Belvédère: Entre réalité et imagination
Belvédère est une pièce assez intrigante de Ana-Maria Bamberger. Elle rassemble trois personnages qui ont chacun un statut très intéressant. Une dramaturge, Antonia, un psychiatre, le Dr Lessourd et enfin, un amour de jeunesse, Stéphane, qui apparait comme une réminiscence du passé. Et qui conduit rapidement à s'interroger sur ce qui est réel ou non, sur ce que l'imagination apporte, ou pire, s'il n'y a pas une histoire d'hallucination dans la mesure où l'intrigue se déroule dans un service de psychiatrie. Tous ces ingrédients concourent à un mélangé qui s'avèrera passionnant.
Le plateau est sobre mais certains éléments interpellent les yeux. Trois cubes sur la scène, un blanc, un noir, et un partagé entre petits carrés blancs et noirs. On remarque aussi que les personnages sont habillés soit en blanc (le psychiatre et Stéphane), soit en noir, Antonia. Visuellement, on voit clairement cette division, d'autant plus que Antonia joue aux mots croisés au début de la pièce, dont les grilles rappellent une fois de plus ce thème. L'unique élément coloré est une rose rouge. Sa présence et son absence marquant également une frontière entre rêveries et réalité. Et on peut s'accrocher à chacun de ces éléments pour se faire son opinion. Antonia rêve t-elle ? Est-elle victime d'hallucinations ? La scène est-elle réelle ? Ou s'agit-il d'un processus créatif de l'artiste ? Toute la mise en scène de Catherine Mahieu concourt à mettre cette dualité en valeur.
Chaque comédien amène sa palette d'émotions. Aymeric Naudé en Dr Lessourd est un peu la caution comique. Il a à gérer une patiente difficile qui l'interpelle souvent, et ses reparties sont toujours bien senties et dans le rythme. Et quel drôle d'idée d'avoir un psy, dont la fonction principale est d'écouter et qui à pour patronyme Lessourd ! Catherine Mahieu en Antonia livre une performance remarquable, plein d'intensité. Que ce soit dans les affres de la maladie mentale, à la confrontation avec Stéphane et avec son médecin à qui elle ne veut pas tout révéler. Tour à tour sévère puis douce, capable de tonner avec colère mais aussi à l'aise dans un rythme plus comique, on est touché par tout ce que cette comédienne offre. Enfin, Sebastien Bourbon en Stéphane, écho du passé, tout en retenue et timidité, apporte toute l'onirisme présent dans cette pièce, sa disparition par la trappe à lapin étant une scène d'une grande importance. On est marqué par sa grande sensibilité.
Voir une pièce d'Ana Maria Bamberger, c'est comme retrouver une amie perdue de vue depuis un certain temps. On retrouve tout ce qu'on aime déjà, à savoir des thèmes forts. L'amour, le passé, le théâtre avec une fois de plus des références à Tchékov, le rire et les émotions. Mais retourner chez Ana-Maria Bamberger, c'est aussi l'assurance de la nouveauté et du renouvellement. Car même si les thèmes demeurent, l'imagination elle, est constamment en mouvement. Et quel meilleur personnage que Antonia pour l'illustrer ? Une dramaturge qui dialogue avec ses personnages sur scène, et qui permet ainsi, au public, de dialoguer avec l'autrice, et partager avec elle, l'amour du théâtre.
Distribution Mise en scène Catherine Mahieu Avec Sébastien Bourbon Catherine Mahieu Aymeric Naudé |
Belvedere - Guichet Montparnasse
BELVÉDÈRE De Ana-Maria Bamberger Les jeudis - 20H45Les dimanches - 18H Durée : 1h10 Une écrivaine, un psychiatre, un amant : réalité, imagination ou folie ? A vous de choisir ! Réservez ici ...