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Publié par andika

Le concert de rentrée de l'Orchestre Philharmonique de Radio France est toujours un événement par définition. Sans même parler du fait de le retrouver après une rude saison qui aura vu la majorité de ses concerts sans public. Sans même mentionner les programmes souvent très audacieux de cette phalange. Sans même préciser le plaisir que cela représente de retrouver ces musiciens un vendredi soir après deux mois de sevrage. Et pourtant, même si c'est un événement par nature, cette rentrée a réussi à nous étonner encore davantage ! En effet, Mikko Franck étant souffrant, il n'a pas été remplacé par un mais trois chefs afin de garder le programme intact. Ainsi, il a été supplée par Sofi Jeannin, qui a pris la baguette pour dirigé l'Orchestre et la Maîtrise de Radio France dans Scènes de village de Bartok. L'altiste Marc Desmons est sorti du rang pour assurer la direction de la création mondiale de 6db, concerto pour six contrebasses commandé à Oscar Bianchi. Et enfin, un habitué des lieux, le chef français Fabien Gabel a assuré la direction de la Symphonie n°1 "Titan" de Gustav Mahler.

Au Philhar, trois chefs pour une rentrée réussie à la Maison de la Radio

Bartok a été marqué par les recherches ethnomusicologiques, et est souvent parti à la quête des folklores du cœur de l'Europe. Ce qui rend la distinction entre musique savante et musique populaire parfois ardue. En effet, il est possible de composer avec les méthodes les plus sophistiquées, une musique issue de la tradition populaire. Et c'est un peu la démarche des Trois scènes villageoises interprétées par la Maîtrise et l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dans une formation très modeste avec presque que des solistes ! Formation cependant dirigée de main de maître par Sofi Jeannin dont le geste précis et rigoureux donne l'impulsion nécessaire aux musiciens et aux chanteurs. Dans la première scène, qui figure une noce, la direction est énergique, les voix de la maîtrise célestes, auxquelles répond la stridence des hautbois et picolo. La deuxième scène figurant une berceuse est calme et douce avant que la dernière scène, la Danse des garçon, ne vienne agiter l'auditorium sur des rythmes entraînants, et percussifs. Bien que l'orchestre soit réduit, le son est dense et lourd, les graves sont impressionnants. La Maîtrise quant à elle brille dans les aigus et démontre toute sa musicalité dans ces rythmes déments. Enfin, les paroles on ne peut plus pertinentes pour ces jeunes chanteurs: "Danse tant que tu es jeune !" Une belle entrée en matière sous la direction de Sofi Jeannin qu'on aimerait beaucoup voir à nouveau à la tête du Philhar' !

Changement de plateau et changement de chef pour le deuxième œuvre au programme. C'est au tour de Marc Desmons, altiste de l'orchestre, de venir diriger ses camarades pour la création mondiale de 6 db, concerto pour six contrebasses et orchestre d'Oscar Bianchi (Commande de Radio France, du Festival Archipel, du Basel Sinfonietta, de la Russian Concert Agency, avec le soutien de la Fondation pour la musique Ernst von Siemens, de Pro Helvetia, de Landis & Gyr Stiftung, de la Fondation Musique et Radio - Institut de France et de Covéa Finance.)

6db pour six Double bass, à savoir contrebasses en anglais. Et ici, dans la plus pure tradition du concerto grosso, ce sont les six contrebasses qui assurent le rôle de soliste. Et cet honneur revient au pupitre de contrebasses du Philhar', qui compose également le fameux ensemble Basstet à l'initiative de nombreux projets. Comme souvent, en matière de création, il s'agit d'un saut vers l'inconnu. Cependant, on arrive rapidement à la conclusion que l'on va vivre un moment unique. En effet, rarement on aura vu un chef habillé avec des vêtements si colorés. Chaussures blanches du style Repetto, pantalon blanc et haut bleu rempli de motifs, descendant jusqu'aux genoux. Et ainsi, cette création a été autant une affaire d'oreilles qu'une affaire d'yeux. La contrebasse mise ici inhabituellement en valeur est sollicitée dans des registres étonnants. Parfois dans l'aigu, souvent dans le bruitage, à contre emploi. Les percussions sont parfois déroutantes dans les moments où la musique fait littéralement des vagues,ou lorsque les musiciens agitent des instruments étonnants. Mais les autres pupitres de l'orchestre ne sont pas en reste, notamment la petite harmonie qui visite des registres inconnus. Et plus on pénètre cette œuvre, plus on est captivé par une chose assez inexplicable et assez inintelligible dans une ambiance de grand spectacle où le chef, doit circuler sur la scène, se mettre de dos à son orchestre pour mieux diriger ses six contrebasses et ainsi donner les différents départs. Sans baguette mais chargé d'une partition immense (au sens propre), Marc Desmons semble être ici chez lui et né pour créer cette œuvre tant il est à l'aise et semble familier de cet univers. Une expérience transcendante qui ne peut en aucun cas laisser indifférent.

Déjà la troisième oeuvre au programme, et donc; comme convenu, le troisième chef. François Gabel, jeune chef français, très régulièrement invité à Radio France avait donc la lourde tâche de suppléer Mikko Franck dans la Symphonie Titan de Mahler. Il s'agit d'une partition que l'on ne présente plus, tant et si bien qu'elle était jouée la veille par l'Orchestre de Paris à la Philharmonie. Gabel obtient du Philhar' dans ce début si mystérieux et sourd dans les nuances un son riche, coloré avant que le thème ne se déploie avec tranquillité. Un grand soin est apporté aux nuances, et les rapports entre les différents tempis sont traités de façon extrêmement rigoureuse. Ce premier mouvement, dans cette interprétation, enfin, donne libre cours aux nombreux contre-chants qui jalonnent la partition. François Gabel instaure ici une ambiance chambriste ! Le Scherzo quant lui, sur le rythme du Ländler rayonne par la pulsation régulière et stable imprimée par le chef qui obtient de l'orchestre un son majestueux où les cordes brillent, surtout les basses. Le trio, aussi léger qu'une plume prend des accents viennois où l'on apprécie des accélérandos bien sentis.  Le célèbre Frère Jacques du troisième mouvement est encore un moment où l'on se languit des rythmes, des accents, des contre champs et accélérations du tempo. Les musiciens s'écoutent et se regardent (les contrebasses qui doublent les timbales par exemple). Le Final quant à lui prend l'absolu contre pied du reste de l'interprétation. Les cuivres ici déploient de la pyrotechnie là où auparavant, ils se bornaient à amener de la couleur et un certain piment. Les détails se perdent et le son devient dur (ah ces timbales stridentes), de sorte que l'on entend ici un peu moins de détails. Cependant, cela va dans l'esprit de cette musique, sinon, pourquoi Mahler aurait-il exigé que les cors se lèvent à la fin ? François Gabel livre ici une interprétation riche, inspiré, sans jamais tomber dans le neutralité.

Une reprise triplement réussie !

Concert disponible à l'écoute sur le site de France Musique

Programme du concert du 17 septembre 2021
BÉLA BARTÓK
Scènes de village *

OSCAR BIANCHI
6db, concerto pour six contrebasses **
(Commande de radio France, Festival Archipel, Basel Sinfonietta, Russian Concert Agency, création mondiale)
Avec le soutien de la Fondation pour la musique Ernst von Siemens, Pro Helvetia, Landis & Gyr Stiftung, Fondation Musique et Radio - Institut de France et Covéa Finance

GUSTAV MAHLER
Symphonie n° 1 «Titan » ***

YANN DUBOST contrebasse
LORRAINE CAMPET contrebasse
ÉDOUARD MACAREZ contrebasse
WEIYU CHANG contrebasse
LUCAS HENRI contrebasse
BORIS TROUCHAUD contrebasse

MAÎTRISE DE RADIO FRANCE
SOFI JEANNIN chef de chœur
ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
SOFI JEANNIN
 direction *
MARC DESMONS direction**
FABIEN GABEL direction***

 

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