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Publié par andika

Auditeur assidu des concerts de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, votre serviteur s'alarme parfois de voir une ouvre revenir trop rapidement au programme d'un concert. Surtout avec le même chef ! Mais il n'en est rien avec la Symphonie inachevée de Schubert. En 2021, pendant le confinement, le concert était sans public (sauf rares privilégiés). Mais pour ce concert du 12 octobre 2023, Myung-Whun Chung a ajouté au programme, pour commencer, le Concerto pour piano en la mineur de Schumann, avec en soliste, le jeune pianiste sud coréen, Yunchan Lim et enfin, pour terminer, l'ouverture de l'opéra Der Freischütz, de Carl Maria von Weber. Un programme aux trois teintes de romantisme.

Assez rare pour être signalé, le Philhar' jouait le jeudi soir !

initialement, sitôt sa première symphonie achevée en 1841, Robert Schumann s'est attelé à la composition d'une Fantaisie en la mineur pour piano et orchestre, qui deviendra par la suite le premier mouvement de son Concrto pour piano que nous connaissons tous. Achevé en 1845, cette partition sera crée par Clara Schumann au Gewandhaus de Leipzig, lui assurant un succès, non démenti jusqu'à ce jour. Contrairement au style de l'époque, ici, point de virtuosité à outrance, ou de dramatisme beethovenien. Au contraire, un lyrisme continu, qui coule à flots au cours des trois mouvements. Et c'est exactement le parti pris de Myung-Whun Chung à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dont l'interprétation sera sobre tout le long. Dès le premier accord, tonitruant mais étonnamment paisible de l'Allegro affettuoso, on comprend. Le piano de Yunchan Lim entre sur une nuance piano, presque discrètement. Mais la sobriété de son jeu ne fait que renforcer l'attention des spectateurs. Dans ce concerto, il ne faut pas déborder, mais jouer constamment ensemble. Le piano joue en même temps que les sections de l'orchestre et l'écoute mutuelle est essentielle. Et ici, chacun s'écoute, chacun joue la même chose. Personne ne joue trop fort, tout le monde reste sobre. Et on n'en entend que mieux la musique. L'alliage des timbres de l'orchestre avec le soliste est sublime. Le magnifique hautbois d'Hélène Devilleneuve qui expose le premier thème sublime, avec expressivité, trouve dans le piano de Yunchan Lim un complice fidèle. Un ami, un allié qui développe cette mélodie au lyrisme inégalé, en accord. La douceur et la transparence des cordes qui laissent à chaque fois toute la place nécessaire au son du soliste. Et enfin ce soliste, si délicat. Si modeste, avec son jeu si peu affecté, sans emphase dans ce répertoire romantique qui laisse de telles tentations. Toujours un souci de l'efficacité et de la vérité du texte. Peu de pédale, peu d'épanchement, mais une technique infaillible, notamment dans la clarté de la main droite dans les aigus, et la dextérité des nombreux trilles. Et la délicatesse de ce pianiste s'exprime encore davantage dans l'Intermezzo. Dans ce lied en trois parties, une ambiance chambriste s'installe et le dialogue subtile entre l'orchestre et le soliste reste toujours fécond. Le troisième mouvement enfin, noté Allegro vivace commence avec un grand sourire du chef. Le pianiste devient ici agile et virtuose. Le balancement rythmique du mouvement semble beaucoup amuser Myung-Whun Chung, qui s'en donne à coeur joie, et le retranscrit avec une précision diabolique, avec des contretemps hachés. Ici, le soliste s'illustre aussi sur de superbe arpèges, tandis que l'orchestre mord enfin à pleine dents dans des tuttis joyeux. Une merveilleuse interprétation d'un chef d'oeuvre. En bis, le Liebestraum n°3 en la bémol majeur de Franz Liszt. Un choix qui reste dans le thème romantique de la soirée.

En 1822, la Société musicale de Styrie, siégeant à Graz accueille Schubert en tant que membre d'honneur, ce dernier lui promet alors la partition d'une symphonie en guise de remerciement. Une promesse qui ne sera pas tenue mais qu'à cela ne tienne, un membre de cette illustre société, frère d'un ami de Schubert, détiendra par la suite deux mouvements de la 8ème symphonie ! Mais ce n'est qu'en 1865 que ces mouvements seront joués, par la suite, pour notre plus grand plaisir. Dès l'entrée en matière du premier mouvement, un grande tension prend possession de l'auditorium de Radio France. Les cordes graves dans la grande phrase en si mineur sont tendues sur un fil, la petite harmonie (clarinette et hautbois) apporte de la couleur à l'ensemble. Le chef veille à l'équilibre des plans sonores. Le deuxième thème sonne étonnamment champêtre et coloré. Le chef imprime beaucoup de caractère et de densité au son dans des tuttis monumentaux, qui ne manquent pourtant nullement de clarté. Le soin apporté aux nuances amène un zeste de mélancolie. Le deuxième mouvement Andante con moto voit s'alterner deux thèmes. On admire de nouveau les couleurs de la petite harmonie, des cuivres très en forme et enfin, la vigueur des percussions. Une très belle interprétation.

Enfin, pour conclure, une ouverture ! Belle ironie. Dans son Freischütz, opéra se déroulant dans une forêt ou la magie opère, Weber inaugure un style dans son ouverture qui sera repris par Wagner. A savoir, une récapitulation de l'unité thématique de l'oeuvre. La courte et lente introduction amène un motif de cors symbolisant la vie. Et le cors du Philhar' chantent joyeusement par dessus les cordes dans un équilibre paisible. Les attaques frappent l'auditeur, et le chef ne fait jamais retomber la pression. L'intensité de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, au son mordant, fait rugir le public de l'auditorium après un final festif, au tutti joyeux et rond dans le Chant d'Agathe, d'une tonalité de do majeur glorieuse. 

Myung-Whun Chung et l'Orchestre Philharmonique de Radio France donnent l'impression de ne s'être jamais quittés. Son mandat de directeur musical achevé en 2015 n'est ainsi, absolument pas synonyme d'une fin de collaboration tant sa fidélité demeure.

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de Radio France

Programme du concert de l'OPRF du 12 octobre 2023
ROBERT SCHUMANN
Concerto pour piano

FRANZ SCHUBERT
Symphonie no 8 « Inachevée »

CARL MARIA VON WEBER
Der Freischütz, ouverture

YUNCHAN LIM piano
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MYUNG-WHUN CHUNG direction

 

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