Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pages

Publié par andika

The Palace est le nouveau et probablement ultime film du réalisateur franco polonais, Roman Polanski. Son nom étant devenu radioactif depuis quelques années, notamment le soir où il remporta son 5ème César du meilleur réalisateur en 2020, il devient de plus en plus difficile de dire qu'on apprécie ses films. Cela n'est pas encore trop pesant.

En revanche, il devient également de plus en plus difficile de voir ses films. Et cela devient déjà un peu plus gênant. Ainsi, The Palace, sorti le 15 mai 2024 en France, n'était visible que sur près de 80 écrans sur tout le territoire, et dans une seule salle parisienne. A savoir le Studio Galande, un cinéma art & essai du 5ème arrondissement.

Photo prise à l'intérieur de la salle, peu avant le début de la séance

Mais cela était sans compter sur une dizaine de manifestants qui désapprouvait la diffusion du film car voyez vous, une seule salle à Paris, c'était déjà une salle de trop. Ainsi, le Figaro avait dépêché une journaliste sur place pour couvrir l'événement, et devant tant d'agitation, le gérant de la salle a abandonné l'exploitation du film, sans trop opposer de résistance. Ainsi, la séance à laquelle j'ai assistée hier, demeurera l'unique séance parisienne de ce film, avant probablement des temps plus favorables.

Personnellement, je tenais énormément à voir ce film, car je restais déjà sur une impression très positive de son dernier long métrage, J'Accuse. Et puis, je suis un homme plutôt attaché à la liberté d'expression, et qui n'aime pas qu'on lui dise quoi voir ou ne pas voir. Voyez vous, j'aime faire mes propres choix, et regarder les films dont j'ai envie, si cela me chante. Et j'ai horreur, mais alors horreur, de voir la plupart du temps, une minorité bruyante, parvenir à ses fins, et me priver de certaines choses qui ont attiré ma curiosité.

Le ridicule de la situation d'hier ne cessera jamais de m'étonner dans la mesure où la pression exercée sur cette salle de cinéma, qui avait fait preuve de courage, était somme toute assez légère. Un petit happening d'une dizaine de personne dans la rue, à l'heure de la séance. Ces personnes n'ont pas essayé d'entrer dans la salle ni de perturber la séance. Et enfin, il y avait bien plus de spectateurs que de manifestants. 45 si on en croit le Figaro. Et je me souviens que l'année dernière, j'avais assisté sans encombre à une séance du Bal des Vampires au UGC des Halles à Paris…

En outre, j'avais constaté depuis l'année dernière une cabale de la presse contre le film. Comme si les journalistes s'étaient passé le mot qu'il ne fallait absolument pas dire de bien de ce film. Cela donne des titres racoleurs, où le fiel des critiques peut se déverser à plein pot.  Roman Polanski se prend les pieds dans le tapis de « The Palace » selon Caroline Vié de 20 minutes. « Ratage monumental », « infecte purge » selon Catherine Balle du Parisien. Ou encore un ratage monumental selon Etienne Sorin du Figaro. J'étais tout de même soulagé d'apprendre dans le Canard enchaîné qu'il s'agissait d'un film qu'on pouvait voir à la rigueur cette semaine. Critique pointant seulement que selon elle, le sujet des ultras riches et de leurs dérives, avait été mieux traité par Ruben Ostlund dans son film Sans Filtres, Palmes d'or à Cannes en 2022.

Et pourtant, ce film au casting international mérite d'être vu. Il s'agit d'une comédie caustique, acide, irrévérencieuse, où Roman Polanski, bien que nonagénaire, garde sa silhouette d'adolescent malicieux. L'histoire se déroule dans un hôtel luxueux à Gstaad en Suisse, pour le réveillon de la Saint-Sylvestre. On y retrouve des clients richissimes qui y ont leurs habitudes, dont Bernard Madoff, qui fera une apparition furtive, de dos, lors de la grande soirée de réveillon. On a droit à tous les personnages les plus extrêmes et les plus loufoques, mais qui ont en général un point commun en sus de leur richesse (réelle ou supposée), à savoir leur goût prononcé pour la chirurgie esthétique. Voir ce défilé de visages (mal) refaits, est d'un effet comique saisissant. D'autant plus lorsque ces personnages défilent devant un chirurgien esthétique, le Dr Lima (un Joaquin De Almeida au français excellent), qui séjourne également à l'hôtel, avec son épouse souffrant d'Alzheimer. 

On sent d'emblée des comédiens qui s'amusent et sont contents d'être là, dans un registre d'auto dérision assez assumé. Et tous ces excès ne font que monter crescendo après l'exposition avec le staff de l'hôtel qui se prépare à la grande soirée. Mais devant tant de folie et d'anormalité, il est très plaisant de suivre un protagoniste, plein de bonté, qui ne perd jamais son flegme et qui est toujours partant pour aider, et régler tous les problèmes que peuvent rencontrer les clients. Ce personnage, c'est Hansueli, le manager de l'hôtel, campé par un Oliver Masucci au sourire contagieux, et à la bienveillance à toute épreuve. Et devant cette myriade d'enfants gâtés, on ne cesse d'être étonné par son calme, sa maîtrise et sa tempérance. Il est un peu l'avatar du spectateur et on compatit avec lui devant tout ce qu'il a à gérer.

Bien que les personnages soient excessifs, les événements relatés ne le sont pas tellement. On reste dans le registre de la farce, et tout ce qui sort un peu de l'ordinaire sert à merveille les effets comiques. Sans être jamais outrancier ou vulgaire. On se replonge dans cette fin de deuxième millénaire avant le passage de l'an 2000, et on goûte avec plaisir à toutes ces références au bug, et à la fin du monde qui était promise à l'époque.

Mais cette fête dans ce contexte démontre également une certaine innocence de cette époque pré 11 septembre 2001, où la Russie commençait à peine à découvrir Vladimir Poutine, qui promettait de respecter les droits des citoyens de son pays lors de son accession à la présidence. Cette séquence télévisée regardée par les personnages russes au début du film résonne particulièrement 24 ans après.

La mise en scène est une fois de plus impeccable. Les décors blancs extérieurs étant peu utilisés, la caméra se faufile dans tous les recoins de l'hôtel afin de nous révéler tous les vices de nos personnages. Il en résulte que chacun en prend pour son grade dans un festival d'autodérision. Mais chaque comédien le fait de bon cœur sans arrière pensée.

Il en résulte une comédie très drôle et festive, mais qui pourtant, ne permet pas d'oublier totalement le monde dans lequel on vit. Car quand on voit la désolation de la salle de fête à l'issue du réveillon, on se dit que parfois, faire la fête cause aussi bien des dégâts.  De façon intelligente, parfois subtile, parfois grossière, mais toujours authentique, Roman Polanski livre un film qui n'a au final qu'un seul but, divertir le spectateur qui osera encore regarder un de ses films en 2024. Et le faire rire aussi. 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Je suis allé le voir par curiosité, persuadé que les critiques exagéraient. Malheureusement, je leur donne raison : je n’ai pas du tout aimé ce trop plein d’excès. Je reste donc sur "Carnage", pour ma part.
Répondre
A
Carnage est bien entendu supérieur à The Palace. Mais The Palace n'est pas le film horrible que la presse a voulu dépeindre, voilà tout :)