Annie Colère (2022): Quand le cinéma s’efface derrière le tract
Annie Colère partait d’une intention noble. Raconter la lutte des femmes pour le droit à l’avortement en France, dans les années 70, à travers l’histoire d’une ouvrière transformée en militante du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), incarnée par Laure Calamy. Voilà un sujet fort, essentiel, historique. On espérait un grand film de transmission, de chair, d’engagement incarné. Malheureusement, on se retrouve face à une œuvre qui, à force de vouloir bien faire, oublie l’essentiel : faire du cinéma.
Ce qui frappe rapidement, c’est la mécanique. Annie Colère semble construit non pas comme un récit, mais comme un programme. On coche les cases : la découverte de l’injustice, la révolte, la politisation, les réunions, les slogans, la sororité didactique… Et parfois, entre deux scènes de conscience féministe, une tentative d’humanité — vite rattrapée par la nécessité de délivrer le message suivant. Résultat : des personnages réduits à l’état de vecteurs idéologiques, qui agissent moins par envie ou contradiction intérieure que pour illustrer une cause. Même Annie, pourtant magnifiquement portée par Calamy, a parfois du mal à exister hors de son rôle militant.
Et quand le film se veut pédagogique, il vire souvent au scolaire. On en vient à assister à des scènes maladroites — comme celle où un groupe de femmes s’observe le sexe avec des miroirs, concluant par un solennel “C’est beau, hein ?”, qui laisse le spectateur mi-gêné, mi-perplexe. L’intention est claire : revaloriser les corps, casser les tabous. Mais la mise en scène, elle, est plaquée, figée, trop consciente d’elle-même. On ne vibre pas, on ne ressent pas : on assiste à une leçon.
Et c’est dommage. Parce que ce combat mérite mieux. Il méritait une œuvre incarnée, viscérale, qui touche par l’émotion, pas par la répétition. À l’inverse, on pense à Erin Brockovich, autre portrait de femme en lutte, qui parvient à être profondément féministe sans jamais nous faire la leçon. Là-bas, pas besoin de slogans : l’histoire montre au lieu d’expliquer. Le cinéma fait le travail.
Ici, on sent le poids du message sur chaque scène. Jusqu’à ce moment où un personnage affirme, en toute sérénité, que l’avortement pratiqué par des militantes serait plus humain que celui fait par des médecins. Là, on ne sait plus si on est dans un film ou dans une bulle déconnectée du réel.
Annie Colère n’est pas un mauvais film. Il est sincère, documenté, utile sur le fond. Mais il pêche par excès de bonne volonté. À force de vouloir convaincre, il oublie d’émouvoir. Et dans cette lutte-là, c’est pourtant l’émotion, pas le didactisme, qui fait changer les regards.
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Février 1974. Parce qu'elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC - Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception ...
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=280229.html