La soirée Austro-Hongroise de Vengerov et de l'ONF à la Philharmonie
L'Autriche-Hongrie est cet ancien empire du centre de l'Europe, démantelé après la Première Guerre mondiale en 1918. Mais de toutes les nationalités qui le composaient, sont demeurés des cultures vivaces, et des liens et ponts subsistent. Le Danube ne relie t-il pas Vienne à Budapest ? Et tel le célèbre fleuve, la musique irrigue encore ces deux pays comme le montre le programme du concert du 17 novembre dernier à la Philharmonie. L'Orchestre National de France dirigé par Cristian Macalaru y donnait des compositeurs hongrois et autrichien. Avec tout d'abord les Danses de Galanta du hongrois Zoltán Kodály, puis le Concerto pour violon n°5 du plus illustre autrichien, Wolfgang Amadeus Mozart, interprété par le violoniste Maxim Vengerov. Et enfin, le Concerto pour orchestre du compositeur hongrois, Béla Bartók.
Dans les Danses de Galanta, le thème se déploie tout d'abord aux cordes avant un superbe solo de clarinette interprété par Carlos Ferreira. La musique alterne entre des passages lents et rapides. Mais en dehors de ces alternances de tempos, c'est la caractère aussi qui fluctue. Entre l'élégance de la musique savante et de l'orchestration élaborée, mais aussi, le plaisir brut et fugace du folklore de l'Est que le compositeur avait soigneusement étudié. Et le chef roumain, Cristian Macelaru, semble parfaitement dans son élément pour tirer la substantifique moelle de cette partition du 20ème siècle. Notons ainsi l'intensité du pupitre de cordes, notamment dans la deuxième partie jouée en pizzicati, mais aussi les couleurs acidulées, l'intensité mise dans le rythme, qui font que cela sonne parfois, comme un orchestre tzigane. Une formidable entrée en matière.
Place maintenant à Mozart et son Concerto pour violon n°5 daté du 20 décembre 1775, et de loin le plus connu. Car c'est aussi celui le plus élaboré, dans l'orchestration, et dans le cheminement des thèmes. Logique, sachant que les quatre précédents concertos datent de la fin d'année 1775. Maxim Vengerov retrouve le National en soliste avec joie, dans sa tenue bleue étrange et ses baskets confortables. Il avait un tout autre accoutrement lorsqu'il dirigeait la phalange parisienne en 2018 dans une mémorable Symphonie n°10 de Chostakovitch. Mais l'élégance de Vengerov se traduit bien plus dans son jeu que dans son accoutrement. Ce dernier se montre majestueux, simple et sobre, avec cependant un cantabile admirable et un vibrato à tomber. Avec un sourire serein, Vengerov colore l'ensemble dans le premier mouvement noté Allegro apperto, où les notes fusent dans la cadence. L'Adagio qui suit est d'une grande douceur. Le chef imprime une atmosphère assez sombre, le soliste, en surplomb, chante avec beaucoup de délicatesse à l'aide de son Stradivarius. L'ineffable douceur de la mélodie en mi majeur qui jalonne ce mouvement est un grand moment de délicatesse. Enfin, le dernier mouvement, noté Rondeau, sur le tempo du menuet, remue la Philharmonie de Paris. La mesure à trois temps caractéristique se fait bien entendre et Cristian Macelaru imprime par son geste, un climat vif et enjoué. Mais la partie allegro la mineur amène un changement d'ambiance drastique. Le climat s'assombrit, les idées deviennent tragiques, et on entend une rage au pupitre de cordes. Les basses frappent les cordes avec le dos de l'archet, mais surtout, ce sont les rythmes qui interpellent. Nous sommes de nouveau en Hongrie avec des rythmes scandés, et cela s'entend. Lorsque le thème initial revient, le dialogue entre le soliste et l'orchestre est de toute beauté, et le chef d'œuvre s'achève dans l'allégresse. Le moment était tellement agréable que le plaisir a été (longuement) prolongé le temps d'un bis qui aurait mérité toute sa place au programme du concert ! En effet, l'Havanaise de Saint-Saëns est une pièce d'une certaine longueur ! Ici, au revoir les rythmes hongrois et place à une Habanera, dans laquelle excellent encore Vengerov et l'Orchestre National de France.
Enfin, après l'entracte, le Concerto pour orchestre de Bartok. Une des oeuvres les plus célèbres du compositeur hongrois. Dans les dernières années de sa vie, exilé aux Etats-Unis pour fuir le nazisme en 1940, Bartok reçoit la commande d'un autre exilé. Le chef d'origine russe Serge Koussevitzky. Il en résultera cette oeuvre qui selon le compositeur, devait faire entendre "le passage progressif de l'austérité du premier mouvement et du chant funèbre du troisième mouvement à l'affirmation de la vie du dernier mouvement."Le concerto pour orchestre reprend la forme du concerto grosso où des groupes d'instruments dialoguent les uns avec les autres. Le premier mouvement, Introduzione (Andante - Allegro) commence de façon mystérieuse. Le pupitre de cordes est intense. L'engagement est maximum et l'équilibre entre les plans sonores impressionne, notamment dans le passage fugué d'une grande clarté. Le deuxième mouvement jeu de couples (allegretto scherzando) est plein d'ironie. Les bassons grincent, l'ambiance est chambriste, la petite harmonie est phénoménale. Puis suit le III, Elegia (Andante non troppo). Une ambiance de chant funèbre s'instaure. Dans un rythme ternaire, le motif s'échange entre les bois et les cordes, dans une petite musique de nuit, créée avec une économie de moyens. La quatrième mouvement, Intermezzo interotto revient à une ambiance dansante avec le hautbois. Cette musique est un peu triviale avant d'entrer totalement dans la parodie avec le pastiche du thème du premier mouvement de la Symphonie n°7 de Chostakovitch à la clarinette, œuvre contemporaine à ce Concerto pour orchestre. Enfin, le dernier mouvement, Finale, retrouve une ambiance totalement enjouée, enlevée et intense. L'orchestration est ici luxuriante, et le chef la met bien en valeur, notamment au pupitre des cordes, mais surtout dans les tuttis maîtrisés, malgré un tempo parfois vertigineux. On apprécie encore plus ici les fugatos qu'au premier mouvement, et ils offrent un plaisir dont on ne se prive pas. Une interprétation sobre et précise d'une œuvre pas banale du tout.
Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur France Musique
ZOLTÁN KODÁLY Danses de Galánta WOLFGANG AMADEUS MOZART Concerto pour violon et orchestre n° 5 en la majeur, K 219 BÉLA BARTÓK Concerto pour orchestre MAXIM VENGEROV violon ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE CRISTIAN MĂCELARU direction |
Très plaisantes Danses de Galanta ! Kodaly alterne les passages vifs et ceux plus tranquilles. Entre élégance de la musique savante et folklore des campagnes de l’Est. @CristiMacelaru caractérise bien les différentes atmosphères à la tête d’un @nationaldefce survitaminé ! pic.twitter.com/vNjpKiJVqs
— Andika (@Nyantho) November 17, 2022
Beaucoup plus pour @CristiMacelaru et le @nationaldefce dans les Danses de Galànta de #Kodály et le Concerto pour Orchestre de #Bartók que pour #Vengerov bien compliqué dans #Mozart et Saint-Saëns (Havanaise), beau concert à la @philharmonie ce soir!
— Vincent Guillemin (@vtguillemin) November 17, 2022
Article pour @AltamusicaMag pic.twitter.com/70o857411n
#Kodaly Danses de Galanta
— Florian Dintilhac (@flodintilhac) November 17, 2022
#Bartok Concerto pour orchestre @nationaldefce @CristiMacelaru excellent dans l'alacrité.@MVengerovReal impérial dans #Mozart Concerto 5. @philharmonie pic.twitter.com/4MzLMDMzcB
Aucune fausse note de Vengerov si ce n’est son look ! Serein en surplomb de l’orchestre dans le concerto pour violon n°5 de Mozart. Et tellement généreux dans le bis qui est une vraie œuvre en plus au programme ! Une Havanaise de Saint-Saëns bien dansante avec le @nationaldefce pic.twitter.com/HEuUZq4gf4
— Andika (@Nyantho) November 17, 2022
Très belle soirée du @nationaldefce hors les murs avec @CristiMacelaru et @MVengerovReal !
— Guillaume Giraudon (@Guiguiii94) November 17, 2022
Des Danses de Galanta éclatantes & endiablées comme jamais, 5e de Mozart très classique, l’orchestre tout entier survolté dans le cto de Bartok ; trop de retenue dans la Havanaise (bis). pic.twitter.com/PMFISp5ojR
Un Concerto pour orchestre de Bartok vivifiant qui part de l’ombre vers la lumière avec moult trivialités et merveilles ! Une direction irréprochable du @nationaldefce de @CristiMacelaru pour cette œuvre merveilleuse ce soir à la @philharmonie ! pic.twitter.com/U78vThqFtz
— Andika (@Nyantho) November 17, 2022