A-letheia à la chapelle expiatoire, un bel hommage au Robert Casadesus compositeur
La chapelle expiatoire est un lieu très solennel. Édifiée au dessus de l'ancien cimetière de la Madeleine lors de la Restauration, à l'initiative du Roi Louis XVIII, elle a avant tout pour but de rendre hommage au Roi Louis XVI qui après avoir été guillotiné avait été inhumé dans ce cimetière. Ce lieu étant en effet le plus proche de l'échafaud, bien pratique ! Mais en ce soir frais du 10 avril 2019, il n'est nullement question d'expiation. Il est question de musique. En effet, la cérémonie d'expiation ayant pris fin en 1833 par décision du roi Louis-Philippe. 1833, année de naissance de Brahms, le compositeur auquel s'attaque pour commencer l'Ensemble A-letheia mené par Léo Marillier, fantastique premier violon solo de l'ensemble, à l'initiative de cette soirée hommage à Robert Casadesus.
A-letheia, vient du grec et signifie vérité, mais dans le sens de dévoilement. Et cette démarche s'entend dans le choix du Sextuor à cordes n°2 de Brahms. Créée à Boston en 1866, cette œuvre mêle des influences diverses et variées. Que ce soit un folklore typique de l'Europe de l'Est, ou au contraire, tous les raffinements de la musique savante. Ce raffinement s'entend dans le premier mouvement, noté Allegro non troppo. On apprécie la douceur de ces cordes dans l'acoustique superbe de la chapelle. Une petite résonance, une réverbération modérée, créent une atmosphère très particulière. Les notes ne tardent pas à réchauffer les cœurs dans ce lieu où il fait (un peu) froid ! Peu de vibrato, peut d'effets, un vrai sens de la narration dans ce mouvement assez long, empli de contrechants superbes. L'ambiance change du tout au tout dans le Scherzo en II. Du pizzicato aux violoncelles, des sonorités bohèmes, un premier violon strident, un phrasé net. Du pur bonheur émane de ces notes, et on sent une grande énergie de la part des musiciens, que ce soient des leurs attaques gourmandes ou dans ces fugatos jubilatoires. Le vibrato quant à lui fait son apparition dans le III, Pocco adagio, notamment au violon solo de Léo Marillier qui communique les bonnes intentions au reste de l'ensemble . Du lyrisme, de la douceur jalonnent ces pages. Lors de cette lente lamentation, la sonorité du violoncelle se distingue par son amplitude, sa profondeur et son vibrato. Enfin, le Finale est tendu dans son début avec une foule de doubles croches, puis le thème se déploie lentement. C'est le mouvement du chant et du dialogue, notamment entre le premier violon et le premier violoncelle.
Avançons maintenant d'un peu moins d'un siècle avec le Septuor pour cordes de Robert Casadesus. Œuvre qu'on n'a pas l'habitude d'entendre. Robert Casadesus était un pianiste reconnu mais c'était également un compositeur. L'objet de cette soirée était donc de lui rendre hommage sous ce statut de compositeur. Sa fille Thérèse Casadesus Rawson présente au concert révéla d'ailleurs que son père composait déjà à l'adolescence. Ce septuor est de facture moderne sans toutefois abandonner la tonalité. Un beau travail sur le rythme qui est dynamique et qui joue du contretemps, un motif entêtant de quatre notes dans le premier mouvement, qui est construit dans une belle cohérence. Les entrées successives des instruments dans le deuxième mouvement permettent de déployer une grande expressivité dans un tempo relativement lent. On perçoit ici beaucoup de soin et de douceur dans les nuances de la part des interprètes. Enfin, le Finale est très intense, avec de véritables vagues, des petits trémolo et un alto solo déchaîné. On sent de la fougue dans la musique et chez les interprètes ainsi que dans la richesse des harmonies et aussi, des contrechants très intéressants. Une bien belle musique du 20ème siècle qu'on aimerait entendre davantage en concert.
Après l'entracte, la Nuit transfigurée de Schönberg devait clore ce programme. Quoi de mieux pour conclure. Œuvre de 1899 et déjà terriblement moderne. Mélange de genres, forme polymorphe, Schönberg livre ici une musique unique d'une expressivité fascinante. Les textures sombres et la lumière cohabitent. Une ambiance particulière s'installe et l'acoustique de la chapelle est parfaite pour cette musique enveloppante. Le crescendo des cordes au début est d'une intensité redoutable. Tout au long de l'interprétation, un bel équilibre règne entre les différents pupitres. On sent beaucoup de soin apporté dans les dialogues entre différents instruments qui sont précis, ciselés, et les timbres se marient à la perfection.
Programme remarquable, qui permet de sortir des sentiers battus et de découvrir, notamment le Robert Casadesus compositeur. Saluons ici l'initiative de Léo Marillier et de son Ensemble A-letheia. Lieux solennel de surcroit, chargé d'histoire et à l'acoustique merveilleuse. Enfin, des musiciens de talents, à chaque pupitre. Tout cela contribue à être tout à fait enchanté tout en ne ressentant (presque) pas le froid qui peut régner dans cette belle chapelle.
Johannes Brahms | Sextuor n°2 en sol majeur op.36 (1865) |
Robert Casadesus | Septuor pour cordes op.64 (1961) |
Arnold Schönberg | La Nuit Transfigurée op.4 (1899) |
Ensemble A-letheia |
Prochain concert : 10 avril 2019 à 19 h 30 Chapelle expiatoire Paris 8ème
1-Héritage et lumières à la Chapelle Expiatoire Ensemble A-letheia Soirée en hommage au compositeur, Robert Casadesus
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