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Publié par andika

Un programme alliant Mahler et Beethoven aura souvent beaucoup de chances de bien remplir une salle. Et c’est évidemment ce qui s’est produit pour ce concert de l’Orchestre de Paris ce jeudi 29 novembre 2018 à la Philharmonie. Dirigé par son (encore) directeur musical, le britannique (encore) européen Daniel Harding. La phalange récemment cinquantenaire était accompagnée de la violoniste allemande Isabelle Faust pour interpréter le Concerto pour violon en ré majeur de Beethoven. Puis en deuxième partie était prévue la Symphonie n°1 en ré majeur « Titan » de Mahler. Riche soirée !

 

Il n’y a pas deux concertos pour violon de Beethoven, il n’y en a qu’un seul. Mais quel concerto. Comme l’année dernière avec Schoenberg, Faust et Harding optent pour la seule tentative d’un compositeur dans le genre. Composé en 1806, dédié au violoniste virtuose Franz Clement, il est d’une longueur inhabituelle pour le concerto. Approximativement 45 minutes. Dès les premières notes, pas de doute, on est bien chez Beethoven avec ce son tonitruant des basses qui succède aux cinq premiers coups de timbale et l’intervention de la petite harmonie. Beaucoup de contraste et de richesse dans le son de l’orchestre. Du côté de la soliste, on aperçoit une partition qu’elle ne regarde que très rarement. Dès sa première intervention, on est frappé par l’ampleur du son émis par l’instrument (au premier rang, ça aide un peu). Le jeu d’Isabelle Faust dans l’Allegro ma non troppo est admirable, beaucoup de chant, de sensibilité alors même que le vibrato est presque banni de l’interprétation. Toute la virtuosité et les idées de madame Faust se retrouvent dans sa cadence lors de laquelle elle regarde bien sa partition. Tous les thèmes entendus auparavant y sont transformés, les arpèges fusent. Dans l’orchestration, on entend des choses fort étonnantes, comme par exemple ce violon solo qui dialogue tantôt avec les timbales, tantôt avec le basson. On savoure les sublimes pizzicati du Larghetto et on est définitivement emporté par le Rondo final, avec son thème reconnaissable entre mille, si emblématique, si dansant, si chantant en sortant du violon d’Isabelle Faust. De cet air festif découle un déchaînement orchestral aboutissant sur une réelle satisfaction tant Harding comprend la musique de Beethoven. Rien ne laissait alors présager la suite…

 

Peut-être que le souvenir du concert des siècles a gâté pour un temps les oreilles de l’auteur de ces lignes pour l’écoute de la première de Mahler, ou peut-être que ce qui a été joué lors de ce concert de l’orchestre de Paris état véritablement trop sage. Éventuellement, le problème pouvait aussi venir du public qui ne peut pas cesser de tousser pour se concentrer sur le début si caractéristique de cette symphonie. La première note jouée pianississississimo devrait pourtant permettre d’entrer dans l’ambiance. A savoir l’aurore, le réveil de quelque chose qui nous dépasse et nous emporte dans les aventures du héros de Mahler. Au lieu de cela, on reste à l’extérieur de la musique pendant de longs moments. Où est le mystère ? Où est la fantaisie ? Ce que l’on entend, c’est quelque chose de mécanique, un thème joué de façon métronomique. La seule présence que l’on sent, c’est lorsqu’il s’agit de jouer vite et fort dans ce I. La proposition est plus intéressante dans le II, joué sur le rythme à trois temps du Ländler. En effet, ce premier temps grassement appuyé par Harding, ces attaques mordantes presque violentes. De cette brutalité nait une sorte d’ironie qui était absente auparavant. Le son devient beaucoup plus riche, la polyphonie se savoure avec différentes lignes mélodiques qui cohabitent très bien. Le trio quant à lui nous mène directement à Vienne avec un son léger, dansant, des cordes souples, et un solo de hautbois d’Alexandre Gattet à faire fondre. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Lorsqu’on n’est plus armé des pages de ce II. Moins d’intensité dans la fameuse marche funèbre en III. Il faut autre chose. Il n’y a rien à redire de ce solo de contrebasse qui est clair, net. La reprise du thème à l’orchestre est bien sage. La petite harmonie sonne bien avec des timbres assez grinçants, la danse qui succède au fameux thème de Frère Jacques offre une vision rafraichissante. Mais qu’on est loin du scandale qui avait frappé cette œuvre lors de sa création. On manque de trivialité, de folklore. On scandaliserait bien peu de monde avec cela tant le tout est aseptisé, standardisé, banalisé. Un orchestre commence à ressembler à un autre, une musique ressemble à une autre et les interprétations finissent par toutes se ressembler et vouloir se ressembler.

Le IV, de par sa nature même permet de finir sur une bonne note. Évidemment qu’il s’y passe des choses tant les idées que ce mouvement regorge sont démesurées. De violents coups de grosse caisse, des basses vrombissantes. On tremble enfin, on vibre enfin et on est enfin en osmose avec ce chef qui adore Mahler et qui semble tout donner. Alors oui, on lui pardonne car rien d’autre ne compte que l’amour de la musique.

Un concert assez inégal dont on reteindra quand même de très bons moments et ce n’est déjà pas mal !

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