de l'Enéide. Vous avez vu le film Troie avec Brad Pitt ? Venez voir les Troyens aussi ici ! Vous voulez entendre des choses totalement dingues? Vous serez servi. Vous aimez regarder des personnes en feu sur une scène ? Allez donc voir les Troyens !  Vous avez beaucoup d'argent à dépenser ? Allez à Bastille ! Regarder des gens jouer au tennis de table et chanter en même temps ? Ça se passe devant les Troyens ! Vous aimez les drames ? Alors foncez voir les Troyens !

Mais concrètement, c'était comment ?

Plus sérieusement, la mise en scène de la première partie relatant la prise de Troie (comprenant l'Acte I et II) s'inspire directement du conflit entre l'Ukraine et la Russie qui sévit depuis 2014. Ainsi, on reconnaitra les références dans les costumes aux couleurs bleu et jaune des troyens. De plus, le drapeau de ces derniers est noir, jaune et bleu mais la bande noire ne se voit pas trop. Comme pour l'Ukraine, Troie est envahie par un voisin encombrant et beaucoup plus puissant. Comme pour l'Ukraine, le cheval de Troie existe, tant les séparatistes pro russes ukrainiens sont nombreux. Ainsi, la prise de Troie prend une résonnance  très particulière. Les voix du choeur et de Cassandre (merveilleuse Stéphanie d'Oustrac ) se distinguent dans le final de l'acte II Complices de sa gloire. La destruction de Troie se résumant à la disparition du décor et de l'écran géant, dans un mouvement de ses éléments assez démentiel et montrant toute la profondeur du plateau.

La seconde partie, relatant les aventures des troyens à Carthage se déroule dans un centre médical pour les blessés de guerre. Idée assez géniale qui cadre bien avec la première partie et le parti pris de la modernité. Ainsi, l'arrivée subite d'Enée offre un fort contraste par rapport à ce contexte où l'on voyait des personnes regarder la télévision (notamment France 24, Cristiano Ronaldo apparaissant à l'écran). Son armée venant en aide à Carthage. La romance avec Didon pouvant alors commencer après l'accalmie. On notera le duo Nuit d'ivresse et d'extase infinie merveilleusement interprété par Brandon Jovanovich (Enée) dont le français était très satisfaisant et le timbre de ténor coloré, et Ekaterina Semenchuk, habitée dans son rôle de Didon qui doit descendre aux enfers. Voix de Mezzo profonde, français solide et jeu d'actrice très convaincant.

Alors, en voyant cette production des troyens, on se dit que oui, l'opéra est vraiment un spectacle total. De la démesure consubstantielle à Berlioz à la démesure de la mise en scène, on sort de la salle lessivé en ayant au moins eu l'opportunité d'entendre une musique exquise.

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