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Publié par andika

En ce printemps musical 2021 en public, le récital du pianiste britannique du mardi 1er juin à la Maison de la radio et de la musique était un événement à ne pas manquer. Tant ce pianiste nous a déjà démontré son talent en début de saison à l'auditorium dans un mémorable Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov avec l'Orchestre national de France.  Le retrouver alors dans un programme résolument romantique mêlant Schumann et Chopin avait de quoi attiser une certaine attente avec tout d'abord Blumenstück et les Kreisleriana du compositeur allemand, et la Sonate pour piano n°3 de son homologue polonais.

Blumenstück littéralement la Pièce en fleurs en français, est avec l'Arabesque op 18 et les Trois romances op 28, une des pièces mineures de la féconde année 1839 pour Schumann. Dans cette œuvre divisée en neuf sections, on distingue un petit refrain qui revient constamment. Pièce abordable techniquement, elle permet au pianiste amateur de se familiariser avec les partitions de Schumann. Ainsi, Benjamin Grosvenor l'utilise de fort belle manière comme une subtile introduction à son programme, et à cet univers du romantisme avec une belle stabilité rythmique et un usage parcimonieux de la pédale. Notons également la belle mise en valeur du motif de quatre doubles croches descendantes retrouvé tout au long des parties.

Les Kreisleriana ont des dimensions tout à fait différentes. Composées en 1838, dans une période contemporaine aux Kinderszenen, elles sont dédiés à Fréderic Chopin. Ce dernier pourtant, ne les appréciait pas plus que cela. Mais en réalité, la vraie destinatrice de cette partition n'était autre que Clara Schumann. Kreisler est un personnage d'E.T.A Hoffmann introduit dans Kater Murr, il s'agit d'un Kappelmeister fou, qui inspirera tant de compositeurs. Pièce en huit morceaux distincts, elle alterne entre les numéros impairs vigoureux et les numéros pairs un peu plus calmes et tourmentés. Des moments violents suivis d'éclaircies dans un démonisme angoissant. Tout l'intérêt de l'interprétation réside dans le rendu de cette ambivalence. Et dans ces pièces, Benjamin Grosvenor ne perd jamais en précision et en contrôle. La clarté de son discours musical est constant. Il ne perd jamais son calme dans des attaques inconsidérées, bien au contraire, il est constamment dans la maitrise du clavier, même lorsqu'il doit aborder des staccatos particulièrement appétissants (troisième partie, très agité), ou des fortissimos grondants. La première partie Extrêmement agitée (ré mineur) nous entraine dans un tourbillon ascendant, le pianiste joue par à coups dans un tempo modéré, avec des ornementations riches. On apprécie également le superbe toucher du pianiste dans la cinquième partie, Très animé, avec des attaques précises. Le huitième morceau en sol mineur est une chevauchée nocturne, jouée avec brio et virtuosité par Benjamin Grosvenor. Beaucoup d'intensité, de précision et de la clarté, notamment dans les aigus. Interprétation envoutante de cette œuvre si délicieusement obsédante.

Il en va de même pour la Sonate n°3 de Chopin, composée en 1844 lorsque ce dernier apprend la mort de son père et que sa relation avec George Sand bat de l'aile. Et pourtant, même si cette musique est sombre, elle recèle aussi beaucoup de force et de lumière. Chopin, étonnamment n'a laissé que trois sonates pour piano alors qu'il n'a composé presque uniquement pour cet instrument. Le premier mouvement noté Allegro maestoso est clair, bien phrasé et équilibré, on apprécie les contrechants du pianiste et la précision des arpèges. Notons également le ton léger, agile, et clair dans le Scherzo notamment dans les fortes octaves qui y sont présentes. Le Largo ensuite est sombre et contemplatif avec des attaques sèches et un rythme calme au milieu de modulations rêveuses qui ont plongé l'auditorium de la maison de la radio dans la béatitude. Le Finale enfin, avec sa mesure en 6/8 est diabolique. Tempo modéré du pianiste, précision dans l'attaque des accords de ce Presto avec une montée de l'intensité graduée. Des feux d'artifices d'arpèges qui sont des plaisirs exquis pour les oreilles dans ce mouvement avenant, virtuose et joué pourtant de façon tellement aérienne par Benjamin Grosvenor. On est bien loin ici du Chopin malade et souffreteux, mais plutôt en présence d'une joie qui est "le sentiment d'une force vitale menacée" selon André Gide. Et c'est bien la joie qui domine après un tel récital tout en maîtrise du jeune pianiste britannique, Benjamin Grosvenor.

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de France Musique

Programme du récital de piano du mardi 1er juin à la maison de la radio
ROBERT SCHUMANN
Blumenstück opus 19
Kreisleriana opus 16

FRÉDÉRIC CHOPIN
Sonate pour piano n° 3 opus 58 en si mineur

BENJAMIN GROSVENOR piano

 

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