Summertime: L'été moderne du Philhar' avec Golda Schultz et Tarmo Peltokoski
Les beaux jours sont de retour. Même si nous ne sommes qu'au printemps, nous pensons déjà à l'été. Le soleil, la chaleur, la plage, l'oisiveté. Mais aussi, la musique ! Tel était le thème du concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France du vendredi 29 avril dernier à l'auditorium de la maison de la radio. Le thème du Summertime était alors l'occasion d'un traitement un peu particulier et étonnant, puisque le lieu d'un dialogue entre la musique de l'URSS et celle des Etats-Unis au XXème siècle. Et au vu de l'actualité, la chaleur en effet, est de mise. Mais plus que le dialogue entre compositeurs russes et américains, ce qui frappe dans ce programme, c'est son ton résolument moderne. Rien de moins que six oeuvres différentes, toutes composées au XXème siècle. Une soprano sud africaine, Golda Schultz, spécialiste du répertoire américain du XXème siècle. Et enfin, un très jeune chef âgé de 21 ans, Tarmo Peltokoski, remplaçant à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, au pied levé (sans changer le programme), son compatriote finlandais Santtu-Matias Rouvali, souffrant.
Pour ouvrir un concert, quoi de mieux qu'une ouverture ? Il est vrai que la tradition du concert énonce la fameuse sainte trinité, ouverture, concerto, symphonie. Cependant, l'Ouverture festive de Chostakovitch au programme, ne fait pas penser au programme plan plan du concert de musique classique. Composée en vitesse en 1954 pour célébrer les 37 ans de la Révolution d'Octobre 1917, bien que moins célèbre que la Symphonie n°10 qui la précède d'un an, cette partition a tout de même été utilisée lors des jeux olympiques de Moscou. D'emblée, le jeune chef finlandais, Tarmo Peltokoski prend possession de l'estrade avec beaucoup d'assurance et de personnalité. Rien ne trahit son âge dans ses gestes. Et à distance, on ne perçoit pas ses traits juvéniles. Au contraire, on observe un indéniable charisme. A travers ses gestes amples, précis et clairs, il imprime toute sa vitalité et ses idées à l'orchestre qui répond avec une réactivité saisissante. La construction de cette courte pièce est sans faille. Le tempo allant permet de ne pas s'appesantir, les nuances, précises, sont toujours justes. Et enfin, le chef possède une certaines sciences pour mettre en avant certains pupitres quand la musique le requiert, (notamment les contrebasses lors d'un passages particulier). Une entrée en matière galvanisante pour ce concert faisant dialoguer musique russe et musique américaine.
Le temps de changer un peu le plateau, nous voyons enfin apparaitre sur scène la soprano Golda Schultz afin d'interpréter trois oeuvres. Tout d'abord Knoxville: Summer of 1915 composé par Samuel Barber en 1947, sur le texte de l'écrivain James Agee. Sur des paroles descriptives de la routine de l'été, le timbre doux de Golda Schultz s'impose paisiblement. Tout en chantant, elle raconte l'histoire de façon simple. Sa voix se projette sans forcer, en douceur, et la prosodie est admirable. Le chef, accompagne sa chanteuse avec tact et justesse, sans jamais perdre le fil. Saluons enfin le pupitre de petite harmonie sur cette pièce.
Retour à un compositeur russe avec l'air d'Anne Trulove "No word from Tom" issu de l'opéra The Rake's Progress d'Igor Stravinsky. Le registre ici, change du tout au tout. La musique est triste et davantage théâtrale, dans un style néoclassique dont Stravinsky avait le secret. La chanteuse ne joue plus du tout le même rôle et on sent de l'agitation dans son intensité (rôle que la soprano prendra au Metropolitan de New-York ce mois de mai). Ses aigus son plus percutants. En effet, l'absence de Tom inquiète. Du côté de l'orchestre l'ensemble est toujours excellent, soulignons ici le superbe basson solo qui enchante tout cet air.
Enfin, le fameux Summertime issu de l'opéra Pargy and Bess de George Gershwin. Composé dans le style des chants traditionnels du sud des Etats-Unis (folk song), Summertime est par la suite devenu un standard du jazz repris par les plus grands. Cette fois-ci, Golda Schultz n'a pas de livret devant elle. Sa projection est encore plus impressionnante et c'est l'occasion de l'entendre dans le registre de la puissance. Le chef obtient une teinte onctueuse à l'orchestre tandis que la chanteuse s'adresse directement au public dans son interprétation lorsqu'elle chante les dernières paroles "Rien ne peut te nuire quand papa et maman sont à tes côtés."
Trois belles oeuvres, modernes, interprétées par une sublime soprano venue d'Afrique du Sud et dirigés par un chef de 21 ans. Une soirée typique de l'Orchestre Philharmonique de Radio France et bien loin des clichés qu'on peut rencontrer au sujet de la musique classique. Et pourtant, ce n'était pas encore terminé.
Autre spécificité du Philhar', allier la musique symphonique à la musique de chambre dans le même concert. Et c'est exactement ce qui se passe après l'entracte avec Summer Music de Samuel Barber, quintette pour flûte, hautbois, clarinette, basson et cor. Les cinq musiciens du Philhar' démontrent une belle entente mutuelle et une excellente écoute dans ce morceau vif, à la verve mélodique très plaisante.
Pour conclure la soirée, rien de moins que la sublime Symphonie n°1 de Dmitri Chostakovitch, composée en 1925 lorsque le compositeur n'avait que 19 ans, et qu'il était encore étudiant au conservatoire. Nicolai Malka, le chef qui assura la création en 1926, pris immédiatement conscience "d'avoir ouvert un nouveau chapitre de l'histoire de la musique et d'avoir découvert un nouveau grand compositeur." La carrière ultérieure de Chostakovitch n'a fait que confirmer cette impression. Ainsi, le chef finlandais Tarmo Peltokoski, bien qu'âgé seulement de 21 ans, est déjà plus vieux que l'auteur de la partition au moment de sa conception ! Le premier mouvement noté Allegro est placé sous le signe de l'humour, avec une mélodie énoncée aux bois. Dès le début, on sent un orchestre dynamique et très réactif aux gestes du chef. La palette de nuances est riche, et les solos s'enchaînent avec joie et plaisir (clarinette, basson, flûte). Le deuxième thème pris sur un rythme de valse est joué avec légèreté, la mesure est bondissante avant que le fracas des tuttis brillants n'inonde le grand auditorium de Radio France, mais sans jamais saturer. Le deuxième mouvement, un scherzo noté Allegro est pris sur un tempo très allant. L'orchestre est une fois de plus bondissant, et le piano s'intègre à l'ensemble avec justesse. Le tempo ralentit lors du trio avant que la cavalcade ne reprenne, avec des tuttis qui explosent littéralement. Le ton humoristique est toujours présent, notamment dans ce fameux passage où le piano répond avec un accord timide à un climax de l'orchestre. Le Lento est d'une profondeur étonnante en comparaison aux deux premiers mouvements. Le chef troque le ton humoristique avec le ton de la gravité. Le vibrato des cordes, les cuivres vrombissants, l'émotion est intense. Tout comme dans le Finale qui revient à un ton sarcastique mais où la violence parfois s'invite. Le chef conserve une direction précise, donnant chaque départ dans cette orchestration foisonnante. La qualité des tuttis est une fois de plus à souligner. Le volume sonore augmente et le plaisir de l'écoute ne fait que se confirmer. Grâce aux rappels thématiques du Lento, mais aussi en raison de la direction impeccable du chef. Et arrivé à la fin, on a simplement le sentiment que c'était trop court. La Symphonie n°1 de Chostakovitch est une oeuvre magistrale. Pour une première tentative, elle ouvre en effet une nouvelle époque. Et près d'un siècle après sa création, l'impression qu'elle laisse à l'auditeur est toujours aussi intense. Servie à merveille par un Orchestre Philharmonique de Radio France des grands soirs, dirigé par un jeune chef qu'il faudra suivre, Tarmo Peltokoski.
Concert disponible à l'écoute sur France Musique et en vidéo sur Arte Concert.
DIMITRI CHOSTAKOVITCH Ouverture festive SAMUEL BARBER Knoxville : Summer of 1915 IGOR STRAVINSKY The Rake’s Progress : air d'Ann Trulove GEORGE GERSHWIN Porgy and Bess : Summertime SAMUEL BARBER Summer Music pour quintette à vent, op 31 DIMITRI CHOSTAKOVITCH Symphonie n° 1 en fa majeur, op 10 GOLDA SCHULTZ soprano ANNE-SOPHIE NEVES flûte STÉPHANE SUCHANEK hautbois LILIAN HARISMENDY clarinette HUGUES VIALLON cor WLADIMIR WEIMER basson ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE TARMO PELTOKOSKI direction |
Difficile de résister quand Golda Schultz chante SUMMERTIME avec le @PhilharRF dirigé par Tarmo Peltokoski.
— Camera lucida (@_Cameralucida) April 29, 2022
Un concert à revoir sur @ARTEconcertFR / @francemusique 👉🏻 https://t.co/bRo2ohRdFz pic.twitter.com/6IiybwlC8q
À la maison de @radiofrance pour un concert d'œuvres qui, quoique du XXe siècle, peuvent toutes être considérées comme des classiques. pic.twitter.com/50YJ89SJlW
— Benjamin Randow 🇺🇦 (@benjaminrandow) April 29, 2022
Summertime avec la fabuleuse Golda Schultz qui nous susurre à l’oreille. Tendre dans l’été de Knoxville de Barber, inquiète dans l’air d’Anne Trulove de Stravinsky et enfin onctueuse chez Gershwin.
— Andika (@Nyantho) April 29, 2022
Tarmo Peltokoski montre beaucoup de caractère au pupitre du @PhilharRF ! pic.twitter.com/5OfZE4E6NJ
Join tonight at 8pm on @francemusique or @ARTEconcertFR for French debut of young conductor Tarmo Peltokoski with @PhilharRF, live from @Maisondelaradio. With Golda Schultz singing Barber and Gershwin. And Shostakovich 1st symphony. Exciting 🤗 pic.twitter.com/WfNVDCLJLK
— Jean-Marc Bador (@jmbador) April 29, 2022
Une Symphonie n°1 de Chostakovitch de très haute tenue interprétée par le @PhilharRF dirigé par le jeune mais non moins excellent Tarmo Peltokoski. Un style déjà inimitable, de grands gestes pour une grande précision. Des tuttis fracassants cohabitent avec les plus belles nuances pic.twitter.com/6tQ2OSPcjv
— Andika (@Nyantho) April 29, 2022
Endiablé et virevoltant… Tarmo Peltokoski, 21 ans ♥️ @Maisondelaradio @PhilharRF pic.twitter.com/oL055yKRPh
— Julie Plus (@plusjul) April 29, 2022
Tonight Santtu-Matias Rouvali cancelled due to illness, so a chance to hear an even younger Finn Tarmo Peltokoski in a fabulous programme @PhilharRF @SchultzGolda pic.twitter.com/Tcoa99jgQh
— Simon Morgan (@SP_Morgan) April 29, 2022
À la Maison de la Radio, le chef finlandais Tarmo Peltrokoski, âgé seulement de 21 ans (les gens sont de plus en plus jeunes) salue le public conquis par le concert original (Chostakovitch, Barber, Gershwin) qu'il a donné à la direction du @PhilharRF de Radio France. pic.twitter.com/mAK8Wn5yNp
— Benjamin Randow 🇺🇦 (@benjaminrandow) April 29, 2022