Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pages

Publié par andika

Gaîté parisienne. Ces deux mots sont de saison au vu des libertés retrouvées pendant cette période. Le retour des terrasses, des spectacles et des concerts ! Et ce thème de soirée pour l'Orchestre Philharmonique de Radio France est on ne peut plus approprié en ce moment où nous avons besoin de nouveau de faire la fête ! Ainsi, pour ce concert du vendredi 28 mai 2021 à la Philharmonie de Paris, le programme concocté par Barbara Hannigan s'annonçait festif, et bien entendu chantant ! La cheffe d'orchestre étant également soprano, ou la soprano étant également cheffe d'orchestre. En premier lieu, le ballet intégral Pulcinella de Stravinsky. Bien que de style néoclassique, inspiré de compositeurs italiens (notamment Pergolèse), cette œuvre était bien destiné aux ballet russes à l'Opéra de Paris en 1920. Ensuite, des extraits de Gaîté parisienne de Manuel Rosenthal d'après Jacques Offenbach et enfin,  Youkali de Kurt Weil. 

Poster du concert (© Radio France)

Le ballet intégral Pulcinella de Stravinsky est écrit pour un effectif orchestral classique, cependant dépourvu de clarinette et de percussion, mais incluant deux cors et une trompette. Stravinsky ici, opère une simplification de sa musique (notamment du rythme), un retour à la tonalité, et transcrit des œuvres anciennes de différents compositeurs (Gallo, Chelleri et Parisotti). Stravinsky enfin, adopte ici le principe du Concerto grosso avec l'opposition du concertino et du tutti. Musique pittoresque, fertile, plaisante, notamment dans les parties chantées par les différents solistes, à savoir la mezzo-soprano Julia Dawson, le ténor Ziad Nehme et enfin, le baryton-basse Douglas Williams. Et les premières impressions ne trompent pas lorsque Barbara Hannigan arrive tout sourire sur son pupitre, suivie de ses chanteurs. Qu'elle est loin de nous l'image du vénérable chef en complet-veston, de couleur noire de préférence. Ici, notre cheffe de la soirée porte un haut blanc et un pantalon coloré et a ses cheveux détachés. Et encore mieux, en plus de diriger sans baguette, elle chante avec son orchestre. Mais pas dans ce Pulcinella où elle laisse la primeur à ses solistes. Sa direction est alerte, dynamique, énergique et le Philhar la suit avec enthousiasme. Un pupitre de violons au point et bien en place, avec beaucoup de chant et de densité. Des solistes d'une fiabilité à toute épreuve (saluons ici Hélène Collerette au violon et Yann Dubost à la contrebasse). On apprécie également les couleurs de la petite harmonie (qui joue sans être dirigée pendant de longues mesures à un moment donné), et certains effets, notamment les glissandos. Côté chant, nous avons trois musiciens aux beaux timbres bien caractéristiques.  Ziad Nehme, voix un peu timide mais phrasé excellent dans ce texte en italien, une belle présence sur scène avec beaucoup de conviction dans la façon de chanter. Julia Dawson de son côté a une présence qui attire immédiatement tous les regards sur elle lorsqu'elle arrive à petits pas sur le devant de la scène. Un timbre sombre, une voix plaisante et un rythme jamais pris en défaut. Enfin, un Douglas Williams plein d'autorité de la basse et la puissance nécessaire. Et lorsque ces trois chantent en trio, leurs voix s'accordent admirablement bien. Le ballet intégral de Pulcinella est définitivement un délice à savourer.

Avec la Gaîté parisienne, on quitte l'Italie pour revenir en France et revisiter les thèmes les plus connus d'Offenbach avec la complicité de Rosenthal. Offenbach n'a composé pour sa part qu'un seul ballet, Le Papillon, mais la Gaîté parisienne reste attachée à son nom. On y trouve des extraits d'Orphée, de la Vie parisienne, La Belle Hélène, mais aussi des extraits moins connus issus de Tromb al Cazar, Vert vert... Mais pour des raisons financières liées à la troupe de Diaghilev, le ballet a été créé à Monte Carlo en 1938 ! Mais pourtant, comment ne pas penser à Paris en écoutant cette musique, le fameux Cancan, et tous ces thèmes familiers ? La direction de Barbara Hannigan est très dynamique et enthousiaste, la présence du picolo dans l'orchestre amène beaucoup de couleurs. Les cuivres bien que très présents et vocaux n'encombrent pas dans la Grande Salle Pierre boulez de la Philharmonie, et chaque pupitre réagit au quart de tour à toutes les inflexions de la cheffe. Les passages dansants de valse et de polka adoptent un rythme tonique, qui sied justement à la danse. Mais tout s'achève dans la tendresse avec l'illustrissime barcarolle des Contes d'Hoffmann chantée par Julia Dawson et Barbara Hannigan dans un duo de toute beauté. Avec cette soprano, on s'assoit, on écoute et on apprend. Surtout sur de si belles paroles évocatrices de nuit d'amour ! Humour et charme, rythme et mélodie. Offenbach est bien là mais surtout Paris !

Enfin Kurt Weill et son Youkali. Composé en 1934 pour la pièce Marie Galante de Jacques Deval. Le compositeur était à l'époque exilé de l'Allemagne Nazi et avait fait un petit crochet par Paris avant de traverser l'Atlantique. Barbara Hannigan livre ici une fois de plus un performance saisissante, cependant, sa voix était un peu amplifiée. Mais cela ne dénaturait pas l'attaque parfaite des notes, les nuances merveilleuses et surtout, une projection exemplaire. En bis, encore du Kurt Weill, Lost in the stars. Et oui, effectivement, après une soirée de gaîté toute parisienne, il y a de quoi être perdu dans les étoiles après une telle extase.

Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de France Musique et en vidéo sur arte concert

Programme du concert du vendredi 28 mai 2021 à la Philharmonie de Paris
IGOR STRAVINSKY
Pulcinella (ballet intégral)

JACQUES OFFENBACH / MANUEL ROSENTHAL
Gaîté parisienne, transcription de Manuel Rosenthal (extraits)

KURT WEILL
Youkali

JULIA DAWSON mezzo-soprano
ZIAD NEHME ténor
DOUGLAS WILLIAMS baryton-basse
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
BARBARA HANNIGAN
 soprano et direction

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article