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Publié par andika

Avant qu’on nous assomme à coups de grandes déclarations et de slogans en lettres capitales, il y avait Erin Brockovich. Un film qui parle d’écologie, de justice sociale, de femmes fortes, de charge mentale et de classe ouvrière, sans jamais brandir de pancarte. Juste en racontant une histoire. Et c’est précisément pour ça que ça fonctionne.

Steven Soderbergh a eu l’intelligence rare de se mettre au service de son sujet, et non de l’instrumentaliser. Il filme Julia Roberts comme on suit une héroïne de western moderne : forte tête, grande gueule, talons hauts et mini-jupes assumées, mais une capacité de travail hallucinante et une conscience aiguisée comme une lame. C’est une mère célibataire avec trois enfants, un passé compliqué, et zéro diplôme, qui par sa seule détermination va faire plier une multinationale responsable de contaminations chimiques. Rien que ça.

Et ce qui est formidable, c’est que le film n’essaie jamais de faire passer Erin pour une sainte. Elle est imparfaite, fatigante parfois, et pourtant profondément attachante. Soderbergh n’a pas besoin de ralentis héroïques ni de musique dramatique pour nous le faire comprendre : c’est dans les dialogues, les regards, les silences, qu’on mesure sa force. Julia Roberts y trouve d’ailleurs le rôle de sa vie — oscarisé, à juste titre — avec ce mélange explosif de gouaille, de fierté et de vulnérabilité.

Et oui, Erin Brockovich est un film féministe. Mais du féminisme à l’ancienne, celui qui passe par l’action, pas par l’étiquetage. Le film ne te dit jamais “regarde comme c’est féministe” — il te le montre. Une femme qui prend la place, qui impose son mode de fonctionnement, qui met son mec au foyer, qui élève seule ses enfants, qui bosse dur, qui n’a pas besoin qu’on l’aime pour être efficace. Et qui, cerise sur le gâteau, débusque la vérité en lisant des dossiers administratifs. Un pitch qui, sur le papier, sentait bon l’ennui… et qui, entre les mains de Soderbergh, devient haletant.

La mise en scène est discrète mais ciselée. L’humour affleure souvent, les seconds rôles sont impeccables (mention spéciale à Albert Finney en boss râleur au cœur d’or), et jamais le film ne tombe dans le piège du pathos. Il reste ancré dans le réel, dans le concret, et parvient à être poignant sans jamais verser dans le misérabilisme ou l’héroïsation de pacotille.

À l’heure où certains films confondent lutte sociale et cours magistral, Erin Brockovich nous rappelle qu’un bon récit, incarné, sincère, bien joué, suffit à faire passer les idées les plus fortes. Et qu’on n’a pas besoin de crier pour se faire entendre, quand on sait raconter.

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