La Toussaint en avance: Martina Batič dirige le Choeur de Radio France dans le répertoire français
L'automne, ses journées qui raccourcissent, le ciel qui se voile, les feuilles qui tombent des arbres, les couleurs qui changent. C'est une période de l'année un peu morose, propice au recueillement, notamment lors de la période de la Toussaint où l'on fête tous les saints et l'on pense à ceux qui sont partis et qui nous étaient chers. Et c'est en ayant cette période de l'année en tête que Martina Batič a bâti son programme. Comme nous le révèle Saskia De ville à la présentation du concert du dimanche 20 octobre 2019 à l'auditorium de la maison de la maison de la Radio. Martina Batič avait deux idées pour cette rentrée (différée) du Choeur de Radio France. La Toussaint donc, mais aussi, son amour pour le répertoire vocal français en musique sacrée. Cela se traduisant par quatre œuvres, avec tout d'abord le Cantique de Jean Racine composé par Gabriel Fauré. Puis Umbrae mortis de Pascal Dusapin et Quatres Motets pour un temps de pénitence de Francis Poulenc. Et enfin, le Requiem de Maurice Duruflé.
Le Cantique Jean Racine est une œuvre de jeunesse de Fauré. Il l'a composé lorsqu'il fréquentait l'école de musique Niedermeyer en 1865. Il y a bénéficié de l'enseignement de Camille Saint-Saëns et en a été marqué. Notamment pour son goût de la musique religieuse. Rien de tel que cette courte pièce pour entrer dans le vif du sujet et immédiatement, l'équilibre du chœur placé dans une disposition en arc de cercle frappe l'oreille de l'auditeur. Clarté de la diction, du rythme, direction millimétrée de Martina Batič et enfin, interventions pleines de douceur de l'orgue de Mathias Lecomte. La version avec orgue de cette œuvre ajoute une part d'intimisme qui permet un profond recueillement.
Avançons maintenant de plus d'un siècle avec Umbrae mortis de Pascal Dusapin. Composée en 1987, créée en 1998, cette œuvre se distingue par des techniques d'écritures singulières, notamment le paré-chuchoté. Composition brève, à cappella, elle égaye les oreilles, notamment avec le jeu sur le mot Kyrie, qui revient constamment, souvent chuchoté, ou encore le chant bouche fermée. Les différentes voix chantant dans des registres particulier en même temps. Si l'on doit adresser un reproche à cet Umbrae mortis, c'est qu'il est peut être trop court !
Il en va autrement pour les Quatre Motets de Poulenc qui ont une longueur raisonnable. Même si le compositeur se qualifiait parfois de voyou, il avait la foi et s'est beaucoup intéressé à la musique sacrée. On sent de la ferveur dans le premier motet. Le Chœur et Radio France y est puissant et précis. La cheffe obtient une très belle densité dans le chant, tant et si bien que l'on peut avoir l'impression qu'une seule voix chante. Les sopranos sont valeureuses dans ce Timor et tremor (La crainte et l'effroi), et c'est bien ce que l'on ressent à l'écoute de ce premier motet. Dans le deuxième, on apprécie la richesse de la polyphonie, où chaque pupitre est intelligible. Les sopranos se distinguent toutefois encore sur Quomodo conversa es in amaritudinem (Comment as-tu changé ta douceur en amertume). Déchirant. Le troisième motet aborde les ténèbres et la profondeur des basses aide bien à y entrer. Un son sombre, presque rauque. Le quatrième motet est coloré, et animé, empli de fugatos à la précision diabolique. Des attaques nettes et un vrai confort dans le texte. La soprano solo, Claudine Margely est à la hauteur de ses collègues dans sa partie, avec des attaques franches et une véritable ferveur dans son chant. Quatre Motets pour quatre moments intenses et profondément émouvants.
Après l'entracte, place maintenant au Requiem de Duruflé, dans sa version avec chœur et orgue. C'est l’œuvre la plus connue du compositeur. Écrite lorsqu'il avait 45 ans. Il est dans la continuité de Fauré, Saint-Saëns mais contrairement à eux, il y emploie le chant grégorien. Prévu pour l'orchestre et le chœur, le compositeur a également réalisé une transcription pour orgue et chœur. Dans sa pensée, "l'orgue représente uniquement l’idée de l’apaisement, du détachement vers l’au-delà, de la foi et de l’espérance." Et c'est tout ce que l'on entend dans l'Introït à la douceur inouïe. Les voix et l'orgue amènent beaucoup de chaleur, et les nuances sont délectables. Le Kyrie qui suit est une fugue merveilleuse qui emporte tout. Mark Pancek, baryton solo s'y illustre avec une diction claire, beaucoup de douceur qui allège son timbre. Le Domine Jesus emporte par son intensité là où le Sanctus joue des contrastes en passant subitement du piano au forte sur Hosanna in excelsis. Et ce, tout en restant très précis. L'orgue quant à lui ajoute de la vigueur à l'ensemble. C'est au tour de la mezzo Isabelle Druet de s'exprimer dans le Pie Jésus. Quelle présence sur la scène, quelle expressivité couplée à une très belle projection, tout cela, en préservant une prosodie impeccable. L'ensemble de l'ouvrage est maîtrisé de bout en bout par Martina Batič avec rigueur, et précision. L'immense crescendo d'In Paradisum termine de nous convaincre et de nous émouvoir.
Grand concert intimiste, avec un public à l'écoute, et un répertoire d'une richesse appréciable. Le Choeur de Radio France et sa directrice Martina Batič n'ont pas raté leurs retrouvailles avec le public fidèle de Radio France. Une saison à suivre absolument pour vivre des émotions intenses.
Gabriel Fauré | Cantique de Jean Racine, chœur à quatre voix mixtes et orgue opus 11 |
Pascal Dusapin | Umbrae mortis |
Francis Poulenc | Quatre Motets pour un temps de pénitence* |
Maurice Duruflé | Requiem opus 9 |
Saskia de Ville | présentation |
Isabelle Druet | mezzo-soprano |
Mark Pancek | baryton |
Claudine Margely | soprano |
Mathias Lecomte | orgue |
Chœur de Radio France | |
Martina Batič | Direction |
Crédits photographiques Janez Kotar
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