Fantastique voyage en Ecosse à la Philharmonie avec l'ONF et Nicola Benedetti
Depuis le 3 février 2019, l'Orchestre National de France est devenu également un résidant de la Philharmonie de Paris. Et il y a 5 ans, c'était déjà en compagnie de Berlioz avec sa Damnation de Faust. Pour son concert du vendredi 19 janvier 2024 à la Porte de Pantin, Cristian Macelaru, le directeur musical de la phalange parisienne revient donc au compositeur français avec rien de moins que la Symphonie Fantastique. Et en première partie, était proposé la Fantaisie écossaise de Max Bruch, avec comme soliste au violon, Nicola Benedetti, violoniste justement originaire d'Ecosse.
L'intitulé complet de la Fantaisie écossaise est: Fantaisie pour violon avec orchestre et harpe utilisant librement des mélodies écossaises. Titre annonciateur et qui pour le coup, décrit l'oeuvre avec précision et concision. Contrairement à Felix Mendelssohn qui présentait une vision fantasmée de l'Ecosse dans sa Symphonie n°3, Max Bruch ici, utilise des mélodies écossaises scrupuleusement notées afin d'en faire tous les thèmes de son oeuvre. Même si un soliste est à l'honneur, la forme diffère de celle du concerto. Tout est plus libre et moins rigide. Nicola Benedetti, ayant grandi en écosse, est la violoniste idoine pour cette partition. Lorsqu'elle apparait vêtue d'une robe verte, on est heureux de la retrouver à la dans la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie, quelques années après une remarquable interprétation du Concerto pour violon n°2 de Karol Szymanowski. Et on retrouve immédiatement les mêmes qualités. Un son pur de son violon, net, sans aspérité. Un vibrato fier mais qui sait rester léger. De son côté, Cristian Macelaru à la tête du National laisse beaucoup de place à la soliste et on sent un grand soin mis dans la mise en place, et l'équilibre dans plans sonores des tuttis. Le cantabile du violon de Nicola Benedetti sert à la perfection le premier mouvement, noté justement Adagio Cantabile, avec l'utilisation par Bruch du chant d'amour "Auld Robin Morris". Enfin, la présence récurrente de la harpe d'Emilie Gastaud est un enchantement. Le scherzo offre un contraste saisissant avec ses rythmes sautillants et donne l'impression d'être dans une authentique taverne en Ecosse. Les cordes du National et la soliste se stimulent mutuellement et la tension ne retombe jamais. L'alternance avec un autre mouvement lent offre une respiration bienvenue et des dialogues plus intimistes (notamment entre le hautbois et le violon), avant un Finale endiablé noté rien de moins que Allegro guerriero ! Sur un chant d'armes historique, "Scots wha hae where Wallace bled" Le thème circule du violon à l'orchestre. Cristian Macelaru donne un son très ample et véhément au National. Les attaques sont franches et gourmandes, sans être brutales, le chef dosant son énergie à bon escient dans cette musique un brin maritale. Nicola Benedetti répondant avec autant d'amplitude et de majesté dans le final de cette bien belle Fantaisie écossaise. Oeuvre énergique mais aussi lyrique, la Fantaisie écossaise, surtout interprétée avec autant de panache, donne beaucoup de plaisir. Tant et si bien que la soliste n'a pas offert de bis !
Après l'entracte, Berlioz ! On a déjà dit beaucoup de choses au sujet de la Symphonie Fantastique .A quel point elle était révolutionnaire pour 1830, et qu'elle allait préfigurer la musique symphonique de la fin du XIXème siècle en matière d'orchestration. Mais ce qu'on n'a pas décrit, c'est son lien avec l'Ecosse dans ce programme ! D'une, part, la passion de Berlioz pour l'actrice irlandaise Harriet Smithson à qui il pensera fort lors de la composition de cette oeuvre. Et cette actrice avait fait carrière en Grand-Bretagne. Mais surtout, le lien dans ce programme entre les deux oeuvres est le fait que Bruch était un disciple de Ferdinand Hiller, un grand ami de Hector Berlioz. Alors comme d'habitude, l'excitation est à son comble avant l'exécution de cette partition, surtout à la Philharmonie. Et dès le premier mouvement Rêverie-Passions, l'excitation est satisfaite. Les cordes de l'Orchestre national de France sont alertes et espiègles, dans le tendre Largo en ut mineur qui traduit bien l'idée de rêverie. Cristian Macelaru dirige avec maîtrise et élégance, dans un vrai souci de narration. A ce titre, les gestion des nuances et des tempi sert le programme de l'oeuvre à la perfection. En outre, de façon plus distanciée, entendre le National jouer cette musique donne une impression de naturel et de fluidité étonnante. On sent qu'on est dans le coeur du répertoire de cette formation, qui la joue avec une assurance et une majesté certaine. Et cette impression se confirme dans Un bal. Un trémolo magique aux cordes, les notes arpégées des deux harpes font le boulot. Cette valse sautillante ne manque jamais d'allant, avec une accentuation légère du premier temps de la part du chef. Les cordes sont admirables de cohésion et de densité. La Scène au champ, mouvement lent à l'atmosphère bucolique intrigue ici par la position du hautbois de la coulisse. Cristian Macelaru, le place côté jardin, juste derrière la porte d'entrée de la scène, qui reste ouverte le temps du mouvement. La longue mélodie de cordes illustre une fois de plus la qualité de ce pupitre mené par Sarah Nemtanu. Enfin, le fil narratif ne se perd pas. Le temps de la contemplation est pris, les tempi ralentis laissent le temps de s'imprégner. Quel contraste avec la Marche au supplice. Cuivres acides et stridents, son âpre, percussions vigoureuses, les attaques du chef sont énergiques et sèches. Mais ici, on apprécie surtout la sonorité des bassons français du National, belle spécificité de cette formation. Enfin, le Songe d'une nuit de Sabat offre un final démiurgique. Cristian Macelaru libère toute la puissance de son orchestre où chaque pupitre s'exprime et est mis en valeur, dans un très bel équilibre des plans sonores, tout en restant élégant (une fois de plus, les cordes), avec un thème du Dies Irae omniprésent propre à hanter toute la nuit. Arrivé à la fin, on se dit qu'il s'agit ici tout simplement d'une orgie musicale. Et cette fois-ci, il y a bien eu un bis, et quoi de mieux que Un Bal pour conclure ? Une fois n'est pas coutume, l'Orchestre National de France n'a pas fait le déplacement pour rien à la Philharmonie de Paris.
Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de Radio France
MAX BRUCH Fantaisie écossaise HECTOR BERLIOZ Symphonie fantastique NICOLA BENEDETTI violon ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE CRISTIAN MĂCELARU direction |
Une Symphonie Fantastique à la narration impeccable dirigée par @CristiMacelaru ce soir. Quelle élégance du @nationaldefce qui maîtrise cette partition à la perfection et la joue les yeux fermés (ces cordes nom de Dieu). Une intensité maîtrisé à chaque instant ! pic.twitter.com/BmgewiI7Xa
— Andika (@Nyantho) January 19, 2024
Symphonie Fantastique de Berlioz à la Philharmonie ❤️❤️ pic.twitter.com/PiphoSg1Fl
— Theooow (@theooow1040) January 19, 2024
Quel plaisir de retrouver la fantastique @NickyBenedetti ce soir à la @philharmonie dans une merveilleuse Fantaisie écossaise de Bruch. Alternant la virtuosité et recueillement, bien accompagnée d’1 @nationaldefce de gala. @CristiMacelaru dirige avec panache & sensibilité. pic.twitter.com/zc1mpAjE06
— Andika (@Nyantho) January 19, 2024
Symphonie fantastique - Cristian Măcelaru - Vendredi 19 janvier 2024 - 20h00 Philharmonie de Paris
Tous les coups de foudre ne donnent pas la Symphonie fantastique, toutes les vies d'artistes n'inspirent pas pareille mise en scène.