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Publié par andika

Il est des chefs dont on attend la venue avec impatience et le jeune maestro allemand, Cornelius Meister, en fait partie. Même s'il n'a pas encore 40 ans, sa carrière est déjà des plus prometteuses, et il est dorénavant installé dans des postes prestigieux à Vienne (RSO) et à Stuttgart. Mais plus que les postes occupés, c'est sa maîtrise de répertoire romantique germanique qui fait tout l'attrait de ce chef, surtout lorsque l'on jette une coup d'œil au programme de ce concert de l'Orchestre National de France du 31 octobre 2019 à la Maison de la Radio. Il comportait en effet des délices de romantisme, avec tout d'abord l'ouverture de l'opéra Les Joyeuses Commères de Windsor composé par Otto Nicolai. Puis le Concerto pour piano et orchestre n°1 de Mendelssohn et enfin, la Symphonie n°3 de Bruckner. Un programme riche pour les débuts de ce chef à la tête de la phalange parisienne !

Otto Nicolai (1810-1849) est l'exact contemporain de Chopin et pourtant, il est loin de bénéficier de la même notoriété. Son opéra Die lustigen Weiber von Windsor adapté d'une pièce de Shakespeare, est un succès à Vienne en 1848 mais malheureusement, il aura à peine le temps de le gouter, car il disparaitra en 1849. Lorsque le chef arrive sur scène, on est frappé immédiatement par son allure et son habit suranné, mais plein d'élégance ! Une redingote de velours bleu marine, un col tout droit sorti du 19ème siècle et une cravate blanche comme on n'en fait plus. Pour embrasser ces pages du romantismes allemand, il joint les vêtements au geste ! L'élégance du chef se traduit également dans sa gestique, son bras sur qui bat la mesure et dirige l'orchestre  avec précision. Et miracle, on est immédiatement transporté à Vienne avec un léger vibrato caractéristique aux cordes. Puis le discours est constamment clair, avec un sens du chant appréciable, un équilibre plaisant des plans sonores et une véritable onctuosité du son. Sans transition, la musique de cette ouverture devient plus énergique, pétillante. Le chef reste pourtant sobre avant de tout lâcher dans un final guerrier. Sautillant sur son pupitre, il obtient de graves vrombissants et somptueux du National. Une très belle entrée en matière.

Le Concerto pour piano n°1 de Mendelssohn par un homme épris d'une pianiste, du nom de Delphine von Schauroth. Mais malgré les qualités indéniables de la partition, cette dernière en épousa un autre ! Le pianiste Denis Kozhukhin se joint aux musiciens déjà présent sur scène pour interpréter cette œuvre. Et immédiatement, on le sent un peu tendu dans le Molto allegro con fuoco initial. Un usage abusif de la pédale, une force disproportionnée appliquée sur le clavier, et un manque criant de lyrisme. Malgré une technique infaillible, le discours du pianiste reste inintelligible au monde des émotions. Mais la performance gagne en lyrisme au fur et à mesure de l'avancée pour finir avec un jeu beaucoup plus legern clair et précis, avec une virtuosité loin d'être déplaisante. Et Les Romances sans paroles opus 30 n°6 données en bis par le pianiste terminent de nous convaincre.

Au retour de l'orchestre suivant l'entracte, le maestro attend que le silence le plus parfait s'installe dans l’auditorium de la maison de la Radio avant de commencer à jouer la Symphonie n°3 de Bruckner. Surnommée la Wagner symphonie, elle est dédiée au maître de l'opéra. Elle est l’œuvre d'un Bruckner déférant devant son idole de Bayreuth, mais au fur et à mesure des ses nombreuses révisions, elle sera peu à peu expurgée de toutes ses citations des opéras de Wagner, tant et si bien que la version de 1889 donnée par l'Orchestre National de France laisse peu deviner l'inspiration de cette partition. Le premier mouvement noté Gemässig, Misterioso (modéré, mystérieux), commence comme un murmure. Le chef, dans un tempo assez lent parvient à transmettre un discours limpide, clair, évident. Dans cet ouvrage composé par blocs, où les transitions sont rares, le chef parvient à trouver une cohérence en habitant avec élégance les silences qui deviennent autant de respirations. Tant et si bien que la forme se trouve éclairée, polie. Le chef en outre ménage ses effets (crescendo initial, reprise du thème par le tutti en fortissimo). Et certains pupitres brillent, notamment les hautbois. Même s'il y a une pause entre les mouvements, le sentiment d'unité demeure, juste grâce à la posture de chef et celle des musiciens qui restent concentrés à tout instant. On entre ainsi d'autant plus facilement dans le deuxième mouvement, un Adagio solennel riche, doux et chantant. Meister tresse ici un fabuleux équilibre de dynamiques, et construit une progression implacable et continue de faire sonner les silences. Quel contraste avec ce scherzo endiablé et très viennois qui suit. La direction est chirurgicale, le chef manie l’accelerando à bon escient, ce qui donne un sentiment d'urgence, sans rien renier à l'élégance. Élégance qui trouve à s'exprimer totalement dans un trio qui nous transporte de légèreté. Le Finale avec son crescendo de croches aux violons au début, instaure une atmosphère d'apocalypse. Le chef lance chaque départ précisément, le phrasé demeure précis, et dans la bonne intonation. L'ensemble ressemble parfois à une grande improvisation d'orgue, instrument que maîtrisait le compositeur. La reprise glorieuse du thème du premier mouvement à la fin ponctue la soirée dans l'apothéose !

Cornelius Meister est un chef qui monte, et définitivement un chef à suivre. Il a réussi ses débuts avec le National dans un programme de toute beauté.

Concert disponible à l'écoute sur France Musique

Otto Nicolai
Les Joyeuses Commères de Windsor (Ouverture)

Felix Mendelssohn
Concerto pour piano et orchestre n°1 en sol mineur opus 2

Anton Bruckner
Symphonie n°3 en ré mineur (version Nowak de 1889)

Denis Kozhukin piano
Orchestre National de France
Cornelius Meister direction

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