Le temps retrouvé à Radio France
Le temps retrouvé est le titre du septième et dernier tome de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Et c'est également le nom donné à la série de concerts que Radio France organise à l'issue du confinement dû à la pandémie de Covid 19. Que de temps perdu en effet, que de notes disparues au gré de toutes ces annulations qui ont jalonné cette saison. Dans le contexte actuel, il était nécessaire de se réinventer, et c'est à l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par Kent Nagano, qu'incombait la responsabilité de faire enfin retentir de nouveau de la musique dans le bel auditorium de la maison de la radio.
Qu'il est plaisant d'aller de se dire que l'on va au concert le samedi soir. Ce qui était banal il y a quelques mois est devenu un événement exceptionnel des plus exclusifs. Il faut d'ailleurs montrer patte blanche à l'entrée de la maison ronde, en plus du traditionnel contrôle de sécurité, voici qu'on mesure notre température.
Concert à huis clos, certes, mais quelques chanceux ont pu se faufiler dans la salle afin d'en apporter un témoignage. Car réfléchir à ce que doit être un concert de nos jours n'est pas une mince affaire. Et elle a occupé les méninges de Michel Orier, le directeur de la musique de Radio France. Mais au lieu de voir les contraintes actuelles comme des entraves, il a été stimulé par les possibilités ouvertes en terme de répertoire. Les conditions sont les suivantes, pas plus de quarante musiciens, pas d'instrument à vent dans l'orchestre. Et bien, jeu d'enfant que de construire pas moins de six programmes qui seront donné en juin et juillet par les orchestres de Radio France.
Pour le premier concert de la série, un programme cohérent et inventif mêlant Benjamin Britten, Arvo Pärt et enfin Richard Strauss. Et quoi de mieux que les Fanfare pour trois trompettes de Britten pour inaugurer ce nouveau cycle de concerts ? Les trois trompettes réparties dans les chœurs jouent chacune une mélodie différente dans une tonalité différente. Le symbole est fort mais le côté un peu parodique de cette musique permet de se souvenir des conditions particulières de l'événement, qui, même s'il est une victoire, ne représente pas encore un retour à la normale.
Le Cantus in memoriam Benjamin Britten d'Arvo Pärt est une œuvre composée lorsque le compositeur a appris la mort de son collègue. Il a été saisi d'une grande tristesse à ce moment car il commençait à apprécier la musique de Britten pour sa pureté. Cet hommage, reprend le thème de la pureté, en employant simplement un petit orchestre à cordes et une cloche. Peu de notes, des silences, de la lenteur et cette cloche qui retentit au milieu d'un crescendo serein. Kent Nagano dirige cette musique avec simplicité et cohérence. Et sur cette composition, les distance entre les musiciens sur la scène n'affecte pas le son, au contraire, elle renforce le message de l’œuvre. Un moment de recueillement qui nous rappelle forcément un peu la période difficile que nous venons de traverser.
Simplicité également dans Spiegel im Spiegel (Le miroir dans le miroir), du même Pärt, pièce pour piano et violon. Et quel plaisir de retrouver Ji-Yoon Park au violon et Catherine Cournot au piano. Une rythme stable avec des évolutions harmoniques subtiles au piano, une expressivité et une musicalité parfaites au violon, où l'on remarque que ces musiciennes ne sont pas du tout restées inactives ces trois derniers mois.
La musique de chambre est parfaitement adaptée à cet auditorium tant le Sextuor de Capriccio de Richard Strauss a été un moment agréable faisant oublier à quel point il s'agissait d'un concert singulier. Toutefois, il n'en est pas de même pour les Métamorphoses du même compositeur. On sentait pour une fois moins de densité dans l'orchestre, que les pupitres n'étaient pas épaule contre épaule. Cette distance entre les musiciens a eu un impact perceptible. Néanmoins, un concert dans ces conditions est mieux que pas de concert du tout. Et ces artistes avaient aussi besoin de jouer après tout ce temps !
Concert disponible à la réécoute sur le site de France Musique
Le temps retrouvé #1 / Kent Nagano - Samedi 06 juin 2020 - 20h00 Maison de la radio - Auditorium
Kent Nagano a imaginé un programme fait d'œuvres qui dialoguent entre elles. À la Fanfare de Britten répond évidemment le Cantus in memoriam Benjamin Britten de Pärt, également représenté ...
https://www.maisondelaradio.fr/evenement/concert-symphonique/le-temps-retrouve-kent-nagano