La Grande Messe de Leonardo García Alarcón à Radio France
Il y a des messes qui sont pour le moins immanquables. Et celles célébrées en musique par le chef argentin Leonardo García Alarcón en font définitivement partie. On se souvient de la paix lumineuse de la Messe en Si de Bach il y a quatre ans. Et il revient cette saison, toujours à la tête des Orchestre Philharmonique et Choeur de Radio France pour une messe. Mais une autre messe. La Große Messe de Wolfgang Amadeus Mozart. Oeuvre composée entre 1782 et 1783 en hommage à Constance qu'il devait épouser. Sa fiancée étant malade, il avait fait le voeux de composer cette messe pour sa guérison. Une fois guérie, la messe est restée inachevée mais bien qu'inachevée, elle demeure encore aujourd'hui un monument. Et en plus des forces de Radio France, sont requis quatre solistes, avec les sopranos Marie Lys et Deepa Johnny, le ténor Mark Milhofer et enfin la basse Edward Grint.
Comme à son habitude lors des concerts qu'il dirige, Leonardo García Alarcón commence par un petit discours. Le discours peut parfois être aussi à la fin, mais il s'adresse systématiquement au public. Pour cette prise de parole, le chef a rendu hommage au célèbre hautboïste français, Maurice Bourgue, récemment disparu. Et cette messe lui était dédiée.
Leonardo García Alarcón est connu surtout pour être un chef baroque, féru de Bach et de clavecin. Et cela tombe bien, en composant sa messe, Mozart regardait vers Bach et Haendel. Et on sent l'expert du répertoire quand on entend le dynamisme du chef dans chaque attaque, dans chaque intention. Même si l'oeuvre est majestueuse et solennelle, elle n'est jamais trop lourde, jamais trop emphatique. Au contraire, les attaques sont toujours pleines d'énergie, le son est toujours direct, sans jamais aucune grandiloquence. Et puis les idées du chef pour rendre l'expérience unique sont nombreuses. Tout d'abord avec les jeux d'éclairages qui modulent l'intensité de la lumière au fur et à mesure (procédé déjà employé lors de la Messe en Si), puis aussi les solistes qui font des aller retour entre la scène et les coulisses au fur et à mesure de leurs interventions. Mais surtout, le plus marquant, c'est lorsque Marie Lys a fendu la foule, vêtue d'une longue robe beige, afin de rejoindre la scène pour son solo lors du Kyrie introductif. Cette partie de soprano était destinée à Constance justement qui avait cette tessiture (musique reprise dans le film Amadeus pour la scène du mariage). Et devant la beauté de ces notes, on sent tout l'amour de Mozart pour sa femme. La magnifique Marie Lys avec sa voix de coloratura, s'illustre dans ce Kyrie. Un timbre agréable, des aigus d'une facilité déconcertante dans ces merveilles vocalises, et surtout, une grande émotion. Le Choeur de Radio France, préparé par Valérie Fayet, n'était pas en reste. Disposé d'une façon insolite, avec des chanteuses sur le devant sur toute la longueur, et des sections plus traditionnelles derrière, il entame ce Kyrie avec solennité, équilibrée précision et douceur. Le chef veillant à demeurer sobre et à ménager ses forces, ainsi que celles de l'Orchestre Philharmonique de Radio France. Et ces forces ne tardent pas à être sollicitées dans le Gloria, où les cuivres debout tonnent, et la polyphonie enchante l'atmosphère. Deepa Johnny, la seconde soprano solo brille dans le Laudamus te, avec une agilité merveilleuse dans vocalises et une technique infaillible dans la projection. Et cela contraste avec la vigueur du Domine Deus où les deux soprano se donnent la réplique, et le chef imprime son énergie et son enthousiasme. Le Qui tollis tonitruant qui suit prend ainsi de court, avec la présence de l'orgue majestueux qui met encore plus de poids dans l'atmosphère. Dans le Credo qui succède, le passage "Et incarnatus est » avec Marie Lys et le trio de flûte, hautbois et basson de l’Orchestre Philharmonique de Radio France est un moment suspendu inoubliable où la chanteuse s'est révélée brillante. Le Sanctus nous ramène à une polyphonie confortable avec un choeur dense, bien qu'un peu opaque par moment, avant que les quatre solistes n'interviennent au Benedictus. Mark Milhofer, ténor brillant au timbre suave et Edward Grint, basse aux graves assurés et reconfortants.
Messe inachevé de Mozart et par conséquent bien naturellement trop courte. Raison pour laquelle Leonardo García Alarcón a décidé de donner le Kyrie en bis, parce que pour le citer "une seule fois, ce n'est pas assez." Très grand concert, pour une très grande oeuvre, qui entrera assurément, dans les mémoires.
Concert diffusé le 25 décembre sur France Musique
WOLFGANG AMADEUS MOZART Grande messe en ut MARIE LYS soprano DEEPA JOHNNY soprano MARK MILHOFER ténor EDWARD GRINT basse CHŒUR DE RADIO FRANCE VALÉRIE FAYET cheffe de chœur ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE LEONARDO GARCÍA ALARCÓN direction |
La Grande Messe en ut de Mozart avec le @PhilharRF et le @ChoeurRF dirigés par Leonardo Garcia Alarcon les 9 et 10 décembre 2023. Premier cri de joie de ma part en lisant la brochure de la saison 23-24.
— Andika (@Nyantho) April 13, 2023
Une Große Messe en ut de Mozart majestueuse avec l’excellent Leonardo Garcia Alarcon à la tête du @PhilharRF et du @ChoeurRF ce soir à la @Maisondelaradio ! De la verve toute baroqueuse mais aussi énormément de solennité. Et en prime, un Kyrie bissé ! 😍 pic.twitter.com/2uW9q8nWko
— Andika (@Nyantho) December 9, 2023
Le Mozart lumineux de García Alarcón (et sa générosité cf le magnifique hommage à Maurice Bourgue) n’ont pas d’équivalent et c’est tant mieux 🤩🥰😉 #MesseUt @PhilharRF @ChoeurRF
— Gilles Lesur 🇺🇦 (@GLesur) December 9, 2023
Et Vive Mozart 😉👏👍 pic.twitter.com/gBIGNeAtt2