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Publié par andika

Il n'est plus à démontrer que la musique de notre compatriote, Hector Berlioz, est très appréciée outre-Manche, et qu'on y trouve parmi les plus fervents défenseurs. Cette saison, on se souvient d'un fantastique Roméo et Juliette avec un Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par le chef britannique Daniel Harding à l'auditorium de la maison de la radio et de la musique. La saison précédente, son compatriote Sir John Eliot Gardiner à la tête du même orchestre, au même endroit, avait dirigé Harold en Italie. Cette saison, il est revenu le 16 juillet, au coeur de l'été, pour une date inhabituelle à l'auditorium, avant de filer au festival Radio France de Montpellier, pour diriger le Philhar' dans la Symphonie fantastique. Et avant Berlioz, Beethoven, pour son sublime Concerto pour piano n°4, avec le divin pianiste français, Alexandre Kantorow.

Poster du concert

Le Concerto pour piano n°4 est esquissé par Beethoven en même temps que l'Eroica en 1802-1803, mais il ne sera créé à Vienne qu'en août 1808, en compagnie des cinquième et sixième symphonies lors d'un concert au programme légendaire. L'écriture de se concerto, dans de nombreux passages, fait penser à une improvisation du pianiste, sur laquelle l'orchestre viendrait se greffer pour broder. Et Alexandre Kantorow entre dans la partition dans le premier mouvement avec cet état d'esprit de liberté et d'improvisation. A écouter son jeu, on a le sentiment que tout peut arriver. La réponse du Philhar dirigé par Gardiner est très équilibrée. Les différents plans sonores des pupitres se déploient avec amplitude et grandeur. Dans son discours musical, le soliste semble être décontracté. Son phrasé est divin dans les superbes arpèges, ses aigus sont d'une élégante clarté, et d'un lyrisme sobre. Un grand sentiment de liberté émane de son jeu. L'Andante qui suit change l'ambiance. Les attaques de l'orchestre sont lourdes, le son est dense, notamment aux cordes menées une fois de plus de main de maître par Ji-Yoon Park. Alexandre Kantorow quant à lui joue tout en retenue, se baladant en douceur entre les silences. Le Finale au contraire est bondissant. Gardiner ici adopte un phrasé staccato très plaisant, dans ce rondo à l'allure quelque peu syncopée. Les couleurs de l'orchestre sont riches, notamment grâce aux cuivres d'époque. Le soliste de son côté continue dans la virtuosité et dans l'esprit de liberté. Une très belle interprétation d'une oeuvre dont on ne se lasse pas.

Après l'entracte, place à la Symphonie fantastique de Berlioz. Page de musique assez autobiographique où le compositeur tout à son inspiration narre ses sentiments, ses rêveries et passions, dans un stylé romantique exacerbé. Créée en 1830, le succès de la Symphonie fantastique n'a jamais été démenti, tant d'une part son orchestration est précurseuse, et sa puissance expressive enthousiasmante d'autre part. La première partie, Rêveries - Passions, est une entrée en matière tranquille, un Largo en ut mineur afin de commencer à naviguer dans cet univers touffu. Le vibrato des cordes est admirable et renforce le lyrisme. Et cela contraste avec la deuxième partie de ce mouvement, totalement exaltée. L'intensité trouvée par Gardiner est impressionnante et l'idée fixe exposée aux cordes s'imprime dans l'oreille. A la fin de ce premier mouvement, une pause, afin d'amener quatre harpes sur le devant de la scène, à proximité du chef, pour le bal ! Souhait de Berlioz respecté à la lettre  par le chef pour un effet saisissant. En effet, Berlioz tire des arpègements de la harpe un relief que ne renierait pas un soliste de concerto. Dans cette valse qui fait office de scherzo dans cette symphonie, quelle admirable pulsation à trois temps, quelle élégance et quel enthousiasme. La plus-value des harpes placées devant est remarquable et rend l'expérience de ce concert dores et déjà unique. La scène au champ qui suit, fait office de mouvement lent. Hélène Devilleneuve, hautbois solo du Philhar' s'éclipse discrètement en coulisse avant que la musique ne démarre. Cela rend l'effet de son dialogue avec le cor anglais de Stéphane Suchanek que plus beau. Dans cette campagne dauphinoise chère à Berlioz, deux bergers discutent, et on n'est ici pas loin de la Symphonie Pastorale de Beethoven, que Berlioz avait découverte récemment. La quatrième partie, Marche au supplice, tranche radicalement. Gardiner ici veut un orchestre furieux, méchant, agité (notamment les percussions et les cuivres et les fameux ophicléides). Les bassons amènent une couleur riche mais le plus de cette interprétation, définitivement le cri lancé par tous les musiciens à la fin du mouvement, qui ne dénaturait en rien la musique, bien au contraire ! De quoi provoquer une salve d'applaudissements spontanés dans le public ! Enfin, le final, Songe d’une nuit de sabbat, est un moment qui ne manque pas d'impressionner.  Les cloches en coulisses sont mystérieuses, le thème du Dies Irae apparait de façon parodique aux cuivres, et la démesure s'empare de l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Gardiner, dans une interprétation généreuse n'a pas peur de l'outrance, bien au contraire. Cette musique dense, requiert qu'on s'abstienne de toute retenue. Et dans l'interprétation qu'il en offre, pleine d'idées et d'audace, Sir John Eliot Gardiner démontre une fois de plus qu'il chérit la musique de Berlioz par dessus tout.

Programme capté en direct le lendemain à Montpellier, disponible à la réécoute pendant un mois sur France Musique

Programme du concert du 16/07/2023 à l'auditorium de Radio France
LUDWIG VAN BEETHOVEN
Concerto pour piano et orchestre n° 4 en sol Majeur op. 58 

HECTOR BERLIOZ
Symphonie fantastique

ALEXANDRE KANTOROW piano
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
SIR JOHN ELIOT GARDINER 
direction

 

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