La trilogie mozartienne de Marc Minkowski et des musiciens de Louvre
Le rendez-vous du dimanche après-midi à l’auditorium de la maison de la radio et de la musique a parfois du mal à faire le plein, et ce n’est pourtant pas la case qui propose les programmes les moins intéressants. Pour le dimanche 12 décembre à 16h cependant, l’auditorium était plein à craquer afin d’entendre Les musiciens du Louvre dirigés par Marc Minkowski interpréter les trois dernières Symphonies de Mozart. Pour le chef d’orchestre et théoricien, Nikolaus Harnoncourt, cette trilogie de symphonies constitue un « oratorio instrumental », un cycle de douze mouvements qui aurait pour prélude l’héroïque et majestueux premier mouvement de la 39ème et comme conclusion le solaire mouvement fugué de la 41ème. Il est vrai que ces symphonies s’enchaînent naturellement. De la paisible 39ème en mi bémol en passant par la tragique 40ème en sol mineur pour aboutir à la Jupiter et son ut majeur majestueux. Les écouter les unes sans les autres peut constituer ainsi une perte voire un gâchis. Et c'est donc avec plaisir qu'on se lance dans cette aventure avec Marc Minkovsi et son orchestre.
Mozart compose ses trois dernières symphonies en moins de deux mois, lors de l'année 1788 qui a vu le succès de son Don Giovanni à Prague, mais l'opéra a du mal à s'imposer à Vienne. Le compositeur met le point final à la Symphonie n°39 le 26 juin 1788, soit trois jours avant la mort de sa fille Thérèse. Les Musiciens du Louvre jouent sur des instruments d'époque dans une démarche historiquement informée et ils mettent alors un certain temps à s'accorder. Mais les couleurs qui nous parviennent dès le début de la symphonie sont dans le bon ton, toute la solennité de l'Adagio initial du premier mouvement, où les gammes ascendantes et descedantes des cordes (sans doute en boyaux) rappellent justement le Don Giovanni. L'Allegro plein d'énergie du premier mouvement, qui affirme enfin la tonalité de mi bémol, et explose dans un déluge de couleurs encore plus impressionnant. Et on apprécie la reprise du premier thème, pleine de gourmandise. L'Andante est d'une grande justesse malgré des instruments qui peuvent parfois être récalcitrants. La deuxième partie de ce mouvement est très tendue, et on y apprécie la cohésion et la densité des cordes. Le fondu de l'orchestre est ici de toute beauté. Le Menuet, plein d'assurance, déploie son thème avec civilité. Et Marc Minkowski n'insiste pas sur le temps fort de la mesure ici, même si malgré cela, la musique est bondissante. Le trio est un moment de grâce, en raison de la petite harmonie aux couleurs surannées (on entend rarement des clarinettes et des flûtes en bois). Enfin, Le Finale énergique et vif permet de terminer cette première symphonie du programme sur une note très positive.
Inutile de présenter une fois de plus la Symphonie n°40 de Mozart tant il s'agit sans doute d'une des oeuvres les plus célèbres du répertoire. Mais toutefois, rappelons ici qu'elle a été achevée le 25 juillet 1788 moins d'un mois après la précédente et que l'orchestration ne prévoit pas de percussions ! Ce qui frappe d'emblée dans l'interprétation de Marc Minkowski, c'est le tempo très allant pris dans le premier mouvement. Même si le mouvement est noté Molto allegro, la mesure à 2/2 indique tout de même que cela doit avancer. Les cordes ici sont aériennes mais cela n'empêche pas de mettre les accents adéquats dans le phrasé. La reprise du premier thème amène plus d'âpreté et d'angoisse. La tension maintenue par le chef est étouffante avant que le développement n'intervienne suite aux fameux trois accords et à la brillante modulation en fa#. On regrettera cependant que la petite harmonie peine à se sortir du son des cordes. L'Andante est pris de manière sobre, on apprécie ici les cors naturels qui soutiennent l'édifice avec assurance. Le Menuet, sommet de la polyphonie, permet à l'orchestre de briller. Les voix sont toutes très intelligibles. Le trio élégant permet une fois de plus d'entendre les couleurs particulières des instruments à vent. Le Finale plein d'énergie et de vitalité est un torrent de musique pris à bras le corps par le chef qui ne ménage pas ses efforts. Une Symphonie n°40 de belle facture.
Enfin, la Symphonie n°41 en ut majeur, achevée le 10 août 1788 ! Surnommée Jupiter par les anglais au XIXème siècle, sans doute pour sa majesté et son final fugué où Mozart synthétise ses thèmes dans un contrepoint exemplaire. Le premier mouvement est majestueux, le son de l'orchestre est généreux, les attaques sont franches. Le deuxième mouvement Andante cantabile se distingue surtout par son deuxième sujet, où Marc Minkowski maintient la tension. Sa sombre tonalité de ré mineur, ses syncopes qui brisent le chant et laissent planer une angoisse. Le Menuet est tranquille et élégant mais son motif descendant est obsédant. Dans le développement chaque pupitre est mis à contribution et le chef veille à maintenir l'équilibre, notamment dans le contrepoint complexe de cette partie. Enfin, le Finale est pris avec un tempo des plus vigoureux. La pulsation est très perceptible (mesure à 2/2) et toute la tension est libérée par l'immense fugue. Quatre-vingt huit mesures pour l'histoire ! Les instruments anciens étonnent un peu dans ce registre mais toutes les intentions sont les bonnes. Ce point culminant du concert et des trois symphonie vient conclure cet après-midi à la perfection.
On dit souvent que pour le bien d'un orchestre, il convient de régulièrement jouer du Mozart. Et devant une telle musique, il est impossible de penser autrement. Marc Minkowski et Les Musiciens de Louvre ont offert un concert très généreux et d'excellente qualité. Qu'il est bon d'avoir la chance d'aller écouter de la musique en salle.
Concert diffusé le 28 décembre 2021 à 20h sur France Musique
WOLFGANG AMADEUS MOZART Symphonie n° 39 en mi bémol majeur, K 543 Symphonie n° 40 en sol mineur, K 550 Symphonie n° 41 en do majeur « Jupiter », K 551 LES MUSICIENS DU LOUVRE MARC MINKOWSKI direction |
Une symphonie Jupiter très énergique. Le fugato de la fin, pris sur un tempo très allant est quand même dément ! Mais j’ai eu du mal à tout entendre avec ces timbres particuliers des instruments d’époque. Mais quelle fougue ! Très beau concert des @mdlgrenoble pic.twitter.com/ItkmgY31bV
— Andika (@Nyantho) December 12, 2021
39 & 40 faites ! Entracte ! Pour la 40ème symphonie de Mozart, je me dis que le passage en fa# au premier mouvement est la meilleure modulation de l’histoire. Ça me bouleverse à chaque fois.
— Andika (@Nyantho) December 12, 2021
Beaucoup de pouet pouet aux cors avec les musiciens du Louvre sinon 😬 pic.twitter.com/YlzNMxe3M6
Ça me fait plaisir de voir l’auditorium de la @Maisondelaradio rempli pour un concert du dimanche après-midi ! Ce ne sont pas les programmes les moins intéressants en plus ! Aujourd’hui, rien de moins que les trois dernières symphonies de Mozart avec les @mdlgrenoble pic.twitter.com/odBSxKXrVG
— Andika (@Nyantho) December 12, 2021
Sunday afternoon @Maisondelaradio w/ @mdlgrenoble + Minkowski pic.twitter.com/vDh8de3CIX
— Simon Morgan (@SP_Morgan) December 12, 2021
Nimble, pithy, pungent Mozart from @mdlgrenoble under Minkowski. Much more exciting than Barenboim and Staatskapelle in the same programme in July (*hides) pic.twitter.com/28UYlcgFPq
— Simon Morgan (@SP_Morgan) December 12, 2021
Si Joseph Haydn est souvent décrit comme " le père de la symphonie " dans les histoires de la musique, Mozart fut un disciple particulièrement brillant de " papa Haydn ", comme il aimait appeler...
https://www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/concert-symphonique/mozart-marc-minkowski