A-letheia et Léo Marillier enchantent l'Abbaye de Preuilly
L’Abbaye de Preuilly se trouve sur le territoire de la commune d'Egligny, en Seine et Marne. Rien de moins que 900 ans d'histoire nous y contemplent, et c'était le cadre du dernier concert du Fest'inventio. Le thème de la soirée était un hommage au Chevalier de Saint-George. Comme son nom ne l'indique peut-être pas, il s'agit d'un compositeur, violoniste virtuose et contemporain de Mozart. Originaire de la Guadeloupe, il était mulâtre comme on disait à l'époque. Il laisse une œuvre de près de 300 compositions, dont le Concerto pour violon en sol majeur donné lors de ce concert. Ce compositeur français voisinait dans ce programme deux illustres musiciens de la période classique, j'ai nommé Haydn et Beethoven, pour respectivement des Divertimenti et un quatuor à cordes.
Joseph Haydn compose ses Divertimenti lors de sa résidence à la cour du Prince Esterhazy. Ayant de nombreux musiciens à sa disposition, il a eu le loisir de créer des genres tels le quatuor, la symphonie. D'ailleurs, lorsqu'à un moment, le prince ne donnait pas suffisamment de congés aux musiciens, Haydn eut l'idée de composer sa fameuse Symphonie des Adieux où chaque membre de l'orchestre doit quitter la scène un à un à la fin, en signe de protestation. Rien de tel dans ces deux Divertimenti en mi bémol donnés par l'Ensemble A-letheia. Le premier entendu surnommé l'écho, joue sur cet effet. Bien plus fort que la réverbération, l'écho créé artificiellement grâce à la présence de deux orchestres qui se répondent, permet de jouer à un jeu très amusant. L'écho se fera alors sur le thème, dans le rythme (syncopes), ou encore sur les modes de jeu aux cordes (pizzicatos). Les musiciens se répondant alors toujours avec plus de vigueur au cours de ces cinq mouvements jubilatoires, une entrée en matière joyeuse et passionnante. Le second divertimento emploie un grand effectif majestueux, dirigé élégamment de la place du premier violon par Léo Marillier.
L'ambiance s'assombrit avec le Quartetto Serioso de Beethoven. Composé durant le siège de Vienne ourdi par les armées de Napoléon, ce quatuor installe ambiance orageuse. Cette ambiance est renforcée dans cette version orchestrée où l'effectif plus imposant parvient dès le début à imprimer quelque chose de lourd, pesant, martelé. Le rythme animé de cet Allegro con brio fondé sur des croches, et le staccato, emmène une tension de tous les instants magnifiée par l'intensité des musiciens. Le thème initial s'imprime dans l'esprit de l'auditeur dès la première écoute, mais ses reprises aux cordes graves ne font que le renforcer. Le II, noté Allegretto ma non troppo, est envisagé avec douceur et tristesse. Le surnom serioso prend ici tout son sens, on apprécie les couleurs, et le contrechant des altos qui figure bien le drame de la guerre. Le III, noté Allegro assai vivace ma serioso, joué attacca, est construit sur ses silences, de véritables brisures au travers d'ellipses et d'un rythme enfiévré. Les musiciens, par leur agilité, rendent bien les effets dans l'acoustique généreuse de la salle de concert aménagée dans une grange ! Le finale conserve cette tendance au sérieux, avec quelque chose de retenu, qui a du mal à sortir. Sans doutes ces incessants chromatismes ascendants et ces phrases saccadées. Une fois de plus, les instrumentistes excellent dans le jeu de question réponse, avant un final jubilatoire d'une violence libératrice. Après autant d'intensité, l'entracte arrive à point nommé.
La particularité du concerto pour violon n°2 du Chevalier de Saint-George, comme l'a rappelé Léo Marillier avant de l'interpréter, est le fait que le compositeur sur sa partition, laisse énormément de liberté aux interprètes. Et la liberté est une chose appréciable, notamment dans ce premier mouvement où le soliste Léo Marillier, joue à l'unisson avec l'orchestre, en bonne intelligence. Le soliste se démaque davantage dans le deuxième mouvement où à travers de longues phrases, il trouve un son apaisant avant de démontrer tout son talent dans un finale enlevé, plein de vibrato et de trilles savoureux.
Comme dirait, l'autre, Preuilly, c'est loin mais c'est beau, pour les yeux mais aussi pour les oreilles !
Joseph Haydn | Divertimenti en mi bémol Hob.II: 6 et 39 |
Ludwig Van Beethoven | Quatuor à cordes n°11 en fa mineur op 95 ou Quartetto Serioso (version pour orchestre à codres par G. Mahler) |
Chevalier de Saint-George | Concerto pour violon en sol majeur n°2 op 5 |
Ensemble A-letheia | |
Leo Marillier | Direction |