Élise Bertrand et Julien Hanck: Tandem de choc dans Beethoven, Chausson, Clara Schumann et Mozart
L'Institut National des Jeunes Aveugles (INJA) est le cadre chaque année d'une saison musicale. Les concerts se déroulent dans la salle André Marchal (du nom d'un ancien professeur d'orgue, aveugle de naissance) équipée d'un orgue, et d'un fantastique piano à queue Bosendorfer. Seize dates constituent les chroniques musicales lors d'une saison, qui se déroulent le jeudi, de 13h à 14h autour d'un public fidélisé. Le 11 mars 2019, pour la 419ème chronique toutes saisons confondues, c'était au tour d'Élise Bertrand au violon et de Julien Hanck au piano de se produire dans un programme de musique de chambre consacré Clara Schumann, Chausson, Mozart et enfin Beethoven.
Clara Schumann, femme de qui vous savez mais surtout pas "que" ! Pianiste accomplie mais également compositrice, tout comme Élise Bertrand qui en plus du violon (et du piano), compose. Dans les 3 Romances pour piano proposées par les deux musiciens, on sent d'emblée toute la complicité qui règne entre ces deux interprètes. La première romance, d'une grande expressivité est magnifiée par le chant au piano et au violon tandis que la deuxième étonne par son côté joueur et rieur. Enfin, l'intensité de la troisième romance s'entend dans le jeu tout en tensions de Julien Hanck au piano, contrebalancé par le cantabile et le sublime legato d'Élise Bertrand.
L'ambiance est tout à fait différente dans le Poème de Chausson. Sombre, déchirant, élégiaque, avec de longues phrases et des aigus déchirants. Les prises de parole successives de chacun des instrumentistes permet de percevoir leur grande sensibilité et leur engagement. De ce poème, d'abord conversation, puis unisson, une véritable osmose s'instaure dans le discours musical et délivre d'intenses émotions.
De l'émotion, il y en a toujours aussi chez Mozart. On y trouve également de la malice, et une véritable verve mélodique. Tout cela s'entend dans l'Adagio en mi mineur, où dans la simplicité de l'écriture mozartienne, comme si elle avait été dictée par le créateur à son auteur, les instruments se contentent d'entrer dans un échange simple, clair et réconfortant. Lumineuse musique et surtout belle transition vers Beethoven.
Sa Sonate pour violon et piano n°7 a été composée en 1802, publiée en 1803, elle est dédiée au Tsar Alexandre 1er de Russie. Elle est contemporaine de la fameuse Sonate au clair de lune, de la Deuxième symphonie mais aussi du Troisième concerto pour piano, lui aussi en do mineur. Tonalité sombre à laquelle Beethoven revient souvent. Tonalité renforcée par la main gauche qui s'époumone dans les graves dans des doubles croches lancinantes au début de l'Allegro con brio. Beaucoup de poids dans cette main gauche du pianiste, dans sa façon généreuse de plaquer les accords, et également une tension omniprésente, contrebalancé par une grande clarté dans les phrases plus légères. L'Adagio quant à lui est un grand moment de rêverie, où le violon d'Élise Bertrand chante avec un beau vibrato. L'atmosphère s'allège dans le scherzo, petite plaisanterie, petite sucrerie au milieu de tant de gravité où on sent une énergie considérable de la part des interprètes. Enfin, le Finale enivré repose sur un très bel équilibre entre les deux musiciens, et un tempo enlevé. Comment ne pas être séduit par ces trilles du pianiste ?
Très beau concert avec un programme rafraichissant dans un cadre plaisant. Des musiciens plein de jeunesse, de fougue et d'engagement qui offrent une heure de bonne musique en toute générosité. Son on en doutait un temps sois peu, la première romance de Clara Schumann l'a définitivement prouvé. Élise Bertrand et Julien Hanck, retenez bien ces deux noms.
Clara Schumann | 3 Romances pour violon et piano, opus 22 (1853) |
Ernest Chausson | Poème, opus 25 (1896) |
Wolfgang Amadeus Mozart | Adagio en mi majeur K.261 (1776) |
Ludwig Van Beethoven | Sonate pour violon et piano n°7 en domineur, opus 30 n°2 (1802) |
Elise Bertrand | Violon |
Julien Hanck | Piano |
©Corentin Schimel