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Publié par andika

Hector Berlioz a composé quatre symphonies. Mais quatre symphonies singulières qui ne sauraient se résumer à un simple numéro. Sa première est la Fantastique. Sa deuxième est Harold en Italie. Et sa troisième est Roméo et Juliette, d'après la pièce de théâtre de William Shakespeare. Et cette troisième symphonie était au programme du concert du 30 septembre 2022 de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Daniel Harding, à l'auditorium de la Maison de la radio et de musique. Pour cette symphonie, comme Beethoven dans sa Neuvième, Berlioz fait appel à un choeur, rôle tenu ici bien entendu par le Choeur de Radio France préparé par Lionel Sow, son nouveau directeur musical. Mais aussi, trois solistes, la mezzo Virginie Verrez, le ténor Andrew Staples et la basse Edwin Crosseley-Mercer. 

Poster du concert

Hector Berlioz compose Roméo & Juliette en 1839, après l'échec de son opéra Benvenuto Cellini à Paris. Une lettre de soutien et un chèque de Nicolo Paganini l'ont aidé à se changer les idées, payer ses dettes et ainsi, créer une nouvelle oeuvre. 

La structure de ce Roméo & Juliette est inhabituelle. La chronologie de la pièce n'est pas toujours respectée. Les chanteurs ne chantent pas le texte de Shakespeare, mais un texte écrit par le compositeur lui-même et mis en vers par Emile Deschamps. Il ne s'agit pas d'un opéra de concert mais bien d'une symphonie. L'histoire en réalité, est racontée par l'orchestre, lorsqu'il intervient seul au cours des sept mouvements et trois parties que comporte l'oeuvre. Ce dernier exprime les sentiments des personnages avec davantage de ferveur que ne pourraient le faire des mots. 

Orchestre Philharmonique de Radio France lors de la générale (© Christophe Abramowitz/ Radio France)

Orchestre Philharmonique de Radio France lors de la générale (© Christophe Abramowitz/ Radio France)

Et Daniel Harding en bon britannique, connait bien son Berlioz d'une part, mais aussi son William Shakespeare ! Il prend l'introduction sur les chapeaux de roues. Instantanément, une grande tension s'installe aux cordes de l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Mais la précision de l'interprétation n'est jamais prise en défaut par l'intensité. L'ensemble est très équilibré et les cuivres s'expriment pleinement sans pour autant déborder. On sent bien que le combat présenté dans le titre de ce mouvement s'exprime dans ces fugatos harassants. Le Choeur de Radio France entre dans le prologue de façon sobre et précise. Virginie Verrez dans son solo présente un timbre chaud avec une diction excellente, un français chanté de toute beauté dont les r résonnent avec plaisir. Enfin, dans le Scherzetto, le ténor solo Andrew Staples fait montre d'une belle intensité, dans son dialogue avec le Choeur. Le deuxième mouvement est dévolu à l'orchestre seul. Roméo seul, tristesse... Ici, Daniel Harding déploie de très belles nuances pianos. La petite harmonie est très évocatrice de la tristesse avec le célèbre solo de hautbois interprété à la perfection par Hélène Devilleneuve. La résonance, la vibration du son, l'émotion, tout y est. La grande fête chez les Capulet (notée Allegro) qui clôture ce mouvement expose des tuttis de toute beauté où Daniel Harding tire toute la substance de l'orchestre, qui est ici opulent dans ces pages brillantes et exaltées. La troisième mouvement, Scène d'amour se distingue avec son choeur en coulisse qui crée un effet intéressant. La scène d'amour est assurée par l'orchestre seul après que le choeur se retire. La douceur de cette musique et son côté élégiaque sont caractérisés par les nombreux silences qui la parsèment, ainsi que les jubilations syncopées. Dans cet Adagio, le vibrato des cordes (violoncelles) fait fondre et on sent tous les transports de l'amour naissant, caractérisé par cette tenue sur l'accord de mi majeur. Le quatrième mouvement, noté Scherzo dépeint la Reine de Mab. L'Orchestre est virevoltant et Daniel Harding en tire le maximum dans ce rythme pétillant de saltarelle. 

Daniel Harding lors de la générale (© Christophe Abramowitz/ Radio France)

Daniel Harding lors de la générale (© Christophe Abramowitz/ Radio France)

Le cinquième mouvement, Convoi funèbre de Juliette, est d'une grande solennité. Une véritable marche funèbre, avec un thème très chromatique à l'orchestre, à laquelle se joint le choeur qui répète inlassablement "Jetez les fleurs pour la vierge expirée" dans une nuance piano remarquable. Le sixième mouvement, Roméo au tombeau des Capulets est dantesque, inventif et expressif. Le passage le plus brillant orchestralement de l'oeuvre. Daniel Harding y met toute l'intensité et on ressent l'exaltation et la fièvre créatrice de Berlioz. Le solo de hautbois qui figure les derniers soupir de Juliette est à cet égard déchirant. Le final, un peu grandiloquent, n'évite pas les longueurs et les redondances. Mais c'est l'occasion d'entendre de nouveau un choeur impressionnant, des tuttis de toute beauté mais surtout, d'entendre la basse solo Edwin Crosseley-Mercer. Une projection assurée dans son rôle de Père Laurence pacificateur. Beaucoup de conviction et d'assurance dans la ligne mélodique et surtout, une intensité dans le texte qui vient résoudre la situation. 

Une interprétation maîtrisée de bout en bout d'une oeuvre délicate à appréhender tant sa structure est inhabituelle et osons le dire, étrange. Cependant, il y a trop de bons moments dans ce Roméo & Juliette pour s'en priver au concert. Daniel Harding, avec rigueur, nous en a donné une lecture élégante, raffinée et ordonnée.

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur France Musique

Programme du concert du 30 septembre 2022 à Radio France
HECTOR BERLIOZ
Roméo et Juliette

VIRGINIE VERREZ mezzo-soprano
ANDREW STAPLES ténor
EDWIN CROSSLEY-MERCER basse
CHŒUR DE RADIO FRANCE
LIONEL SOW chef de chœur
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
DANIEL HARDING direction

 

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