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Publié par andika

La découverte du pianiste franco-hongrois Georges Cziffra est toujours un moment particulier dans le parcours d'un mélomane. Cet artiste ne ressemblait à aucun autre, il ne jouait comme aucun autre et ne sonnait comme aucun autre. Et lorsqu'on y avait goûté, on ne pouvait plus s'en passer. Davantage que le son produit, l'effet visuel était saisissant. Comme par exemple dans les Douze études d'exécution transcendante de Franz Liszt qui traditionnellement mettent les interprètes au supplice. Au contraire, Cziffra jouait cela avec l'expression de la sérénité et de la facilité grâce à sa virtuosité insolente. A vrai dire, ce pianiste ne laissait personne indifférent dans ses interprétations. De Liszt bien entendu mais également Chopin. Naturalisé français après son départ de Hongrie, cet artiste a marqué ses deux patries. Il était donc logique que la France et la Hongrie célèbrent en commun le centenaire de sa naissance en ce mois de novembre 2021, avec une partition commandée au compositeur hongrois Péter Eötvös. Il s'agit d'un Concerto pour piano et cymbalum intitulé Cziffra Psodia. Créé lee 5 novembre jour de la naissance du musicien, en Hongrie, et le dimanche 7 novembre à l'auditorium de la Maison de la radio et de la musique à Paris. L'Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Mikko Franck complétant le programme avec bien entendu Liszt et la Fantaisie hongroise, interprétée par le pianiste hongrois János Balázs. Et enfin, l'indémodable Symphonie en ré de César Franck, récemment gravée au disque par le Philhar'

Fantaisie sur des mélodies populaires hongroises est le titre d'origine de la première oeuvre au programme, Fantasie Hongroise de Franz Liszt. Elle est adaptée de la Quatorzième Rhapsodie hongroise du compositeur et prend les textures d'une libre improvisation. La forme concertante ici n'est pas à proprement parler respectée. Le soliste et l'orchestre alternant davantage les prises de paroles qu'ils ne collaborent. On distingue trois thèmes principaux au cours desquels János Balázs déploie tout son talent au piano. Léger, aérien, son son est diaphane. Le Philhar' dirigé par Mikko Franck est pour sa part bien en place, et puissant dans ses attaques. Et on apprécie particulièrement le solo de violon de Ji-Yoon Park qui dialogue amicalement avec le piano qui brille dans les aigus. La conclusion prestissimo, débordante de vitalité, est jubilatoire, le piano singeant parfois les déplacements d'accents caractéristiques du cymbalum !

Cziffra Psodia, concerto pour piano et cymbalum obligato, est une partition construite sur une mélodie formée par les lettres du nom de Cziffra. Le compositeur précisant d'ailleurs: "La version française du prénom de Cziffra était plus appropriée pour cela : G-e-(o)-r-g-e-s (sol, mi, ré, sol, mi, mi bémol) et C-z-(i)-f-f-r-a (do, do dièse, fa, fa, ré, la)."Quatre mouvements, trois cadences où les moments de tempêtes succèdent aux accalmies. La vie de Cziffra ayant été marquée par des tragédies (mort de son fils, mobilisation dans l'armée l'empêchant de jouer, travaux forcé après une fuite avortée vers l'ouest) et des périodes plus sereines, ce que suggère la musique. La présence du cymbalum étant enfin,  un hommage au père de Cziffra mais également à la Hongrie, tant cet instrument est caractéristique de la musique de ce pays. Et pour une création, on entend un Philhar' assez rôdé, avec des tuttis brillants où le son tombe dru, avec des percussions dynamiques. La mélodie mentionnée précédemment est récurrente et obsédante. Mais les accalmies ne manquent pas, notamment lors de la première cadence contemplative où János Balázs déploie sa poésie au piano. Chacun des quatre mouvements est ponctué par un solo de violon où Ji-Yoon Park se démarque tout en pudeur. Le dernier mouvement déployant les cuivres avant que la musique ne se meure lentement. Une oeuvre poignante, brillante et parfois triste, à l'image de Cziffra. Mais János Balázs n'en avait pas terminé avec nous. Revenu pour deux bis sublimes, bien entendu du Liszt, avec tout d'abord une Rhapsodie et pour conclure, bien évidemment, un sublime Rêve d'amour.

Après l'entracte, César Franck et sa Symphonie en ré, pour la partie française du programme. Symphonie en trois mouvements, mal aimée par la critique lors de sa création, elle s'est par la suite imposée au répertoire. Le Philhar' la gravant même au disque en 2020, le National quant à lui la jouait encore cette année à la Philharmonie. Symphonie de forme cyclique, réutilisant ses thèmes à foison mais sans en faire de simples citations, elle n'en finit pas d'exposer ses charmes à chaque écoute tant on y redécouvre constamment de nouvelles choses. La premier mouvement noté Lento - Allegro non troppo s'ouvre par une introduction lente, bâtie sur un thème à 4/4, sombrement interrogateur avec les cordes graves. Le son rond habituel de Mikko Franck est bien présent. La clarté des plans sonore irradie avant la reprise du premier à la tierce mineure supérieure (fa mineur) qui fait entrer le climat dans le drame avant que le thème de l'Allegro n'explose aux cuivres dans un effet saisissant. La combinaison du Lento et de l'Allegro dans le développement étant rendue très intelligible par la direction nette de Mikko Franck. L'Allegretto est le moment lyrique de cette partition avec le fameux solo de cor anglais. On apprécie la mise en valeur du contrechant des altos avant que le deuxième thème dans la partie scherzo n'amène une tension de tous les instants grâce aux rythmes pointés. Un instant très sensuel où le chef lâche pour quelque temps sa baguette. Le Finale enfin, est joyeux et dynamique. L'enthousiasme des cuivres déborde un peu l'auditorium mais cela ne gâche rien au plaisir ressenti, bien au contraire. La façon de mordre dans le premier thème du mouvement est exaltante avant que les divers rappels des mouvements précédents ne viennent égayer nos oreilles (le thème du cor anglais du deuxième mouvement repris par un glorieux tutti notamment). Dans sa lecture, Mikko Franck rend tout le matériaux thématique intelligible sans pour autant perdre l'architecture globale du mouvement, notamment les nouvelles idées thématiques qui le jalonnent. Une interprétation enthousiasmante de ce joyaux du répertoire français !

Concert diffusé le jeudi 30 décembre 2021 à 20h sur France Musique

Programme du concert du 7 novembre 2021 à Radio France
FRANZ LISZT
Fantaisie hongroise
 
PETER EÖTVÖS

Cziffra Psodia, concerto pour piano et cymbalum obligato (commande de Radio France/Müpa Budapest - création française)

CÉSAR FRANCK
Symphonie en ré mineur

JÁNOS BALÁZS piano
MIKLÓS LUKÁCS cymbalum
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
MIKKO FRANCK
 direction

 

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