Une soirée sous l'égide de Wagner avec Marek Janowski à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France
Après la soirée française de la veille donnée par le National, voici la soirée germanique offerte par l'Orchestre Philharmonique de Radio France à la Maison de la radio et de la musique, le vendredi 21 mai 2021, sous la direction de Marek Janowski, de retour à la tête du Philhar' après une remarquable 9ème de Betthoven en janvier 2019. C'est spécialiste incontesté de ce répertoire. Ses témoignages discographiques dans Wagner n'ont plus rien à prouver et par conséquent, c'est avec une attente mêlée d'excitation qu'on le retrouve pour ce programme particulièrement excitant avec tout d'abord Tristan et Isolde (Prélude de l'acte 1 et Mort d'Isolde) de Richard Wagner, avec la soprano Iwona Sobotka, puis avec la Symphonie n°3 en ré mineur d'Anton Bruckner, surnommée la Wagner-Symphonie.
Que n'a t-il pas encore été dit ou écrit au sujet de Richard Wagner ? Woody Allen en l'écoutant n'avait-il pas envie d'envahir la Pologne ? Chaque année, hors pandémie, les disciples du maître se rendent à Bayreuth pour le festival dans ce qui semble être un rite religieux. D'autres encore ne peuvent pas passer un jour sans écouter la tétralogie intégralement. Et il est vrai que cette musique emblématique du romantisme allemand a quelque chose d'addictif. Avec ses leitmotivs, ses chromatismes obsédants, et surtout, cette orchestration souvent pléthorique. Toute la sève de Wagner est résumée dans le Prélude de l'Acte 1 de Tristan et Isolde, avec le fameux accord de Tristan (fa-si-ré dièse-sol-dièse) qui sera amené à marquer l'histoire. Marek Janowski à la tête du Philhar' parvient dès les premiers instants à retranscrire l'aura de cette musique, aidé par un pupitre de cordes exemplaire, notamment dans des montées chromatiques d'une grande intensité. L'intensité et la justesse dans les nuances est constante, la dramaturgie qui sied au théâtre est également de la partie, et on sort de ce prélude totalement fasciné. Dans La Mort d'Isolde, l'orchestre accompagne remarquablement la soprano Iwona Sobotka, dont la voix ne manque pas de puissance, même placée à l'arrière de la scène. Des aigus remarquables et une prosodie jamais prise à défaut. Si peu de Wagner ce soir et pourtant, tellement d'effet !
En revanche, pour la Symphonie n°3 de Bruckner, nous sommes partis pour une partition un peu plus longue, dont la gestation n'a pas été de tout repos. Dédiée à Wagner, à qui il a pu présenter la partition en 1873. En effet, Bruckner vouait une admiration sans borne à son aîné après sa découverte de Tannhaüser en 1863. Mais cette version révisée deux fois par la suite a perdu au fur et à mesure presque toutes les citations des œuvres de Wagner qu'elle comportait. Ainsi, même si le surnom est resté, ce qui lui apportait son sens n'est plus tellement présent dans la troisième version de 1889, éditée par Nowak en 1958. Il est d'ailleurs dommage que ce soit cette version qui se soit imposée au détriment de la seconde version de 1878 avec la coda dans le Scherzo. Mais trêve de débat. La symphonie telle que nous la connaissons se caractérise par des tutti vrombissants, des contrastes abrupts, des violences dynamiques et une intrépidité d'écriture. Des éléments que nous pouvons rapprocher de Wagner, et c'est bien à lui que l'on pense immédiatement lorsque la symphonie commence par le premier mouvement, Gemässigt, misterioso (Modéré, mystérieux ou modérément animé). Ici le côté mystérieux laisse plutôt place au côté modérément animé, et même immodérément animé. Là où en règle générale, le temps brucknerien se dilate un peu, il n'en est rien ici, Janowski optant pour un tempo énergique, ne laissant pas le temps de reprendre son souffle (ou de tourner les pages de la partition pour les pauvres musiciens). Ainsi, ce parti pris d'interprétation peut parfois sembler troublant. Bien que l'on apprécie le côté énergique avec des contrastes saillants, les attaques gourmandes, une belle mise en valeur des plans sonores et contrechant de l'orchestration, on a souvent l'impression que l'orchestre est constamment en mezzo forte. Cela occasionne certains déséquilibres (peut-être à cause de notre placement dans les premier rangs), des lourdeurs, notamment lorsque les cuivres entrent dans la danse, le chef ne cessant pourtant jamais de demander de baisser le son en mettant son indexe devant sa bouche. Le deuxième mouvement noté Adagio bewegt, quasi andante n'a d'adagio que le début du nom. Ce qui aurait pu être un moment de respiration est de nouveau un moment de tension où on ne prend pas le temps d'installer les bonnes nuances. Paradoxalement, le Scherzo qui suit apportera cette respiration dans le trio, et l'intensité de ce mouvement entre bien en adéquation avec les partis pris d'interprétation sur ce coup. Des tourbillons de cordes qui amènent beaucoup de plaisir, dans ces Ländler chers au compositeur autrichien. Le Finale noté Allegro entre dans toute la démesure possible et imaginable avec un pupitre de cuivres déchaîné (le premier thème aux trombones fait son effet), des timbales bien senties et un tempo une fois de plus entrainant par sa vivacité. On ressent bien entendu du plaisir à être secoué de la sorte, la coda ramenant le thème du premier mouvement dans un ré majeur triomphant et nous offrant tout de même le genre de moment que l'on s'attend à vivre dans un concert. Interprétation bien loin du Bruckner plan plan qui traine et parfois ennuie. Bien au contraire, Marek Janowski nous offre une lecture pleine de force, d'énergie et de fougue dans une troisième de Bruckner qui n'a pas fini de révéler ses secrets mais qui a mérité ce soir, son surnom de Wagner-Symphonie.
Concert disponible à l'écoute pendant un mois sur le site de France Musique
RICHARD WAGNER Tristan et Isolde : Prélude et Mort d'Isolde* ANTON BRUCKNER Symphonie n°3 IWONA SOBOTKA soprano* ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE MAREK JANOWSKI direction |
Je vais vous faire une confiance. Autant étonnant que cela puisse paraître, mes oreilles n’avaient encore jamais été exposées à du Wagner « en vrai »
— Andika 💉 (@Nyantho) May 21, 2021
Et je peux confirmer que c’est une drogue dure. Surtout dirigé par Janowski à la tête d’un excellent @PhilharRF ! Ah Tristan... pic.twitter.com/t4ck9ctVdk
Bonheur de retrouver le @PhilharRF en pleine forme, sous la baguette magistrale de Marek Janowski, dans une rencontre au sommet entre Wagner et Bruckner. 👏👏🙏 @Maisondelaradio @SibyleVeil https://t.co/euOO4adzky
— Roch-Olivier Maistre (@romaistre) May 21, 2021
Pour cette Bruckner 3, je ne m’attendais pas à ça. On était toujours chez Wagner au final. Souvent assez mezzo forte 😅
— Andika 💉 (@Nyantho) May 21, 2021
Mais c’est peut-être à cause de mon positionnement dans la salle. Super heureux de retrouver le @PhilharRF ce soir en tout cas ! pic.twitter.com/uqlpS1KHcq
1er #concert du Philhar depuis le retour du public dans les salles. Un public au rdv qui a montré son enthousiasme avec 4 rappels ! Merci 🙏
— Orchestre Philharmonique de Radio France (@PhilharRF) May 21, 2021
Marek Janowski était à la baguette. Une soirée à réécouter sur @francemusique pic.twitter.com/HMwWtt410C
→ COMPLET Wagnérien fervent, Marek Janowski est un familier de Bruckner, dont il a enregistré toutes les symphonies. Il emmène ici la monumentale Troisième Symphonie, celle que Bruckner dédi...
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