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Publié par andika

Le théâtre est le lieu de tous les possibles et de toutes les fantaisies. Mais tout de même, lorsqu'on découvre à l'affiche du Théâtre de l'Opprimé, dans le 12ᵉ arrondissement de Paris, un titre aussi énigmatique que Je suis un Bernard l’Ermite, difficile de ne pas être intrigué. Pourtant, dès la lecture de l'argument, tout prend sens.

Nicolas est un « petit prince » contemporain à l'âme poético-punk. Comédien déchu, il vit désormais dans la rue, non loin d’une gare abandonnée, avec "la bande". Ce qu'il revendique, c'est une façon d’habiter le monde, un air qui soit respirable. Nicolas incarne la figure des marginaux, de celles et ceux qui ne rentrent pas dans les cases, que la société déglutit et vomit dans les caniveaux. Accompagné de Fanfreluche, sa poupée-marionnette dont il ne se sépare jamais, Nicolas se prépare à sa "disparition". La pièce s'articule donc principalement autour d’une thématique peu traitée au théâtre : l'accès au logement.

Un théâtre engagé, miroir de son époque

Pour comprendre son temps, aller au théâtre est souvent une bonne idée. Qui mieux que Beaumarchais, au XVIIIᵉ siècle, a su capter les limites d’une société de classes ? Aujourd’hui, dans une République qui promet beaucoup mais procure parfois si peu, Bryan Chenna-Sanson met en scène avec justesse un sujet brûlant : la crise du logement.

Se contenter de s’indigner face à un problème de société est rarement suffisant. Il faut passer à l’action ou, à défaut, réveiller les consciences. Et c’est précisément ce que fait cette pièce, avec originalité et inventivité. Voir Nicolas Robinet se rouler par terre en slip, au milieu de papiers éparpillés, peut d’abord surprendre. Mais très vite, le propos devient limpide : il incarne la précarité, presque nu, réduit à l’essentiel – son âme d’artiste et l’espoir de retrouver sa dignité par l’accès au logement.

La crise du logement à Paris n’est plus à démontrer. Ici, elle est tournée en dérision à travers des clichés bien sentis et des références à des discours de politiciens. Mais la pièce ne se limite pas à la satire : elle trouve aussi des accents poétiques, notamment dans les échanges entre Nicolas et le personnage de Lauriane Pellegris, qui tente de mettre son logement en location.

Une mise en scène pleine de surprises

L’expérience commence avant même l’entrée en salle. Sarah Cotten tend aux spectateurs une urne où glisser une proposition pour « changer le monde », initiant un référendum symbolique. Sur scène, le décor – un plateau jonché de papiers et de détritus – est introduit par des définitions projetées, dont celle de "déchet". Une façon maligne d’éclairer le titre de la pièce : le Bernard-l’Ermite se protège sous la coquille d’autres crustacés, à l’image des sans-abri qui cherchent un abri précaire dans un monde qui les rejette.

L’humour trouve aussi sa place, notamment dans une séquence parodique sur les Jeux Olympiques des sans-abri – une manière de rire quand il vaut mieux ne pas pleurer.

Un théâtre qui bouscule

Je suis un Bernard l’Ermite est une pièce dynamique, corrosive et inventive qui éclaire un grand mal de notre temps. Nicolas, accompagné de Fanfreluche, sa poupée-marionnette fétiche, incarne ceux qui ne rentrent pas dans les cases, que la société avale puis recrache dans les caniveaux. La pièce explore avec finesse un sujet encore trop peu traité au théâtre : l’accès au logement.

Et si habiter le monde, c’était d’abord s’assurer qu’il reste respirable pour tous ?

Représentation du 14 Mars 2025 au Théâtre de l'Opprimé. 

Compagnie des Invisibles pour les yeux

Texte, mise en scène, musique Bryan Chenna-Sanson • avec Nicolas Robinet, Lauriane Pellegris et Sarah Cotten • soutien de Conservatoire de Fontenay-aux-Roses

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