Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pages

Publié par andika

La rentrée est en général la période du renouveau, promesse d'un avenir radieux. Mais cette rentrée de la saison 2024/2025 à la Maison de la Radio pour l'Orchestre Philharmonique de Radio France le vendredi 13 septembre dernier, sonnait quelque peu différemment. En effet, après un mandat de dix ans, Mikko Franck, le directeur musical du Philhar' va s'en aller en fin de saison, et laisser la place à Jaap van Zweden. Ainsi commençait donc la fin d'un mandat, avec un programme alliant le cycle du vivant, musique contemporaine et nature. Avec tout d'abord Les Nuits d'été Hector Berlioz, sur les poèmes de Téophile Gautier, chantés par la Mezzo française Léa Désandre. Deuxième œuvre au programme, une création mondiale Du Gouffre de l'aurore, de la cantatrice et compositrice Tatiana Probst, ancienne pensionnaire de la Maitrise de Radio France, justement convoquée sur cette partition. Et enfin, Une Symphonie Alpestre de Richard Strauss, afin de commencer le cycle "Nature et vivant", qui sera présent dans quatorze concerts de l'Orchestre Philharmonique de Radio France cette saison.

Mikko Franck et L'Orchestre Philharmonique de Radio France le Vendredi 13 septembre 2024 à l'auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique(© Christophe Abramowitz / Radio France)

Mikko Franck et L'Orchestre Philharmonique de Radio France le Vendredi 13 septembre 2024 à l'auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique(© Christophe Abramowitz / Radio France)

Quoi de mieux pour commencer la saison que de se remémorer ses nuits d'été ? Ses romances passagères, les bons moments passés dans la douceur de la saison chaude. Et qui de mieux que Berlioz pour exalter tous les sentiments de l'été ? On accueille donc ce cycle de six poèmes orchestrés par Berlioz avec le plus grand plaisir. Surtout lorsque ces derniers sont chantés par la sublime Léa Désandre, qui arrive sur scène dans une robe noire sobre et les pieds nus. Tout au long du cycle, on sent une osmose entre l'Orchestre Philharmonique de Radio France et Léa Désandre. Mikko Franck accompagne parfaitement sa chanteuse en lui laissant la place de s'épanouir, tout en dirigeant avec panache, et en soignant les couleurs l'orchestre. Cela s'entend notamment dans Villanelle, où le timbre chaud, et la prosodie impeccable de Léa Désandre dans un français magnifique, traduit bien la joie des paroles de cette idylle. L'orchestre de son côté ne relâche jamais la tension, notamment aux cordes où les croches avancent résolument. Le Spectre de la rose est au contraire plus calme, sur un rythme de valse lente. Léa Désandre ici déploie la puissance de sa voix mais sans aucune exubérance. Sans aucune affectation, mais au contraire d'un naturel saisissant, et avec un vibrato du plus bel effet. Sur les lagunes est une barcarolle funeste, sombre, mais pourtant, infiniment colorée dans l'orchestration, notamment aux cuivres et au bois toujours bien mis en valeur par la direction de Mikko Franck. Absence, est un moment fort de cette performance avec ce fameux refrain "Reviens, reviens, ma bien aimée." chanté avec force et conviction dans des aigus épatants par Léa Désandre. Qui excelle dans la communication des émotions du texte, tout en conservant une posture sobre sur la scène, notamment dans Au cimetière, ou son chant se marie admirablement bien avec les bois. Enfin, dans l'île inconnue, dernier poème su cycle, il n'est plus l'heure d'être sobre. Dans ce bouquet final, il n'est plus question de retenue. Dans cette barcarolle fantasque, c'est le sourire qui s'invite. Dans les glissandos de l'orchestre, sur le visage de Mikko Franck, dans la voix de Léa Désandre mais surtout, sur les visages des auditeurs. Quelle belle manière de démarrer une saison !

Selon les notes du programme de ce concert: "Du Gouffre de l’aurore, est le fruit d’une commande de la Maitrise de Radio France (dont Tatiana Probst a fait partie au début des années 2000). Bâtie sur un poème qui sert de trame à la partition, elle est destinée aux jeunes filles de la Maîtrise et, pour ce concert, elle a été conçue comme le pendant des Nuits d’été d’Hector Berlioz. Du Gouffre de l’aurore, selon l’autrice, exprime une inquiétude devant le jour et sa clarté aveuglante, et ce gouffre de l’aurore renvoie .à tout ce qui n’est pas maîtrisé ni connu. Voir le jour, c’est être projeté dans la vie, dans son rythme et dans ses tourments, hors de la nuit indistincte et rassurante. Les questions sur le sens de la vie et de la mort, sur le temps et la liberté, sur l’homme face à l’immensité et à la puissance de la nature, doivent résonner avec l’expérience vécue des maîtrisiennes." Il en ressort un début tonitruant, dans une écriture moderne, richement orchestrée mais qui n'abandonne pas pour autant la tonalité. La partition étant dédiée à la Maitrise de Radio France, c'est un vrai plaisir de l'entendre chanter à capella, de façon claire et très intelligible. On entend ici l'excellence du travail de Sofi Jeannin depuis des années. La musique répond également au texte de la compositrice. Ainsi, quand elle écrit "Ce rythme est effrayant", on entend effectivement la parti la plus rythmique et entêtante. On appréciera enfin la fine orchestration, notamment l'usage très approprié du xylophone. L'ensemble des interprètent défendent cette partition avec conviction pour un création mondial réussie. 

Tatiana Probst, Sofi Jeannin et Mikko Franck félicitant la Maitrise de Radio France le 13 septembre à l'auditorium (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Tatiana Probst, Sofi Jeannin et Mikko Franck félicitant la Maitrise de Radio France le 13 septembre à l'auditorium (© Christophe Abramowitz / Radio France)

Pour conclure après l'entracte, Une Symphonie Alpestre de Richard Strauss. Œuvre inaugurale du Cycle "Nature et Vivant" qui fera également résonner les chefs-d'œuvre de Beethoven, Debussy ou Smetana avec des enjeux écologiques bien contemporains. Pour ce concert, on se concentra ainsi sur le glacier Aletsch en Suisse, qui recule de plus en plus avec le réchauffement climatique. Et la symphonie Alpestre qui arpente les Alpes bavaroise lui fait un écho percutant. Musique à programme par excellence, le compositeur délimite pas moins de vingt deux endroits dans sa partition, en partant de la nuit, au sommet, pour revenir a la nuit. La richesse thématique est infinie, on dénombre ainsi près de soixante motifs. Et cette richesse, on la retrouve dans l'effectif pléthorique de l'Orchestre Philharmonique de Radio France au grand complet, plein de couleurs. Mikko Franck s'amuse comme un fou avec cette partition qui offre une progression méticuleuse dans la journée en montagne. Notamment le fortissimo tout entier de l'orchestre au Lever du soleil, qui annonce tout de suite la couleur. Au bout de dix ans, Mikko Franck connait la salle comme sa poche. Aucune saturation, malgré un son sur près de dix octaves. On entend ainsi une grosse machinerie bien manœuvrée tout au long se cette journée en montagne qui ne manque pas de rebondissements et d'épisodes épiques. L'immense effectif orchestral, très dense et parfois un peu corrosif, ne s'abandonne jamais dans des effets racoleur. Malgré le volume sonore, on conserve toujours une certaine rondeur qui permet d'apprécier les différents pupitres de l'orchestre, comme par exemple dans la partie Au sommet où les instruments à vent se déploient avec justesse dans le registre suraigu.

Une interprétation riche et généreuse, d'une œuvre vraiment conçue pour le concert. Il s'agit en effet d'une expérience unique, notamment lorsqu'on entend la fameuse machin à vent. Avant de tirer sa révérence, Mikko Franck a encore beaucoup à nous offrir cette année, et on a hâte de l'entendre ! Ce n'est que le début !

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de France Musique

Programme du concert du 13 septembre 2024 à Radio France

Le programme

Hector Berlioz

Les Nuits d’été

Tatiana Probst

Du Gouffre de l’aurore ** (commande de Radio France – création mondiale)

Richard Strauss

Symphonie Alpestre

Les artistes

Lea Desandre

mezzo-soprano

Sofi Jeannin

cheffe de chœur

Formation

Maîtrise de Radio France

Orchestre Philharmonique de Radio France

Mikko Franck

direction

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article