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Publié par andika

Disons-le d'emblée, le pianiste allemand Severin Von Eckardstein appartient à la race des grands musiciens. Et pourtant, il y a des chances qu'en lisant ces lignes, il s'agisse de la première fois que vous en entendiez parler. Pour une raison qui nous échappe, sa notoriété en France est famélique là où il est célébré dans le reste de l'Europe.

Mais heureusement, la saison des Nuits Oxygène est là pour palier à cet impair. Mais à quel prix. En effet, le concert du 29 janvier 2020 dans le cadre intimiste de l'église Saint-Jean de Montmartre à Paris, était le premier et déjà le dernier de cette saison qui nous sort pourtant des sentiers battus.

En effet, quelques jours avant, le producteur Pierre-Yves Lascar annonçait sur Twitter l'annulation complète de la série de concerts à l'exception de cette première date.

Cette annonce rendant d'autant plus le concert du 29 janvier immanquable ! Il fallait donc se rendre à Montmartre, ce quartier qui semble être devenu un décor de cinéma tant il représente Paris dans l'esprit collectif. Mais à l'intérieur de cette église, pleine de tapisseries représentants le Christ à divers épisodes de sa vie, on ressent tout de suite une grande authenticité. On sent étrangement le sol vibrer en dessous, sans doute du fait du passage du métro. Des aigles ornent de nombreux endroits de l'église aux teintes marrons et dorées. L'autel quant à lui, semble tout droit sorti de l'orient avec ses couleurs chaudes.

Un cadre inoubliable et particulier pour partir à la découverte de ce pianiste dans un programme inventif, convoquant tout d'abord le compositeur français Gabriel Dupont pour la Maison dans les dunes. Puis Frédéric Chopin avec sa Polonaise-fantaisie en la bémol majeur et enfin, Robert Schumann pour le très rare Davidsbündlertänze.

Dupont est un contemporain de Debussy, un peu plus jeune et mort un peu plus tôt. Avec la maison dans les dunes, il laisse une œuvre faite de dix pièces qui s'enchaînent en alternant les ambiances, avec des noms aussi évocateurs que la Mélancolie du bonheur ou encore Le bruissement de la mer. Tout au long de cette aventure, Severin Von Eckardstein trouve toujours le ton juste. Il n'est pas utile de lire les annotations illustratives des titres pour se faire une idée de l'ambiance voulue par le compositeur. Le pianiste y pourvoie avec la richesse de son jeu, son autorité, sa technique, son phrasé et sa façon particulière de faire ressortir les harmonies. Il en ressort un véritable tour de force pianistique allant convoquer tout ce que peut donner l'instrument et tout ce que doit savoir faire un interprète. Du début clair et léger Dans les dunes, à la virtuosité du Soleil se joue dans les vagues, plein de trilles sautillants et de staccato. Mais on apprécie surtout la douceur du Clair d'étoiles, avec un thème rappelant celui du premier mouvement de la Sonate pour piano n°2 de Chopin. Le dernier morceau Houles, est lui une véritable apothéose

Restons chez Chopin pour une Polonaise pleine de clarté, de puissance. L'assurance du discours musical ne cesse d'illuminer l’église et réchauffe un peu l'atmosphère alors que la température n'est pas très élevée. Mais le pianiste a gardé le meilleur pour la fin avec Davidsbündlertänze. Une véritable épopée où l'interprète devient à lui seul un orchestre. Tour à tour charmant et doux avant de se montrer royal, majestueux. Des prouesses techniques constantes, un sens des contrastes et des couleurs absolument exquis.  Avec ici et là des passages marmoréens permettant la contemplation et le recueillement. Un choc à l'écoute, un immense plaisir mais surtout, une émotion d'une profondeur rarement égalée devant ce pianiste stupéfiant qui interprète si bien cette musique. On le suivrait dans l'intégrale de Schumann les yeux fermés.

Enfin en bis, le Chant élégiaque de Tchaikovski achève de nous convaincre. De la grandeur de ce pianiste tout d'abord. Du gâchis de l'annulation de la saison des Nuits Oxygène ensuite.

Programme du concert du 29 janvier 2020

Gabriel Dupont

La maison dans les dunes


Robert Schumann

Davidsbündlertänze, Op. 6


Frédéric Chopin

Polonaise-fantaisie, Op. 61

Severin Von Eckardstein

Piano

 

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